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Hommage à Jean-Paul Dollé : 2. Le singulier et le pluriel. Hélène Bleskine. Paris en mai.  

vendredi 29 avril 2011, par Hélène Bleskine

DÉDICACE (inédit). Présentation : « Tel que je l’imagine, par des liens entre l’architecture et l’écriture dans la ville, " l’intime du cerveau " décrypterait des itinéraires, des manières personnelles de regarder, de découvrir, de raconter ce qui provoque des émotions. Qu’est-ce qu’une émotion en architecture, qu’est-ce qui se passe comme événement dans la ville, qu’est-ce qui incite à l’étonnement ? » Ce livre* d’Hélène Bleskine, pour entrevoir le singulier et le pluriel de l’amitié en partage avec Jean-Paul Dollé, dans la scénographie quotidienne de la ville. Mais bien davantage, la subtilité intime et séduisante de son amitié, toujours en devenir sensible et intelligent, avec les femmes.

11 February 2011 7.25pm
(Source www.eda-egypt.org.uk)
The camp that toppled a president - Cairo’s central Tahrir Square was the focal point for anti-Mubarak protesters during 18 days of demons.


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Jean-Paul, toujours partant…
Pour une manifestation, un débat, une pièce de théâtre, un film, un concert, un voyage, une fête.
Chaque semaine, Jean-Paul était partant pour de nouvelles amitiés, il s’extasiait des ressources de chacun, il s’émerveillait.
Il aimait les femmes, ses amies, avec lesquelles il flânait, penser avec elles, être passionné par ce qu’elles pensaient, écrivaient, créaient.
C’est lui qui m’a fait découvrir Hölderlin : la poésie comme expérience, habiter le monde « poétiquement ».
Il me poussait à accueillir la vie telle qu’elle apparaît dans sa vigueur, sa spontanéité.
Il ne vous décourageait pas : - « vas-y ! » disait-il.
Il ne se résignait pas, et il le transmettait.
Il aimait marcher dans les rues, s’asseoir à la terrasse d’un café, découvrir un quartier. Il personnifiait dans son questionnement le singulier et le pluriel.
Il ne se plaignait pas.
Il savait se déprendre du spleen de la mélancolie, il pouvait repérer d’emblée un ton sceptique, critiquer une volupté morose qui aurait pu faire partie de ce qu’il appelait « le territoire du rien », là où poussent la souffrance et le désarroi.
Son bon vieux cœur juvénile était attentif à toutes les révoltes : - « tu vas voir, ça va marcher, quelque chose bouge ! »
Il était persuadé que l’idée de peuple ne peut exister que dans des longues marches fraternelles, que la politique c’est le peuple rassemblé lorsqu’il se donne rendez-vous pour contester ensemble.
C’était sa haute idée du politique, être ensemble dans la rue.
C’était sa définition du bonheur public. Son goût du bonheur public.
Ça l’enthousiasmait, d’années en années, l’émergence tout à coup d’un mouvement généreux.
Il repérait les nouvelles exigences, « celle de dignité » par exemple scandée dans les grèves, et les cortèges.
Le dimanche qui a précédé son dernier départ, il était captivé par ce qui se passait en Tunisie et en Egypte, lui qui avait tellement défendu la ville citoyenne avec ses rues, ses places, ses jardins, tout à coup de l’autre côté de la Méditerranée, Tunis et Le Caire vibraient.
Il ne supportait pas ce soupçon auquel on se heurte ici, cette méfiance devant la rue, et comment cette suspicion va tenter d’amoindrir les élans démocratiques.
Il avait été sidéré par le mouvement dans les Antilles, en février 2009, avec « Le manifeste pour les produits de haute nécessité » écrit par des écrivains antillais qu’il citait : « Vivre la vie, et sa propre vie, dans l’élévation constante vers le plus noble et le plus exigeant, et donc vers le plus épanouissant. Ce qui revient à vivre sa vie, et la vie, dans toute l’ampleur du poétique. »
Jean-Paul aimait se fondre dans le mouvement, il réfléchissait tout le temps en invitant à la réflexion, il était heureux de penser à voix haute, c’était sa séduction personnelle, son charme bien à lui, presque un amour charnel des idées, il était sûr que la pensée est un bien commun, une matière en combustion que l’on peut à chaque instant partager et en éprouver de la joie.
Jean-Paul s’en est allé, il est parti trop vite, son départ s’associe à l’imprévu qu’il savait si bien capter dans ce qui arrive.

Hélène Bleskine (mars 2011)

HOMMAGE À JEAN-PAUL DOLLÉ
DANS LA REVUE DES RESSOURCES

Jean-Paul Dollé
4 novembre 1939 - 2 février 2011

Index
(suivre les liens sous les n° de chapitres)

- 1. De l’acédie. Du soin qu’on donne à un mort. Bruno Queysanne. (Dédicace - inédit)
- 2. Le singulier et le pluriel. Paris en mai. Hélène Bleskine. (Dédicace - inédit)
- 3. Entrevue sur l’institution. La parole errante. Stéphane Gatti. (Vidéo - inédit)
- 4. L’Inhabitable capital. VIII. Nihilisme et maladie - IX. Les deux nihilismes. (Extrait - Jean-Paul Dollé)
- 5. "Jean-Paul Dollé, témoin lucide" par Josyane Savigneau. Pierre Goldman. (Recension de L’insoumis, vies et légendes de Pierre Goldman)
- 6. L’insoumis, vies et légendes de Pierre Goldman. II. (...) Les étudiants révolutionnaires. (Extrait - Jean-Paul Dollé)
- 7. La cité et les barbares. (Citation intégrale - Jean-Paul Dollé)
- 8. Bernard-Henri Lévy recense "Haine de la pensée". (Recension de Haine de la pensée)
- 9. Haine de la pensée - en ces temps de détresse. IV. Un se divise en deux : (...) (Extrait - Jean-Paul Dollé)
- 10. "Question où de Sartre il n’y eut que le silence". Roland Castro. (Dédicace)
- 11. "Mon ami Jean-Paul Dollé...". Paul Virilio. (Dédicace)
- 12. Métropolitique. IV. L’expulsion (...). V. Habiter l’absence (...). (Extrait - Jean-Paul Dollé)
- 13. Le Myope. 1re partie. IV. (...) (Extrait - Jean-Paul Dollé)
- 14. Ce que tu ne pouvais pas nous dire. Aliette Guibert-Certhoux (Dédicace)

(à suivre)

P.-S.

* Hélène Bleskine, Passerelles dans la ville, écritures, architectures, essai, éd. de l’imprimeur, Paris, 2001.

Hélène Bleskine à France Culture.

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Claude Nougaro, Paris Mai (1968)


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