Huysmans naît au no 11 (actuel 9) de la rue Suger dans le VIe arrondissement de Paris, d’un père néerlandais du nom de Godfried Huysmans, litographe de profession et d’une mère française, Malvina Badin, maîtresse d’école. Il passe toute son enfance dans cette maison. Il fit toute sa carrière au ministère de l’Intérieur, où il entra en 1866. En tant que romancier et critique d’art, il prit une part active à la vie littéraire et artistique française dans le dernier quart du xixe siècle siècle et jusqu’à sa mort, en 1907.
Défenseur du naturalisme à ses débuts, il rompit avec l’école littéraire créée par Émile Zola pour explorer les possibilités nouvelles offertes par le symbolisme et devint le principal représentant de l’esthétique fin de siècle. Dans la dernière partie de sa vie, il se convertit au catholicisme et renoua avec la tradition de la littérature mystique et fut ami de l’abbé Mugnier.
Par son œuvre de critique d’art, il contribua à lancer en France la peinture impressionniste comme le mouvement du symbolisme et permit au public de redécouvrir l’œuvre des artistes primitifs.
En 1874, Huysmans fait paraître à compte d’auteur un premier recueil de poèmes en prose intitulé Le Drageoir aux épices. Il s’agit d’un mélange hétéroclite de pièces de prose poétique, où l’auteur rend hommage aux peintres hollandais et flamands (Rembrandt, Rubens, Adriaen Brouwer, Adriaen van Ostade, Cornélius Béga…) et à la poésie de François Villon. Si cette œuvre de jeunesse laisse encore deviner l’influence marquée du romantisme – Gaspard de la Nuit d’Aloysius Bertrand – ou de la poésie moderne – les Petits poèmes en prose de Baudelaire –, elle témoigne cependant déjà d’un véritable talent d’écrivain réaliste et d’un intérêt marqué pour l’esthétique naturaliste développée à la même époque par Émile Zola.
En 1876, Huysmans publie son premier roman, d’inspiration ouvertement naturaliste, Marthe, histoire d’une fille, qui a pour thème la vie et les déboires d’une jeune parisienne contrainte par une société cupide et sans scrupules à aller jusqu’à se prostituer pour survivre. Craignant la censure qui sévit alors en France, Huysmans fit d’abord éditer ce roman à Bruxelles.
La même année, il se lie d’amitié avec Émile Zola, dont il prend ouvertement la défense dans un vibrant article consacré à son dernier roman, L’Assommoir. Cet article restera dans l’histoire de la littérature comme un des tout premiers manifestes en faveur du naturalisme.
Son deuxième roman, Les Sœurs Vatard, qui suit également la veine naturaliste, paraît en 1879, accompagné d’une dédicace à Zola, qu’il reconnaît comme son maître en littérature.
Dès lors, Huysmans appartient au petit groupe des jeunes écrivains reçus par Zola dans sa villa de Médan. Il y fréquente Guy de Maupassant, Léon Hennique, Henry Céard, avec lesquels il collabore, en 1880, à la publication, sous l’égide de Zola, du recueil collectif de nouvelles naturalistes intitulé Les Soirées de Médan, dans lequel il insère Sac au dos, un récit ironique et antipatriotique de son expérience de civil mobilisé durant la Guerre de 1870.
En ménage, roman publié l’année suivante, et surtout À vau-l’eau, une longue nouvelle parue en 1882, peignent les existences ternes et sans saveur d’anti-héros usés par « cette vie moderne atroce », et dont les idées noires sont imbibées des préceptes pessimistes de Schopenhauer.
Huysmans gardera de cette période une puissance d’évocation exceptionnelle dans ses descriptions architecturales, comme le Cycle de Durtal en témoigne dans les nombreuses pages consacrées aux édifices religieux.
En publiant À rebours en 1884, Huysmans rompt brutalement avec l’esthétique naturaliste. Les « tendances vers l’artifice3 » de son héros des Esseintes, son rejet de la modernité, ses goûts décadents, ses manières de dandy excentrique et ses caprices d’esthète enthousiasmeront les lecteurs et en particulier la « jeunesse artiste4 » qui se reconnut dans l’esthétique fin de siècle créée par Huysmans, lequel avait su faire la synthèse des influences morbides de Baudelaire ou d’Edgar Poe, des propensions au rêve exprimées par les poèmes de Stéphane Mallarmé ou les tableaux de Gustave Moreau, et du réalisme exigeant des œuvres de la littérature latine de l’époque de la décadence romaine.
Roman total intégrant au cœur de la narration romanesque des réflexions sur l’art et la littérature, ’’À rebours’’ reste une œuvre à part dans l’histoire de la littérature et une expérience romanesque jamais réitérée par son auteur. En cherchant à ouvrir, par ce roman, une voie nouvelle dans la littérature pour échapper à l’impasse du naturalisme, Huysmans en vient à s’interroger personnellement sur la question de la foi. En effet, le roman se terminait sur ces mots : « Seigneur, prenez pitié du chrétien qui doute, de l’incrédule qui voudrait croire, du forçat de la vie qui s’embarque seul, dans la nuit, sous un firmament que n’éclairent plus les consolants fanaux du vieil espoir ! »
Estimant qu’un roman, pour intéresser le lecteur, doit mêler à la narration des « documents avérés », Huysmans entreprend, dans Là-bas (1891), d’étudier le phénomène du satanisme en partant du cas historique de Gilles de Rais et en poursuivant son sujet jusque dans ses manifestations contemporaines. Il se documente en assistant à une messe noire, fréquente les milieux ésotériques, s’initie à la kabbale et se plonge dans l’étude du symbolisme et de l’occultisme.