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Octobre en France : les « pogroms » et les massacres contre la population algérienne sous la préfecture Papon à Paris 

Pour mémoire en ces temps incertains

dimanche 17 octobre 2021, par Dionys Mascolo, Jean Texier, Les policiers républicains (1961), Louise Desrenards, Maurice Blanchot (Date de rédaction antérieure : 17 octobre 2011).

Yasmina Adi, « Ici on noie les Algériens » (2h 7’), 2011.


A l’appel du Front de libération nationale (F.L.N.), des milliers d’Algériens et d’Algériennes de Paris et de la banlieue parisienne viennent pacifiquement en famille pour défiler en masse dans la capitale, le 17 octobre 1961, contre le couvre feu qui leur est exclusivement imposé et contraint ces travailleurs à souvent devoir le dépasser et à être raflés.




Le documentaire de Yasmina Adi, « Ici on noie les Algériens » (2011)

I. 17 octobre 1961 : Un groupe de policiers républicains déclare (30 octobre 1961)
II. Ici on noie les Algériens (les graffitis source).
III. Manifeste des 121 (septembre 1960).

- En logo : Jean-Michel Mension (1934-2006) aka Alexis Violet (Lettriste), lors de la commémoration par le maire de Paris Delanoë au pont Saint Michel, en 2002, arbore la célèbre photo du graffiti du quai de Conti, qu’ainsi il signe, prise, durant la semaine qui suivit le massacre du 17 octobre 1961, par le photographe de Presse Jean Texier, diligenté et assisté par le jeune journaliste Claude Angeli.


PRÉFACE


Tristes anniversaires d’octobre à Paris, impacts métropolitains des heures sombres coloniales et post-coloniales de la République française. Le 29 octobre 2017 sera la commémoration de la disparition, en 1965, avec la complicité de la police parisienne sous l’information de Pierre Messmer, ministre des armées, de Mehdi Ben Barka [1], dont on sait aujourd’hui qu’il fut assassiné sur les ordres et par le chef des services secrets marocains probablement à la double solde des services secrets des États-Unis. Personnalité marocaine, professeur et chercheur en mathématiques, précepteur des enfants royaux, néanmoins activiste révolutionnaire, Ben Barka était le co-fondateur avec Che Guevara, Ahmed Ben Bella, Salvador Allende, Hô Chi Minh, Amílcar Cabral, Douglas Bravo, de la Conférence Tricontinentale [2], dont il était le principal organisateur de la première session prévue à La Havane, pour l’année suivante.

Mais c’est le massacre des algériens à Paris, sous la seule responsabilité du gouvernent français, dans la nuit du 17 au 18 octobre 1961, alors que la guerre d’Algérie allait bientôt se conclure (au début de 1962), qui fait l’objet du présent article, dont la première publication dans La Revue des ressources participa à la célébration du cinquantenaire, en 2011.


*


Cette nuit d’horrible mémoire fut caractérisée par un crime massif d’État contre les algériens de Paris et de la banlieue parisienne sous les actes de la police du Préfet Papon, l’autorisant à une répression sanglante par toutes les formes de violence possibles en pleine rue ou lors des arrestations et de la rétention des détenus (armes à feu, matraques, bidules — gourdins de bois trempé, — tortures, mutilations) contre les gens d’une masse estimée entre trente et quarante mille manifestants pacifiques, des hommes et des femmes voir des familles, protestant à l’appel du FLN contre le couvre-feu qui leur était imposé et provoquait des arrestations arbitraires avec leurs lots de risques, de menaces et de tortures.
Au terme de la nuit il y eut plus d’une centaine de morts — ultérieurement repérés par les familles, — auxquels il faut ajouter des disparus, et deux cent personnes gravement blessées, pour celles que l’on put connaître car beaucoup n’osèrent pas se faire hospitaliser de peur d’être arrêtées, et dans les jours suivants certaines d’entre elles ne survécurent pas à leurs blessures. La répression policière et et para-policière violente et leurs chiffres furent accrus largement lors des exactions qui eurent lieu jusqu’à la fin de l’année. La lettre des policiers républicains reproduite en entête de l’article qui suit cette présentation donne une idée des atrocités subies par les algériens de Paris et de la région parisienne cette nuit là et plus largement avant et après (entre 1959 et 1962).

La bête immonde du racisme et de la xénophobie qui ronge les corps publics armés désinformés et se révèle lorsqu’ils sont autorisés à la force des coups abusant de violence les gens contre leurs droits dévoile leur prédation criminelle et celle de leur couverture officielle par les autorités supérieures ; avec les milices auto-instituées à leur marge, comme les forces militaires et para-militaires sous les dictatures, ils frappent comme des monstres déchaînés... Cette violence apparue périodiquement contre des masses racialisées ou syndicales en France, s’est exprimée avec la plus grande violence contre les Algériens ; on la retrouve aussi contre des individus isolés. Tel le sort subi par le retraité Ali Ziri, revenu d’Algérie pour passer quelques jours en France afin d’acheter un cadeau de mariage pour sa fille, mort sous les coups de la police lors d’une arrestation abusive, après qu’il eût fêté ses retrouvailles avec un ami, en 2009... Ils sont éméchés et la voiture doit s’arrêter pour un contrôle de papiers, son ami, le conducteur, est jeté hors de la voiture et traîné par terre ; Ziri intervient pour faire cesser les coups, disant qu’il va porter plainte. On connaît la suite. Mort pour avoir dit qu’il allait porter plainte contre la police. C’était un 11 juin, à Argenteuil.

Qu’on se souvienne de l’étudiant Malek Oussekine, « ratonné » après une manifestation de lycéens, acculé à l’entrée d’un immeuble, assassiné à coups de matraques par les « voltigeurs » de Robert Pandraud, chargés de la « sécurité » des manifestations par le ministre Charles Pasqua, en 1986 ; c’était lors d’une alternance sous la présidence de François Mitterrand. Qu’on se souvienne du climat de terreur installé par les comportements des policiers lors des arrestations aléatoires, les gardes à vue prolongées, soutenues par les abus d’une justice dépendant du Parquet et en plus, aujourd’hui, dont les enquêtes sont faites non plus selon les juges mais par les policiers eux-mêmes (juges et parties dans le cas de la répression). Sous les ministères successifs de Mme Alliot-Marie (Garde des sceaux puis Ministre de l’intérieur) sous le second mandat présidentiel de Jacques Chirac, mais encore sous le gouvernement Villepin, suivis du mandat de Nicolas Sarkozy puis de messieurs Hortefeux et Guéant, à leur tour missionnés à l’Intérieur, alors que leur ami était lui-même devenu Président de la république. Enfin monsieur Valls, leur successeur inaugurant comme ministre de l’intérieur le mandat présidentiel de François Hollande, puis missionné par ce dernier comme Premier Ministre, liquidateur de la république, choses et droits.

Retour des guerres impérialistes de l’OTAN réintégrée par la France depuis le Traité de Lisbonne : bilan d’une justification de cinq lois anti-terroristes successives et cumulatives, menaçant tous nos droits de conscience et d’expression. Et si d’aventure ces grands liquidateurs devenaient à leur tour candidats aux prochaines présidentielles, on se demande bien de quelle république il pourrait désormais s’agir sinon d’une dictature néo-conservatrice dure, cadrant la prescription radicale des droits de la population, pour une société financièrement et économiquement administrée par Bruxelles.

À ce point, évoquons les mutilations dues aux tirs de Flashball au visage, perpétrées par les BAC, corps principalement constitué de voyous réhabilités, attribués d’un rôle sécuritaire, toujours actif et devenu le fleuron de la police sociétale des Présidents actuels.

Quant aux Roms, dernières victimes "ethniques" du pouvoir en place — avant les réfugiés.

Il y a en France la transmission d’une sinistre habitude qui remonte à la police du gouvernement de Vichy contre les mouvements de résistance, et en même temps contre la population juive visée par les rafles, puis avançant dans le temps contre les maghrébins, puis contre les Roms, contre les Africains, contre les Arabes venus du Moyen Orient ; c’est-à-dire que le racisme et la xénophobie criminels d’État ont toujours accompagné la répression de la désobéissance civile.

Aujourd’hui encore et comme toujours, on connaît des sources de la répression dans la volonté d’écraser les mouvements anticolonialistes (mouvements à l’instar de ceux qui secouèrent positivement l’après-guerre et le début des années de la postmodernité). Les nouvelles guerres de « stabilisation » de l’Afrique ou du Moyen Orient sont toujours des guerres impérialistes, ainsi que les guerres de « déstabilisation » internationale au Maghreb et au Machrek, ou aux confins des frontières avec la Russie.

Le martyr permanent des palestiniens vivant en Palestine, c’est encore et toujours la répression entendue contre un sous-peuple d’« apatrides » arabes, même si dans ce cas il s’agit d’indigènes spoliés de leurs droits et légitimement révoltés — toujours « les arabes » — s’agirait-il de musulmans ou de chrétiens, ou d’autres minorités. Toujours les apatrides quand, au temps de la globalisation financière, économique et sécuritaire, contrainte, les humains sont de plus en plus assignés aux limites géographiques des anciennes nations car elles ne valent plus symboliquement, sinon de façon vénale pour exercer l’interdiction de la liberté de vivre et de se déplacer.

Il convient d’insister sur la réalité européenne déjà évoquée (car elle accompagne les annexes de la constitution européenne qui fut refusée par referendum mais reconduite autoritairement contre les constitutions électorales par le Traité de Lisbonne), il y a en Europe une actualité de la diminution des libertés individuelles gardées par les polices sous-informées et sur-autorisées, pas seulement les gendarmeries, maintenant chargées de l’instruction de dossiers qui étaient auparavant l’affaire de la justice, au nom de la sécurité. Ce point clairement exprimé réside dans la concentration du pouvoir exécutif s’arrogeant une part importante du pouvoir judiciaire, en s’appropriant la recension des dossiers destinés à la décision de la justice. Autant dire l’entrée de la raison et du secret d’Etat latents dans toutes les procédures civiles rendues inaccessibles aux consultations populaires, depuis que les archives judiciaires sont gardées par l’armée et seulement accessibles aux professionnels ou sur demande explicite, administrées par Alain Bauer dans le cadre du second mandat Chirac.

FMA : Français Musulmans d’Algérie, aujourd’hui "musulmans de France", ellipse étant faite des français non arabes qui récemment ou depuis plusieurs générations seraient devenus musulmans mais qui, à la lueur de quelque opportunité électorale ou de l’actualité réactive, peuvent opportunément réapparaître soudain désignés, emprunts du soupçon de collusion avec le terrorisme. Ou même ces citoyens seraient-ils simplement considérés en situation de faiblesse s’ils tolèraient le foulard, égal au "voile islamique" (un crime menant forcément à l’autre dans la convention idéologique).

De quelque religion ou communauté que l’on soit, quand le soutien de l’existence politique des Palestiniens fait accuser à tort d’antisémitisme, cela crée l’écran pour masquer le racisme étendu — le racisme source, celui qui installe la généalogie de toutes ses formes possibles selon les contextes et fait monter au pouvoir l’intolérance et la disparition des droits pour tous, le racisme colonial, et la xénophobie nationaliste, quand les possibilités de la défense contradictoire se raréfient.


*

... En quoi consistèrent les pogroms et les massacres racistes et fascistes contre les Algériens de Paris entre 1960 et la fin de 1961 ? La lettre des policiers républicains donne des précisions qui confirment, à l’époque, qu’il n’ait pas s’agi pas de rumeurs. Aujourd’hui leur déclaration confirme les témoignages que depuis nous avons pu entendre. De plus, on y découvre par les actes de qui et par quels corps la violence était exécutée. La police parisienne, des CRS, des gendarmes mobiles, des forces auxiliaires de police dites Brigades Spéciales de District (algériens pro-français encasernés sous l’autorité de l’armée et mis à la disposition de la police pour réprimer leur communauté, ceux appelés "harkis"), le Préfet de police Maurice Papon, en accord avec Roger Frey, Ministre de l’intérieur, et Michel Debré, Premier ministre, partisans de l’Algérie Française, pour contrecarrer le processus de paix avec le FLN tandis que le Général de Gaulle rappelé en 1958 par le président René Coty, à la demande des Pieds Noirs, puis élu Président de la République en 1959, commence secrètement des négociations contradictoires avec sa première promesse, qui se concluront par les accords d’Évian mettant fin à la guerre d’Algérie le 18 mars 1962.
Mais le Général de Gaulle n’est pas blanc des répressions coloniales, et encore moins des algériens nationalistes contre lesquels Paris avait envoyé l’armée réprimer à Sétif, sous son gouvernement allié des communistes, à la Libération. En 1945, sourdaient déjà les prémisses de la guerre d’Indochine sous les alliances au pouvoir du gouvernement de la Libération..

Maurice Papon : survivant politique zélé de la collaboration active avec les nazis pendant la guerre, sauvé in extremis par la livraison de renseignements ou de documents précieux pour les alliés, devenu Préfet de police de Paris depuis 1954, au retour d’une mission préfectorale en Corse, où il avait été missionné par le Ministre de l’Intérieur pour relayer secrètement le trafic d’armes en provenance des États-Unis vers les commandos sionistes en Palestine [3]. L’assassinat de masse d’octobre 1961 sous ses ordres fut précédé et suivi par les ratonnades meurtrières et les tortures atroces qu’il avait déjà laissé expérimenter et systématiser sous ses pouvoirs spéciaux, comme préfet de la région de Constantine de 1949 à 1951 [4].

La lettre déjà évoquée et recopiée ici (on trouvera également le scan téléchargeable en pdf du document original, dactylographié), est aujourd’hui libre du secret des archives et dans le domaine public au terme de cinquante ans ; elle est proposée en téléchargement dans le web documentaire La nuit oubliée présenté dans le site du journal Le Monde, depuis le jour anniversaire, et qui demeure accessible au-delà. Nous incitons à l’explorer pour découvrir les témoignages et les interviews.

La cérémonie commémorative du cinquantenaire en 2011 a donné lieu à la sortie en salles du film Octobre à Paris, l’œuvre du professeur Jacques Panigel solidaire de la lutte pour l’indépendance de l’Algériel [5], tourné avec des moyens de fortune pendant la manifestation du 17 octobre, complété par des inserts avec des photos du reportage terrible d’Elie Kagan, et reconstitué concernant la préparation activiste préalable au rassemblement, dans les sites mêmes de la vie des communautés concernées. Le massacre laissa 147 algériens identifiés à Paris (sous réserve des corps non identifiés), plusieurs centaines si l"on compte les morts de la semaine précédente et de la suivante, et plusieurs centaines de blessés durant la nuit la nuit du 17, tous atteignant un millier durant les mois suivants.
Le film fut saisi par la police dès la première séance de sa présentation publique en 1962, et demeura interdit jusqu’en 1973. Où le cinéaste et producteur René Vautier entreprit une grève de la faim jusqu’à ce que le film soit libéré, et demandant en outre que la libération de ce film mette fin à toute censure politique en France. Au bout du 31e jour de grève de la faim du cinéaste, hospitalisé à Quimper, le ministre des affaires culturelles Jacques Duhamel parvint à obtenir la révocation de la censure. Mais alors ce fut Jacques Panijel lui-même qui, pour des raisons probablement contextuelles liées aux conditions de la paix régnant depuis entre les deux pays, comme entre les membres des deux communautés algériennes anti-colonialistes et pro-françaises, autrefois opposées, s’opposa à sa commercialisation. L’auteur est mort l’an passé, ayant sans doute autorisé l’exploitation posthume de son film au terme de plusieurs décennies, aussi Octobre à Paris sort-il en salle à l’occasion du cinquantenaire de la mémoire des massacres.

Il faut absolument voir Octobre à Paris pour découvrir la réalité des ghettos en bidonvilles dans lesquels étaient assignés à vivre les Algériens qui travaillaient principalement dans les usines d’automobiles, dans le bâtiment, et les travaux publics. Ils y avaient reconstitué une vie sociale digne avec leurs familles.
Si les situations préalables de la manifestation sont reconstituées, aucun acteur n’intervient sinon les protagonistes mêmes et dans leurs lieux, notamment le bidonville de Nanterre — pouvant évoquer celui d’Aubervilliers — et les foyers et hôtels dans lesquels sont réalisées les interviews. [6].

Un autre film à l’occasion du cinquantenaire présente des témoignages recueillis plus de quarante après par la réalisatrice Yasmina Adi, Ici on noie les algériens, reprenant le graffiti du quai de Conti attribué à Mension, Binoche, Rey, pour rappeler que la Seine charria des cadavres. Quelques un jetés vivants nageant en aval, purent en réchapper ; ce film est également programmé dans les salles, et avec Octobre à Paris a fait l’objet d’une présentation commune au Forum des images, à Paris, le 18 octobre 2011.

En post-scriptum on trouvera le texte intégral et la citation des signatures du Manifeste des 121, sous-titré « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie », signé par des personnalités connues, intellectuels, universitaires, éditeurs, journalistes, écrivains, poètes, artistes, publié le 6 septembre 1960 dans le magazine Vérité-Liberté. Le prix de la censure fut terrible et des interdictions sans réserve furent accomplies à l’encontre des signataires mis au ban jusqu’à la loi d’amnistie générale, rendue effective à partir d’avril 1962, après les accords d’Évian.

Pour mémoire :

Le Général de Gaulle est Président de la République aux pleins pouvoirs du 8 janvier 1959 au 28 avril 1969. Roger Frey est son ministre de l’Intérieur du 8 mai 1961 au 1er avril 1967, il signe donc une responsabilité majeure dans les massacres des Algériens en octobre 1961, les tués du métro Charonne lors de la la manifestation organisée par le parti communiste en février 1962, l’enlèvement de Mehdi Ben Barka le 29 octobre 1965. Maurice Papon est le Préfet de police de Paris du 15 mars 1958 au 26 décembre 1966. Il est le responsable direct des répressions fatales et toujours en pouvoir au moment de l’enlèvement de Ben Barka. Michel Debré, est le Premier Ministre du 8 janvier 1959 au 14 avril 1962 — il est donc prescrit en tant que chef du gouvernement lors de l’enlèvement de Ben Barka.
(L. D. 2017)



I. 17 OCTOBRE

Un groupe de policiers républicains déclare...

 Ce qui s’est passé le 17 octobre 1961 et les jours suivants contre les manifestants pacifiques, sur lesquels aucune arme n’a été trouvée, nous fait un devoir d’apporter notre témoignage et d’alerter l’opinion publique. Nous ne pouvons taire plus longtemps notre réprobation devant les actes odieux qui risquent de devenir monnaie courante et de rejaillir sur l’honneur du corps de police tout entier.

 Aujourd’hui, quoi qu’à des degrés différents, la presse fait état de révélations, publie des lettres de lecteurs, demande des explications. La révolte gagne les hommes honnêtes de toutes opinions. Dans nos rangs, ceux-là sont la grande majorité. Certains en arrivent à douter de la valeur de leur uniforme.

 Tous les coupables doivent être punis. Le châtiment doit s’étendre à tous les responsables, ceux qui donnent les ordres, ceux qui feignent de laisser faire, si haut placés soient-ils.

 

Nous nous devons d’informer.

QUELQUES FAITS, LE 17 OCTOBRE...

 Parmi les milliers d’Algériens emmenés au Parc des Expositions de la Porte de Versailles, des dizaines ont été tués à coups de crosses et de manches de pioches par enfoncement du crâne, éclatement de la rate ou du foie, brisures des membres. Leurs corps furent piétinés sous le regard bienveillant de M. PARIS, Contrôleur général.

 D’autres eurent les doigts arrachés par les membres du service d’ordre, policiers et gendarmes mobiles, qui s’étaient cyniquement intitulés "Comité d’Accueil".


 À l’une des extrémités du Pont de Neuilly, des groupes de gardiens de la paix, à l’autre des C.R.S., opéraient lentement leur jonction. Tous les Algériens pris dans cet immense piège étaient assommés et précipités systématiquement dans la Seine. il y en eut une bonne centaine à subir ce traitement. Ces mêmes méthodes furent employées au Pont St Michel. Les corps des victimes commencent à remonter à la surface journellement et portent des traces de coups et de strangulation.


 À la station du métro Austerlitz, le sang coulait à flots, des lambeaux humains jonchaient les marches des escaliers. Ce massacre bénéficiait du patronage et des encouragements de M. SOREAU, Contrôleur général du 5e district.


 La petite cour, dite d’isolement, qui sépare la caserne de la Cité de l’Hôtel Préfectoral était transformée en un véritable charnier. Les tortionnaires jetèrent des dizaines de leurs victimes dans la Seine qui coule à quelques mètres pour les soustraire à l’examen des médecins légistes. Non sans les avoir délestés, au préalable, de leurs montres et de leur argent. M. Papon, Préfet de Police, et M. LEGAY, Directeur général de la Police municipale assistaient à ces horribles scènes. Dans la grande cour du 19 août plus d’un millier d’Algériens était l’objet d’un matraquage intense que la nuit rendait encore plus sanglant.

QUELQUES AUTRES...

 À St-Denis, les Algériens ramassés au cours des rafles sont systématiquement brutalisés dans les locaux du commissariat. Le bilan d’une nuit récente fut particulièrement meurtrier. Plus de 30 malheureux furent jetés, inanimés, dans le canal après avoir été sauvagement battus.


 À Noisy-le-Sec, au cours d’un très ordinaire accident de la route une Dauphine a percuté un camion. Le conducteur de la Dauphine, un Algérien, gravement blessé, est transporté à l’hôpital dans un car de police. Que s’est-il passé dans le car ? Toujours est-il que l’interne de service constata le décès par balle de 7,65. Le juge d’instruction commis sur les lieux, a été contraint de demander un complément d’information.


 À Saint-Denis, Aubervilliers et dans quelques arrondissements de Paris, des commandos formés d’agents des Brigades spéciales des Districts et de gardiens de la paix en civil "travaillent à leur compte", hors service. Ils se répartissent en deux groupes. Pendant que le premier arrête les Algériens, se saisit de leurs papiers et les détruit, le second groupe les interpelle une seconde fois. Comme les Algériens n’ont plus de papiers à présenter, le prétexte est trouvé pour les assommer et les jeter dans le canal, les abandonner blessés, voire morts, dans les terrains vagues, les pendre dans le bois de Vincennes.


 Dans le 18e, des membres des Brigades spéciales du 3e District se sont livrés à d’horribles tortures. Des Algériens ont été aspergés d’essence et brûlés "par morceaux". Pendant qu’une partie du corps se consumait, les vandales arrosaient une autre et l’incendiaient.

 Ces faits indiscutables ne sont qu’une faible partie de ce qui s’est passé ces dernier jours, de ce qui se passe encore. Ils sont connus dans la police municipale. Les exactions des harkis des Brigades spéciales des Districts, de la Brigade des Agressions et Violences ne sont plus des secrets. Les quelques informations rapportées par les journaux ne sont rien en regard de la vérité.

 Il s’agit d’un impitoyable processus dans lequel on veut faire sombrer le corps de police. Pour y parvenir, les encouragements n’ont pas manqué. N’est-elle pas significative la manière dont a été appliqué le décret du 8 juin 1961 qui avait pour objet le dégagement des activistes ultras de la Préfecture de Police ? Un tel assainissement était pourtant fort souhaitable. Or on ne trouve personne qui puisse être concerné par cette mesure ! Pour sauver les apparences, soixante deux quasi volontaires furent péniblement sollicités qui obtiennent chacun trois années de traitement normal et, à l’issue de cette période, une retraite d’ancienneté... Ce n’est là qu’un aspect de la "complaisance" du Préfet. En effet, au cours de plusieurs visites dans les commissariats de Paris et de la Banlieue, effectuées depuis le début de ce mois, M. PAPON a déclaré : « Réglez-vos affaires avec les Algériens vous-mêmes. Quoi qu’il arrive vous êtes couverts ». Dernièrement, il a manifesté sa satisfaction de l’activité très particulière des Brigades spéciales de District et s’est proposé de doubler leurs effectifs. Quant à M. SOREAU, il a déclaré de son côté, pour vaincre les scrupules de certains policiers : "Vous n’avez pas besoin de compliquer les choses. Sachez que même s’ils (les Algériens) n’en portent pas sur eux, vous devez penser qu’ils ont toujours des armes".

 Le climat ainsi créé porte ses fruits. La haine appelle la haine. Cet enchaînement monstrueux ne peut qu’accumuler les massacres et entretenir une situation de pogrom permanent.

 Nous ne pouvons croire que cela se produise sous la seule autorité de Monsieur le Préfet. Le Ministre de l’Intérieur, le Chef de l’État lui-même ne peuvent les ignorer, au moins dans leur ampleur. Sans doute, Monsieur le Préfet a-t-il évoqué devant le Conseil Municipal les informations judiciaires en cours. De même, le ministre de l’Intérieur a parlé d’une Commission d’Enquête. Ces procédures doivent être rapidement engagées. Il reste que le fond de la question demeure : comment a-t-on pu ainsi pervertir non pas quelques isolés, mais, malheureusement, un nombre important de policiers, plus spécialement parmi les jeunes ? Comment en est-on arrivé là ?

 Cette déchéance est-elle l’objectif de certains responsables ? Veulent-ils transformer la police en instrument docile, capable d’être demain le fer de lance d’une agression contre les libertés, contre les institutions républicaines ?

 Nous lançons un solennel appel à l’opinion publique. Son opposition grandissante à des pratiques criminelles aidera l’ensemble du corps de police à isoler, puis à rejeter les éléments gangrenés. Nous avons trop souffert de la conduite de certains des nôtres pendant l’occupation allemande. Nous le disons avec amertume mais sans honte puisque dans sa masse, la police a gardé une attitude conforme aux intérêts de la Nation. Nos morts, durant les glorieux combats de la Libération de Paris, en portent témoignage.

 Nous voulons que soit mis fin à l’atmosphère de jungle qui pénètre notre corps. Nous demandons le retour aux méthodes légales. C’est le moyen d’assumer la sécurité des policiers parisiens qui reste notre préoccupation. Il en est parmi nous qui pensent, à juste titre, que la meilleure façon d’aboutir à cette sécurité, de la garantir véritablement, réside en la fin de la guerre d’Algérie. Nous sommes, en dépit de nos divergences, le plus grand nombre à partager cette opinion. Cependant, nous le disons nettement : le rôle qu’on veut nous faire jouer n’est nullement propice à créer les conditions d’un tel dénouement, au contraire. Il ne peut assurer, sans tache, la coopération souhaitable entre notre peuple et l’Algérie de demain.

 Nous ne signons pas ce texte et nous le regrettons sincèrement. Nous constatons, non sans tristesse, que les circonstances actuelles ne le permettent pas. Nous espérons pourtant être compris et pouvoir rapidement révéler nos signatures sans que cela soit une sorte d’héroïsme inutile.

 Nous adressons cette lettre à M. le Président de la République à M.M. les membres du gouvernement, Députés, Sénateurs, Conseillers Généraux du département, aux personnalités religieuses, aux représentants de la Presse, du monde syndical, littéraire et artistique.

 Nous avons conscience d’obéir à de nobles préoccupations, de préserver notre dignité d’hommes, celle de nos familles qui ne doivent pas avoir à rougir de leurs pères, de leurs époux.

 Mais aussi, nous sommes certains de sauvegarder le renom de la police parisienne, celui de la France.


PARIS, le 31 octobre 1961 
Lettre dactylographiée
des policiers républicains
le 31 octobre 1961
Source Le monde



Ici on noie les Algériens


Ici on noie les algériens — graffiti du quai de Conti informant le massacre des Algériens dans la semaine qui succéda, ou la suivante (les protagonistes du graphe et de la photographie ne s’en souvinrent plus exactement, des décennies plus tard).

C’est bien dans les jours suivant le massacre que ce graffiti fut réalisé puis découvert par les parisiens parmi lesquels Claude Angeli, un matin, alors qu’il passait en Deux Chevaux [7] quai de Conti pour aller travailler au périodique annexe de l’Humanité, L’Avant-garde, mensuel du mouvement des jeunes communistes récréé depuis 1956, dont le bureau était situé dans le XVe arrondissement ; il alerta un photographe du journal, Jean Texier, également photographe de l’Humanité, et tous les deux revenant en voiture sur les lieux ce dernier put réaliser ce cliché pendant que Claude Angeli faisait le guet. Mais la photographie qui en résulta ne fut publiée que beaucoup plus tard — probablement autocensurée en son temps par le directeur de l’Humanité. Pour comprendre la violence du choc, des ratonnades, des arrestations, et avoir une idée des risques encourus par les grapheurs et des journalistes, pour leurs actes d’insoumission accompagnant les désertions, face aux services publics répressifs et à la censure, on peut lire, en miroir de la Lettre des policiers républicains, le témoignage d’un policier emporté dans la tourmente de la répression non seulement autorisée mais ouverte par les responsables administratifs au plus haut niveau ; il déclare sans conteste y avoir participé, et Laurent Chabrun qui a recueilli ses propos les a publiés dans L’Express en 1997, article mis à jour en 2012 [8].
En fait, il y avait trois grapheurs et trois graphes concertés : Jean-Marie Binoche (sculpteur et marionnettiste, père (?) de l’actrice Juliette Binoche), qui aurait fait le graphe à la peinture blanche sur le quai Malaquais (en face des Beaux Arts, au niveau du Pont des Arts), mais quant à lui évoquant une peinture noire ; Jean-Michel Mension aurait tracé celui en noir du quai de Conti, en face du quai des Orfèvres (correspondant à la photo) ; il est le grapheur lettriste Alexis Violet, réputé pour sa paresse et son refus de travailler, qui avait réalisé pour Guy Debord et en sa compagnie le graffiti sur l’Institut revendiqué par ce dernier : « Ne travaillez jamais », graffiti dont il est possible de considérer le graphisme des majuscules quasiment identique à celui du quai de Conti. Enfin, Benoist Rey, activiste leader de l’opération, revenu de la guerre d’Algérie depuis un an, qui en compagnie de deux autres garçons qu’il a nommés aurait tracé le premier de la série en contrebas du quai des Orfèvres, visible depuis la rive gauche ; (il est l’auteur entre autre du récit autobiographique à charge contre les militaires français Les égorgeurs, éd. de Minuit, paru la même année et re-édité par Alternative Libertaire).

Tous les trois faisaient partie du groupe d’artistes et de jeunes écrivains et artisans du livre rassemblant des communistes avant-gardistes soit des « gauchistes » (comprenant des anarchistes), qui tenaient leurs quartiers autour de l’écrivain dramaturge du Théâtre de l’absurde, Arthur Adamov, au café « Old Navy » [9], le "Comité Seine-Buci" — également proche de François Maspero, qui en 1955 avait ouvert non loin de là sa librairie « La joie de lire », en bas du quartier latin (rue St Séverin), et était devenu lui-même traducteur pour innover ses éditions activistes depuis 1959.
Tous les trois y ont participé et le mot d’ordre fut discuté avec Adamov. Mais qui a fait quoi et où, blanc ou noir ?... ils ne le savaient plus très bien eux-mêmes en 2001, alors que tous étaient encore en vie, lors de l’installation de la plaque commémorative sur le quai du Marché Neuf contre le pont Saint Michel, le triste jour anniversaire, par le nouveau maire de Paris, Bertrand Delanoë, en 2001.
Mais tous confirmèrent que chacun d’entre eux réalisa au moins une inscription. Il y en aurait même eu quatre.


Topographie de l’installation
du graffiti multiple
dénonçant le massacre du 17 oct. 1961
Source cairn.info


La multiplication géo-stratégique du graffiti selon des axes par rapport à la Seine, dont on sait que le flux charria des corps en aval du fleuve, au Louvre, ironie du rayonnement culturel international à la face duquel eut lieu le massacre français, à la préfecture de police et au quai des Orfèvres, lieu de la police judiciaire, centres exécutifs des enquêtes répressives et des violences, évoque une stratégie urbaine situationniste (l’IS a connu son premier opus en 1958 et Jean-Michel Mension aka Alexis Violet quoiqu’il ait été exclu de la formation de cette revue est pourtant resté loyal à son partage avec Guy Debord ; de même Benoist Rey tient en amitié Guy Debord et Michèle Bernstein — tous les deux signataires du Manifeste des 121, — avec lesquels il a partagé un moment de sa vie juste avant de partir sur le front algérien, en 1958).

Source « ici on noie les algériens » Fabriques documentaires, avatars politiques et mémoires partagées d’une icône militante (1961-2001).


Ici on noie les algériens
Photo Jean Texier
(graffiti du quai de Conti
par le Comité anti-fasciste Seine-Buci)
Source cairn.info


Voir la vidéo d’une ITW de l’auteur — l’histoire de son livre :

Cette vidéo fait partie d’un entretien biographique en série de 9 vidéos avec Benoîst Rey réalisé en 2010. Quatre vidéos comprenant celle sur le livre sont consacrées à la guerre d’Algérie où il partit faire son service militaire comme appelé en 1958. Alors jeune apprenti dans l’artisanat du livre habitant à Saint Germain-des-prés, Benoîst Rey évoque entre autre sa rencontre avec Michèle Bernstein et Guy Debord durant les deux derniers mois qui précédèrent son départ — dans la vidéo suivante :

Voir la vidéo d’une ITW de l’auteur — son départ en Algérie :

Les autres vidéos concernent son activisme pendant mai 68 à Paris, puis son départ pour se replier avec sa compagne dans les montagnes de l’Ariège et leur périple pour parvenir à survivre sans argent tout en gardant les mêmes idées politiques et communautaires ; finalement séparés il finit par ouvrir au même endroit, qu’il avait entièrement réhabilité de ses mains, un restaurant connu aujourd’hui, non loin duquel il vit encore (et où il revient parfois cuisiner, par exemple à l’occasion des vendanges).

Voir la vidéo d’une ITW de l’auteur — 1968 et l’après 68 :

 

Frontispice du film
du Professeur Panigel Octobre à Paris
Photo Elie Kagan
le 17 oct. 1961


___


II. MANIFESTE DES 121


Le Manifeste des 121, sous-titré « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie », est signé par des intellectuels, (universitaires, écrivains, poètes, artistes, journalistes), et fut publié le 6 septembre 1960 dans le magazine Vérité-Liberté [10] Il est né dans le sillage du groupe informel dit des « Amis de la rue St-Benoît », du nom de la rue où habitait Marguerite Duras à Paris, où Dionys Mascolo, qui avait été son époux jusqu’en 1956, habitait puis poursuivit de militer avec elle. Ce groupe comprenait entre autres des communistes qui avaient quitté le parti en 1956 tels Maurice Blanchot, Dionys Mascolo, Edgar Morin, Robert Antelme, Maurice Nadeau. Le manifeste a été pensé puis rédigé par Dionys Mascolo et Maurice Blanchot. Puis il permit de regrouper des personnalités de divers horizons dans un esprit libertaire mais plutôt orientés à gauche. Cet engagement sera capital pour l’avenir de la gauche et de l’extrême gauche en France. Il est notamment l’une des rares manifestations intellectuelles et publiques réagissant à la conception du pouvoir par le Général de Gaulle, du moins au moment où il fut écrit. (Extrait modifié de l’article de wikipédia Manifeste des 121)


TEXTE COMPLET DU MANIFESTE DES 121 (publié le 6 septembre 1960) :


Un mouvement très important se développe en France, et il est nécessaire que l’opinion française et internationale en soit mieux informée, au moment où le nouveau tournant de la guerre d’Algérie doit nous conduire à voir, non à oublier, la profondeur de la crise qui s’est ouverte il y a six ans.

De plus en plus nombreux, des Français sont poursuivis, emprisonnés, condamnés, pour s’être refusés à participer à cette guerre ou pour être venus en aide aux combattants algériens. Dénaturées par leurs adversaires, mais aussi édulcorées par ceux-là mêmes qui auraient le devoir de les défendre, leurs raisons restent généralement incomprises. Il est pourtant insuffisant de dire que cette résistance aux pouvoirs publics est respectable. Protestation d’hommes atteints dans leur honneur et dans la juste idée qu’ils se font de la vérité, elle a une signification qui dépasse les circonstances dans lesquelles elle s’est affirmée et qu’il importe de ressaisir, quelle que soit l’issue des événements.

Pour les Algériens, la lutte, poursuivie, soit par des moyens militaires, soit par des moyens diplomatiques, ne comporte aucune équivoque. C’est une guerre d’indépendance nationale. Mais, pour les Français, quelle en est la nature ? Ce n’est pas une guerre étrangère. Jamais le territoire de la France n’a été menacé. Il y a plus : elle est menée contre des hommes que l’État affecte de considérer comme Français, mais qui, eux, luttent précisément pour cesser de l’être. Il ne suffirait même pas de dire qu’il s’agit d’une guerre de conquête, guerre impérialiste, accompagnée par surcroît de racisme. Il y a de cela dans toute guerre, et l’équivoque persiste.

En fait, par une décision qui constituait un abus fondamental, l’État a d’abord mobilisé des classes entières de citoyens à seule fin d’accomplir ce qu’il désignait lui-même comme une besogne de police contre une population opprimée, laquelle ne s’est révoltée que par un souci de dignité élémentaire, puisqu’elle exige d’être enfin reconnue comme communauté indépendante.

Ni guerre de conquête, ni guerre de « défense nationale », ni guerre civile, la guerre d’Algérie est peu à peu devenue une action propre à l’armée et à une caste qui refusent de céder devant un soulèvement dont même le pouvoir civil, se rendant compte de l’effondrement général des empires coloniaux, semble prêt à reconnaître le sens.

C’est, aujourd’hui, principalement la volonté de l’armée qui entretient ce combat criminel et absurde, et cette armée, par le rôle politique que plusieurs de ses hauts représentants lui font jouer, agissant parfois ouvertement et violemment en dehors de toute légalité, trahissant les fins que l’ensemble du pays lui confie, compromet et risque de pervertir la nation même, en forçant les citoyens sous ses ordres à se faire les complices d’une action factieuse et avilissante. Faut-il rappeler que, quinze ans après la destruction de l’ordre hitlérien, le militarisme français, par suite des exigences d’une telle guerre, est parvenu à restaurer la torture et à en faire à nouveau comme une institution en Europe ?

C’est dans ces conditions que beaucoup de Français en sont venus à remettre en cause le sens de valeurs et d’obligations traditionnelles. Qu’est-ce que le civisme lorsque, dans certaines circonstances, il devient soumission honteuse ? N’y a-t-il pas des cas où le refus est un devoir sacré, où la « trahison » signifie le respect courageux du vrai ? Et lorsque, par la volonté de ceux qui l’utilisent comme instrument de domination raciste ou idéologique, l’armée s’affirme en état de révolte ouverte ou latente contre les institutions démocratiques, la révolte contre l’armée ne prend-elle pas un sens nouveau ?

Le cas de conscience s’est trouvé posé dès le début de la guerre. Celle-ci se prolongeant, il est normal que ce cas de conscience se soit résolu concrètement par des actes toujours plus nombreux d’insoumission, de désertion, aussi bien que de protection et d’aide aux combattants algériens. Mouvements libres qui se sont développés en marge de tous les partis officiels, sans leur aide et, à la fin, malgré leur désaveu. Encore une fois, en dehors des cadres et des mots d’ordre préétablis, une résistance est née, par une prise de conscience spontanée, cherchant et inventant des formes d’action et des moyens de lutte en rapport avec une situation nouvelle dont les groupements politiques et les journaux d’opinion se sont entendus, soit par inertie ou timidité doctrinale, soit par préjugés nationalistes ou moraux, à ne pas reconnaître le sens et les exigences véritables.

Les soussignés, considérant que chacun doit se prononcer sur des actes qu’il est désormais impossible de présenter comme des faits divers de l’aventure individuelle ; considérant qu’eux-mêmes, à leur place et selon leurs moyens, ont le devoir d’intervenir, non pas pour donner des conseils aux hommes qui ont à se décider personnellement face à des problèmes aussi graves, mais pour demander à ceux qui les jugent de ne pas se laisser prendre à l’équivoque des mots et des valeurs, déclarent :

- Nous respectons et jugeons justifié le refus de prendre les armes contre le peuple algérien.

- Nous respectons et jugeons justifiée la conduite des Français qui estiment de leur devoir d’apporter aide et protection aux Algériens opprimés au nom du peuple français.

- La cause du peuple algérien, qui contribue de façon décisive à ruiner le système colonial, est la cause de tous les hommes libres.


LES SIGNATAIRES :

Arthur Adamov,
Robert Antelme,
Georges Auclair,
Jean Baby,
Hélène Balfet,
Marc Barbut,
Robert Barrat,
Simone de Beauvoir,
Jean-Louis Bédouin,
Marc Beigbeder,
Robert Benayoun,
Maurice Blanchot,
Roger Blin,
Arsène Bonafous-Murat,
Geneviève Bonnefoi,
Raymond Borde,
Jean-Louis Bory,
Jacques-Laurent Bost,
Pierre Boulez,
Vincent Bounoure,
André Breton,
Michel Butor,
Guy Cabanel,
Georges Condominas,
Alain Cuny,
Jean Czarnecki,
Jean Dalsace,
Adrien Dax,
Hubert Damisch,
Guy Debord,
Jean Delmas,
Danièle Delorme,
Jacques Doniol-Valcroze,
Bernard Dort,
Jean Douassot,
Simone Dreyfus,
René Dumont,
Marguerite Duras,
Yves Elléouët,
Dominique Eluard,
Charles Estienne,
Louis-René des Forêts,
Théodore Fraenkel,
André Frénaud,
Jacques Gernet,
Louis Gernet,
Edouard Glissant,
Anne Guérin,
Daniel Guérin,
Jacques Howlett,
Édouard Jaguer,
Pierre Jaouen,
Gérard Jarlot,
Robert Jaulin,
Alain Joubert,
Henri Krea,
Robert Lagarde,
Monique Lange,
Claude Lanzmann,
Robert Lapoujade,
Henri Lefebvre,
Gérard Legrand,
Michel Leiris,
Paul Lévy,
Jérôme Lindon,
Eric Losfeld,
Robert Louzon,
Olivier de Magny,
Florence Malraux,
André Mandouze,
Maud Mannoni,
Jean Martin,
Renée Marcel-Martinet,
Jean-Daniel Martinet,
Andrée Marty-Capgras,
Dionys Mascolo,
François Maspero,
André Masson,
Pierre de Massot,
Jean-Jacques Mayoux,
Jehan Mayoux,
Théodore Monod,
Marie Moscovici,
Georges Mounin,
Maurice Nadeau,
Georges Navel,
Claude Ollier,
Jacques Panijel,
Hélène Parmelin,
José Pierre,
Laurent Terzieff,
Marcel Péju,
Jean-Charles Pichon,
André Pieyre de Mandiargues,
Edouard Pignon,
Bernard Pingaud,
Maurice Pons,
Jean-Bertrand Pontalis,
Jean Pouillon,
Madeleine Rebérioux,
Denise René,
Alain Resnais,
Jean-François Revel,
Paul Revel,
Alain Robbe-Grillet,
Christiane Rochefort,
Jacques-Francis Rolland,
Alfred Rosmer,
Gilbert Rouget,
Claude Roy,
Françoise Sagan,
Marc Saint-Saëns,
Nathalie Sarraute,
Jean-Paul Sartre,
Renée Saurel,
Claude Sautet,
Catherine Sauvage,
Laurent Schwartz,
Jean Schuster,
Robert Scipion,
Louis Seguin,
Geneviève Serreau,
Simone Signoret,
Jean-Claude Silbermann,
Claude Simon,
René de Solier,
D. de la Souchère,
Jean Thiercelin,
François Truffaut,
René Tzanck,
Vercors,
Jean-Pierre Vernant,
Pierre Vidal-Naquet,
J.-P. Vielfaure,
Claude Viseux,
Ylipe,
René Zazzo.


P.-S.


Le Web Documentaire de réalité-fiction de Emmanuel Blanchard dans le site Raspouteam : 17.10.61

Notes

[1L’enlèvement de Ben Barka fut informé le lendemain par son assistant qui ne l’avait pas vu revenir. Mais c’est dans l’hebdomadaire L’Express du 1 janvier 1966 que l’affaire fut révélée, grâce à la publication de l’article « Le récit d’un témoin : J’ai vu tuer Ben Barka » (toujours consultable en ligne), témoignage recueilli par les journalistes Jacques Derogy et le jeune Jean-François Kahn, durant leur enquête d’investigation auprès du protagoniste Georges Figon, que Ben Barka était venu rencontrer en vue de faire un film. Celui-là, connu parmi le petit monde de l’édition et des écrivains de la Rive Gauche, mais aussi de l’administration pénitentiaire, portait plusieurs casquettes, d’éditeur, de truand, et d’indic ; en fait, il avait participé à un piège policier tendu pour enlever la victime politique de différents — et de toute évidence multiples — services secrets.

[2Conférence de Solidarité avec les Peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine, la Tricontinentale est la naissance d’un ralliement révolutionnaire pour la solidarité avec les mouvements de libération des peuples opprimés par le colonialisme et l’impérialisme dans le monde. La première conférence eut lieu à La Havane entre les 3 et 12 janvier en 1966, un an après l’assassinat de Mehdi Ben Barka par les services secrets marocains avec la complicité de la police et des services secrets français ; il en avait été l’artisan en amont durant les deux années précédentes. Elle rassembla quatre-vingt-deux délégations de pays décolonisés, de mouvements de libération afro-asiatiques et de formations de guérilla d’Amérique latine. On peut lire l’article par René Gallissot, dans Le Monde diplomatique du 5 octobre 2005 : « Mehdi Ben Barka et la Tricontinentale ».

[3En 1946 et 1947, l’action secrète de Maurice Papon dans le cadre de sa préfecture en Corse, missionné par le Ministre de l’Intérieur Jules Moch, pour assurer le transit des armes livrées clandestinement à la Haganah et plus largement à l’Irgun par les États-Unis, le laissera sans doute définitivement quitte d’avoir participé activement à la déportation des juifs en tant que secrétaire général de la préfecture de Gironde du gouvernement vichyste à Bordeaux, chargé des questions juives, puisqu’il ne fut jamais recherché par le MOSSAD. En outre, il avait des protections auparavant ; dans l’article de wikipédia, qui le favorise, on peut lire : Il est incontestable que Maurice Papon a hébergé à plusieurs reprises Roger-Samuel Bloch, un fonctionnaire juif radié et membre du réseau Marco-Kléber, lié aux services de renseignement de l’armée de terre. Il a également rendu des services au réseau Jade-Amicol, qui travaillait pour le compte de l’Intelligence service. Début juin 1944, c’est Roger-Samuel Bloch qui conseille à Gaston Cusin, nommé par de Gaulle Commissaire de la République, mais encore clandestin, de faire appel aux services de Papon, qui aide Cusin pendant les trois mois précédant la libération de Bordeaux. Sorti de la clandestinité, Cusin demande à Papon d’être son directeur de cabinet.
L’après-guerre. Gaston Cusin nomme Maurice Papon préfet des Landes pour prendre rang de préfet, puis le nomme son Directeur de cabinet, auquel il veut déléguer son autorité sur les préfets de la région de Bordeaux. Maurice Papon est le Directeur de cabinet des trois Commissaires régionaux de la République successifs : Gaston Cusin, Jacques Soustelle et Maurice Bourgès-Maunoury.
Ces nominations furent contestées par le CDL, Comité de Libération, de Bordeaux
.

[4Pouvoirs spéciaux donnés à Maurice Papon avec toute l’autorité utile au maintien de l’ordre colonial dans le département de Constantine, sur les lieux mêmes de la fondation de la revendication d’indépendance nationale en 1945, et en toute contradiction qu’auparavant, en octobre de la même année, il fut nommé vice-directeur du ministère de l’intérieur pour enquêter sur la répression des manifestations de mai à Sétif par l’armée française (17 000 morts et 20 000 blessés selon les services de renseignement américains, parmi lesquels un millier de français), dans cette région. Tueries de masse en référence desquelles la vague des actions de la "Toussaint rouge", en 1954, lança la guerre d’indépendance algérienne. La violence appelle la violence. La résistance algérienne trouva le recours à la violence dans la nécessité de répliquer à celle que l’armée et la police françaises n’avaient cessé de faire subir aux autonomistes algériens au long de dix ans entre 1945 et 1955, alors que l’aspiration à l’indépendance nationale, qui avait commencé par s’exprimer sous la forme d’un mouvement populaire revendicatif, n’avait rencontré pour toute réponse qu’une répression implacable, à la Libération.

[5Jacques Panigel (1921-2010), était un biologiste, chercheur au CNRS en immunologie, anti-colinialiste soutenant le mouvement de solidarité des résidents français coloniaux avec la revendication nationaliste de la population arabe, et signataire du Manifeste des 121. Suite à la disparition de Maurice Audin après son arrestation par les parachutistes du général Massu en pleine guerre d’Alger, il avait co-créé, avec Pierre Vidal-Naquet et le mathématicien Laurent Schwartz, « Le Comité Maurice Audin contre la torture » et d’abord pour faire toute la vérité sur la mort d’Audin, militant français d’Algérie anti-colonialiste, qui finira par être historiquement prouvée comme étant survenue non pas au cours d’une évasion mais sous l’effet de la torture le 11 juin 1957, entre les mains du corps militaire qui l’avait arrêté. Toutefois l’État français ne l’a jamais officiellement reconnu. [ Le silence sur la pratique de la torture dépasse la question de l’amnistie des crimes colonialistes et nationalistes des adversaires en présence pendant la guerre d’indépendance — amnistie dont on peut comprendre le rôle civique visant à installer un climat de paix après une guerre civile, — dans celle éthique de la répression toujours posée de nos jours ; il s’agit de l’autorisation secrète de la pratique de la torture par l’armée et la police sous couvert de sécurité nationale ou internationale, alors qu’elle est radicalement condamnable selon le droit international en temps de paix — article 5 de la déclaration des droits de l’homme de l’ONU, (1948), article 3 de la convention européenne des droits de l’homme (ralliée par la France en 1974) — comme en temps de guerre — 4è Convention de Genève (1949) ]. Signataire en 1960 du Manifeste des 121 artistes et intellectuels français pour le droit à l’insoumission en Algérie, Jacques Panijel a décédé le 12 septembre 2010 à Paris, d’une défaillance cardiaque. Il allait avoir 89 ans.
Né en 1921, cet ancien résistant d’origine roumaine est l’auteur de La Rage, un roman sur ses années de résistance publié en 1948 aux éditions de Minuit. Également auteur de théâtre, il a en outre cosigné avec Jean-Paul Sassy un premier film intitulé La Peau et les os. Réalisé en 1961 avec Gérard Blain, le film a obtenu le prix Jean-Vigo.

Octobre à Paris. C’est le premier film consacré à la manifestation des Algériens du 17 octobre 1961, masses appelées par le FLN à protester pacifiquement contre le couvre-feu proclamé le 8 octobre par le Préfet de Police de Paris, à partir de 20h 30 pour tous les "français musulmans d’Algérie". Entrepris clandestinement dès la fin du mois d’octobre 61, tourné jusqu’en mars 62 et mêlant des photographies du reportage terrible d’Elie Kagan, des plans dans les bidonvilles de Nanterre, des interviews des protagonistes survivants dans ce ghetto et dans différents foyers, le centre de torture de la rue de la Goutte-d’Or, des reconstitutions de scènes de la préparation de la manifestation, et quelques plans tournés avec une caméra amateur dans la manifestation. Le film interroge un grand nombre de victimes qui reviennent sur les fusillades, les tabassages meurtriers, les noyades, l’internement insoutenable plusieurs jours durant dans des centre improvisés, les interrogatoires et les tortures infligées par des supplétifs harkis dans les caves du quartier de la Goutte d’or dans le 18e arrondissement de Paris.
Longtemps interdit, présenté à Paris en mai 1968 en même temps que La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo, le film de Jacques Panijel n’a reçu son visa d’exploitation qu’en 1973, à l’issue d’une grève de la faim de René Vautier. Mais son réalisateur refusa longtemps de le montrer tant qu’un préambule en forme de préface filmée ne lui avait pas été ajouté, une opération qui nécessitait des subventions restées jusque-là introuvables. (Note biographique et filmographique d’après le site Algériades)

[6Une autre information compte, celle qui, depuis le documentaire tourné sur place par Jacques Panijel, permet de comprendre le contexte social et matériel de la mobilisation politique radicale des étudiants de la faculté des Lettres et des Sciences humaines de Nanterre dès sa création en 1964, comme annexe de la Sorbonne, avec sa cité universitaire, dans l’environnement contigu du bidonville — moins de trois ans après la fin de la répression des algériens, — où enseignait notamment le philosophe Francis Jeanson (mort le 1er août 2009), fondateur du premier réseau de soutien au FLN et éditeur au Seuil, et Henri Lefèbvre, sociologue de la ville et théoricien de la vie quotidienne, signataire du Manifeste des 121, avec ses jeunes assistants tel Jean Baudrillard, co-traducteur des Manuscrits de 1944 de Karl Marx et néanmoins critique du parti communiste, aux éditions duquel il avait participé. C’est en effet cette faculté devenue université à part entière, accrue en 1966 d’une annexe du département de droit de la Sorbonne, qui est à l’origine du mouvement du 22 mars, qui provoqua le mouvement de mai 68 en France. Le mouvement du 22 mars était un front uni d’autogestionnaires et de co-gestionnaires syndiqués et non syndiqués, à l’origine de l’occupation de la tour administrative de l’université, ce même jour, pour demander la libération des activistes étudiants arrêtés lors d’une manifestation contre la guerre du Viet Nam ; ce qui venait accroître les revendications internes sur la libération de la vie quotidienne, notamment contre la ségrégation sexuelle par règlement de la cité universitaire. La fermeture administrative de la faculté de Nanterre contre son occupation mènera les étudiants à aller débattre à la Sorbonne, puis la police à bafouer la franchise d’interdiction de son accès dans l’université traditionnelle, origine de la grève générale des universités et des lycées, puis de la nuit des barricades, puis, devant le nombre de blessés et des arrestations, de la solidarité des centrales ouvrières contre la répression, de la grève générale, et enfin de la grève illimitée (qui sera à l’origine des accords de Grenelle), tandis que la disponibilité de la ville privée d’essence par le pouvoir deviendra une ile offrant un vaste terrain de relations sociales spontanées, de discussion et de transformation pratique du mode de vie, solidaire et autogéré, et d’imagination au pouvoir dans l’abattement des contraintes physiques et psychologiques, telles que les situationnistes avaient pu l’imaginer.

[7La Citroën 2CV ou Deux Chevaux (comme deux chevaux vapeur).

[8Laurent Chabrun, « Octobre 1961 : le témoignage d’un policier » : « Gardien de la paix débutant, Raoul Letard a participé, sous les ordres de Maurice Papon, à la traque des Algériens. Dans ce témoignage, encore inédit, il raconte la tragique nuit de haine du 17 octobre 1961. » L’Express, 16/10/1997, mis à jour le 13/03/2012.

[9Le café-tabac Old Navy existe encore aujourd’hui, toujours au même endroit, au 150 boulevard Saint Germain, dans le VIe, entre les stations St germain des prés et Odéon.

[10Vérité-Liberté : cahiers d’information sur la guerre d’Algérie ; Paris : Vérité liberté, 1960-1962 ; périodique référencé dans le catalogue de la BnF. On peut consulter ce magazine dans plusieurs bibliothèques en France (voir les lieux).

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