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La bibliothèque idéale d’Auxeméry 

2003, par Auxeméry

Une bibliothèque idéale ? En quel sens ? - Souhaitable, imaginaire, utopique, fictive, théorique ?
Faut-il faire le pédant ou l’artiste ? L’érudit ou le philosophe ? Le poète ou le bouffon ?

Faut imposer, ou faire mine de picorer ?
Est-il question de choisir pour soi, ou d’exprimer un panel d’options tendant à se considérer comme valable pour tout un chacun, et prétendant servir de guide ? A qui, au fait ? Pourquoi ? Dans quelle contrée de l’esprit ? Sur quelle voie ?

Il y a tant de livres que je voudrais avoir lu ? Tant que j’aimerais avoir écrit ? (Ce qui n’a à proprement parler aucun sens, mais qui prouve que je m’intéresse à ma propre existence au point de lui trouver des modèles ou des miroirs !) Tant dont l’idiotie, aussi, me paraît patente (Céline, Maurras, Pagnol, pour rester chez nous…).

De quel droit au fond ferais-je un choix entre Hérodote, Ibn Battuta, et Humboldt ou Reclus ? Un choix, c’est-à-dire une exclusion ?
Pourquoi souhaiterais-je que, dans le naufrage universel, subsisterait tel joyau, ou tel objet, promus au rang de survivant ?
Pourquoi garder Don Quichotte plutôt que La recherche de l’absolu ? Aurélia plutôt que Nadja ? Apulée ou Rabelais plutôt que Lewis Carroll ? Lycophron plutôt qu’Artaud ? Un fragment d’Héraclite plutôt qu’une bribe de Novalis ? Une maxime de Vauvenarges plutôt que son détournement par Ducasse (l’un impliquant l’autre, évidemment, et dans les deux sens, on peut donc refuser de prendre partie) ? Les élégies romaines de Goethe, plutôt que les Antiquités de du Bellay, ou les Promenades de Stendhal ?

Ce sera donc, en se mettant dans le cas d’un qui aurait tout perdu, et vivrait dans sa grotte, près du ruisseau, parmi les chiens, et se souviendrait, dans le plus grand désordre :

- Homère, Odyssée, chant XI.
- Segalen, Equipée.
- Nietzsche, Gai savoir, livre IV.
- Vallejo, Trilce.
- Les poètes Thang traduits par Hervey-Saint-Denys.
- Michaux, La ralentie.
- Diderot, Jacques le fataliste.
- Hâfêz.
- Shakespeare, Othello.

Plus, un dixième texte qu’on ne nommera pas. Si possible une inscription anonyme, en fait, sur un monument, n’importe lequel, et qui soit bien en ruines. Et qui eût été lu, jadis, en compagnie d’une personne aimée.

Et tout cela ne dit rien.

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