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La rénovation du Dôme d’Hiroshima 

mardi 9 septembre 2014, par Christian Kessler

Cité martyre, ville mémoire

Décidée en 1910 par l’Assemblée de la préfecture de Hiroshima, la construction de ce bâtiment qui servira à exposer les mérites de l’industrie préfectorale, débuta en 1914. Conçu par l’architecte tchèque Jan Letzel, ce bâtiment de style européen fut achevé en avril 1915. Il devint le Palais d’exposition industrielle de la préfecture d’Hiroshima. C’est ici qu’a eu lieu une grande exposition de pâtisserie japonaise en 1921, et que pour la première fois au Japon a été vendu le toujours fameux gâteau allemand, le baumkuchen, révélé et mis au goût du jour par un ancien prisonnier de guerre allemand de la première guerre mondiale qui au lieu de rentrer dans son pays en Allemagne en 1919, avait fait souche au Japon. Son dôme ovale et ses façades bombées, détonnaient sur le paysage environnant fait essentiellement de maisons en bois et faisaient la fierté de la préfecture d’Hiroshima. La structure de l’édifice, haut de 25 m, est en briques. Les murs extérieurs sont quant à eux recouverts de pierre et d’une couche de ciment. Alors que la majeure partie du bâtiment dispose de trois niveaux, la partie centrale, située sous la coupole en compte cinq. La coupole, qui constitue l’élément architectural le plus remarquable de la construction, dispose par ailleurs d’une armature en acier recouverte de cuivre. Haute d’environ 4 m, elle est de forme elliptique. Les murs extérieurs étaient revêtus de pierre et d’une couche de ciment. La coupole était accessible par un escalier situé dans l’entrée centrale. La partie centrale de l’édifice qui se trouvait à 150 mètres de l’épicentre de l’explosion atomique, a été entièrement soufflée : son toit, son sol se sont effondrés ainsi que la plus grande partie des murs internes. Mais comme on avait affaire à un bâtiment en béton, la partie du dôme résista à la déflagration ainsi d’ailleurs que les fondations. Sous la forme actuelle, ce dôme est donc dans l’état où il se trouvait immédiatement après l’explosion atomique.

Dès la fin de la guerre, sous l’impulsion de la municipalité d’Hiroshima et du gouvernement japonais, la décision fut prise de préserver ce bâtiment fantôme, surmonté d’un squelette en ferraille, son dôme, non sans cependant qu’une opposition à ce projet ne se soit manifestée pour qui ce dôme, symbole de la défaite, devait être démoli. Butte témoin de la tragédie, elle est le symbole d’une ville qui se souvient et à laquelle rendent hommage chaque année 1,5 million de touristes dont près de 230 000 Américains. Ce « dôme de la bombe A » qui apparaît comme le premier lieu de mémoire du pays, est l’un des 59 monuments qui rappellent les évènements, parmi lesquels on peut mentionner, entre-autres, le monument érigé par la compagnie du gaz à la mémoire de ses employés disparus, la tour d’horloge, inaugurée en 1967, avec ses aiguilles bloquées sur l’heure fatidique de 8h15. Autant de repères pour ne pas oublier. Avec le dôme, c’est le parc du mémorial où se dresse le cénotaphe en forme d’arc, de l’architecte Tange Kenzo, abritant les noms de tous les morts de la bombe (176964) consignés dans 59 volumes, et le musée du Souvenir, où des milliers d’écoliers et de lycéens viennent chaque année découvrir, à travers photos, objets témoins, etc. ce que fut la réalité de cette tragédie.
En plus de ces lieux et bâtiments de la mémoire, qui fixent l’instant de l’histoire, les personnes atomisées (hibakusha), survivantes de l’explosion, forment la mémoire vivante de la ville : il s’agit de ceux qui ont été directement exposés à la bombe, de ceux qui dans les deux semaines qui suivirent la tragédie se sont rendus dans un rayon de 2 km du point d’impact, enfin des secouristes. On y a ajouté les enfants en gestation ce 6 août 1945 et dont les mères appartiennent aux trois catégories évoquées.

Cité martyre, ville mémoire, Hiroshima, jumelée avec Volgograd (ancienne Stalingrad) et Pearl-Harbor, assoie sa réputation de centre international de la paix en accueillant conférences et rassemblements pacifistes. Car la ville assume aujourd’hui complètement son passé après avoir connu deux censures de son histoire : la première, celle du régime militaire japonais qui durant 9 jours, entre le 6 août 1945 date du bombardement et le 15 août date de la capitulation et de la fin de la guerre, n’a rien révélé au public ; la deuxième qui durera jusqu’en 1952, celle du régime américain d’occupation qui chercha à étouffer l’information sur les conséquences de la bombe. Sans oublier la complicité passive des irradiés cachant leur honte et discriminés dans leur propre pays : le Japon, en refusant la bombe en refusait aussi les victimes. La ville elle même n’a longtemps vu que les conséquences du désastre, « oubliant » les causes. Omission très partiellement réparée en 1994 par l’ouverture au musée d’une timide section consacrée à « l’avant bombe atomique ». C’est en 1994, sous l’impulsion de son maire Hiraoka Takashi, et d’une association regroupant des membres de la municipalité d’Hiroshima ainsi que l’association de l’UNESCO au Japon, qu’un symposium organisé à Tokyo proposa au comité de sélection le classement du dôme. Ce classement avait pourtant suscité, quelques jours avant la réunion de la commission de l’UNESCO de décembre 1996, l’opposition des États-Unis qui estimaient notamment que les sites liés à la guerre sont par nature sujets à controverse et ne devraient donc pas être reconnus comme patrimoine mondial. Pour les Américains en outre, dans le cas précis d’Hiroshima, cela risquerait d’occulter les raisons historiques qui ont conduit au lancement de la bombe. De fait, pour nombre de Japonais aujourd’hui, les éclairs atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki effacent toute idée de responsabilité dans les atrocités commises par l’armée impériale et en font uniquement des victimes : la guerre du Pacifique commence et finit encore souvent pour eux à Hiroshima. La Chine, par la voix d’un de ses officiels, avait également exprimé sa réticence à un tel classement, rappelant les souffrances endurées par son peuple du fait de la guerre d’agression menée par son voisin. Pour justifier sa décision et répondre notamment à l’opposition des États-Unis, l’Unesco avait fait observer que le camp de concentration d’Auschwitz figurait déjà sur la liste des monuments du patrimoine historique mondial. Le 5 décembre 1996, dépassant les controverses, L’Unesco classait finalement de dôme d’Hiroshima au patrimoine mondial de l’humanité.

Rénovation

Labellisée patrimoine mondial, la ville de Hiroshima s’est dès lors engagée à conserver le monument dans l’état où il était après l’explosion. Des travaux ont donc dû être entrepris afin de contrer les effets du temps qui pouvaient mettre en péril l’existence même du dôme en le menaçant d’effondrement. Les premiers eurent lieu en 1967, puis à nouveau entre 1989 et 1990. On a fait appel à de généreux donateurs pour le financement. Tout l’argent ne fut cependant pas utilisé. Le restant permit les travaux de 2002 à 2003. La structure a ainsi été renforcée avec de la résine époxy et un treillis métallique. Des éléments de maçonnerie ont aussi été rénovés. Le dôme contrôlé tous les trois ans révéla récemment de nouveaux problèmes qui existaient depuis toujours, à savoir la résistance aux tremblements de terre jusque là peu prise en compte. On constata en 2007 que l’édifice ne pourrait supporter un séisme d’une magnitude supérieure à 6 degrés sur l’échelle japonaise qui en compte 7. Cet état de fait fut confirmé par l’extraction en mai 2013 d’échantillon des murs de la structure. Or un tremblement de terre d’une telle intensité pourrait, selon les spécialistes, toucher Hiroshima, avec comme épicentre une faille de 4 kilomètres dans le Pacifique qui entrainerait alors un séisme qui s’étendrait de la baie de Shizuoka jusqu’au sud-est de la grande île de Kyushu, soit 700 kilomètres. Décision fut donc prise de consolider sa base, les nouveaux frais de financement étant assurés par le budget 2014 de la ville qui entre en fonction au mois d’avril. En ce qui concerne ces travaux antisismiques, Hiroshima s’est dite prête à se conformer à l’avis de l’Agence pour la culture afin de ne pas porter atteinte à l’apparence du dôme connu de par le monde. Cette mise aux normes plutôt délicate, devrait débuter symboliquement le 6 août 2015 lors du 70e anniversaire de l’atomisation de la ville.

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