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Jean-Michel Delage / Ingres étouffant au Vietnam 

Sur les photographies de Jean-Michel Delage

lundi 13 octobre 2008, par Đỗ Kh.

Les jeunes femmes de Ho Chi Minh Ville ne sont pas des bandidas, dans le désert de Sonora entre Hermosillo et Nogalès, mais elles portent des sombreros aux bords larges.
Ce ne sont pas des rônins assassins, entre les fiefs d’Ako et de Tsuwano, mais elles sont pareillement masquées, jusqu’aux paupières inférieures.
Ce ne sont pas des estivalières victoriennes entre le lac de Garde et celui de Côme mais leurs bras fins sont gantés jusqu’aux abords des aisselles imberbes.
Ce ne sont pas des starlettes de la Croisette, entre le Carlton et le Majestic, mais elles ont d’immenses lunettes de soleil.

Car le soleil est le mot maître, l’explication de ces nombreuses précautions qui protègent le teint diaphane de ces princesses sur leurs pétaradantes motocyclettes, les ombrelles en dentelle, les masques décorées genre Vuitton, les foulards style Gianfranco Ferré ou Hermès et je vous en passe.

Bien sur, il y a aussi la crainte de la grippe aviaire, la pollution de l’air, mais H5N1 et CO2 sont nettement moins romantiques que le soleil qui vibre entre Equateur et Tropique du Cancer.

Le résultat est, dames et demoiselles de la grande métropole au Sud du Vietnam, sont de la tête jusqu’aux pieds voilées.
J’exagère pour l’effet, non, peut être pas les pieds.
L’on voit souvent des morceaux de cuisses mal couverts par des mini jupes, même parfois des nombrils percés ou la naissance des fesses découverte au dessus des pantalons coupés bas mais la démonstration est faite.

Les photographies de Delage ont été faites dans un autre Orient que le mien, en Afrique du Nord peut être, au Maroc ? J’ai pu faire déchiffrer quelques bribes de texte arabe dans les images, un magasin de lunettes « modernes » ; un restaurant ; le fragment d’une enseigne commerciale « assemblage toutes marques », assemblage de quoi l’on ne sait ; le mot « fixée » sur une boite électrique. Fixés donc par un mélange de chaleur et de poussière à jamais dans les années 70 si ce n’est ce climatiseur (japonais ?) à une balustrade, décidément très nineties.
` Le reste est mystère, ah, l’Orient.

Le soleil est ici aussi maître, un maître sévère si ce n’est impitoyable au teint coloré des carrosseries.
Veuillez me pardonner. Ce n’est pas moi qui l’ai inventé, le rapprochement, le parallèle entre les galbes féminins et ceux des carrosseries ; entre la femme et la voiture ; entre le mystère féminin et celui de la mécanique.
C’est ringard en effet, complètement (ouais).

Mais à contempler ces images de véhicules au stationnement, sous leurs abbayas, fichés (qui vient du français « fichu » ?), tchadors, burqas, ghattas et autres hijabs flottants, je me suis mis à rêver du spectacle, Ingres extrême-oriental, de Saigonnaises aux heures de pointe sur le pont Truong Minh Giang, au coude à coude sur leurs machines à deux roues, circulant nues dans le bain étouffant de poussière, de lumière et des émissions de fumées.

P.-S.

La série les « Egyptiennes » est le premier travail documentaire à dimension plastique de Jean-Michel Delage. Elle présente des voitures recouvertes de bâches. Ces bâches découpées par leurs propriétaires dans des morceaux de tissus aux couleurs et aux motifs différents ont pour rôle de protéger les voitures de la poussière et des éraflures. Ainsi parées, les voitures ne disent plus rien du niveau social de leurs propriétaires et deviennent des objets ludiques, comme relevant d’un art urbain spontané.

Né en 1964, Jean-Michel Delage vit en région parisienne. Journaliste, photographe et réalisateur, il travaille pour la presse écrite en France et à l’étranger, ainsi que pour la télévision. Sa pratique évolue au fil des sujets qu’il aborde (la santé, l’immigration, les gitans, le tourisme), témoignant de son ouverture et de sa curiosité. Après avoir travaillé l’information sur des médiums différents, il expérimente aujourd’hui la photographie dans une direction plus artistique que journalistique, lui conservant toutefois une dimension documentaire. La série présentée est le premier travail effectué allant dans cette nouvelle direction. Depuis, il s’est engagé dans deux projets : avec ses « Portraits dyonisiens », il photographie la population de Saint-Denis dans son studio ambulant, il travaille parallèlement avec des slamers.

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