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"Je trouve très bizarre d’aller au bout du monde seulement pour lire" 

jeudi 13 novembre 2014, par Renaud Schaffhauser

Renaud Schaffhauser est formateur à l’association Lire et Ecrire (Suisse). Il enseigne le français à des élèves adultes venus de pays étrangers, et a lu Aux îles Kerguelen avec eux avant la parution papier. J’ai trouvé cette expérience intéressante, en ce qu’elle permet une médiation nouvelle de la littérature contemporaine via internet, et sans intermédiaire éditorial, un peu comme la parole du conte. Je remercie Renaud de m’avoir permis de reprendre quelques-uns de ces témoignages.

En septembre, il m’écrit un premier mail où il évoque cette expérience, et me présente ses élèves en quelques mots :

Mimi : travaille dans une maison de retraite, Elle est originaire d’Haïti.
Florida : travaille dans une blanchisserie. Originaire du Kosovo.
Xhavit : maçon. Originaire du Kosovo.
Gordana : travaille dans une maison de retraite. Originaire de Bosnie.
Emilia : concierge. Originaire du sud de l’Italie.
Debura : mère au foyer. Originaire d’Amazonie ( Brésil).

Laurent Margantin


3 septembre 2014

Bonjour Laurent,

Pour info, cette année dans mes cours, j’ai lancé la lecture de Aux îles Kerguelen. On a déjà lu le début, la traversée houleuse, et les apprenants ont bien accroché ! en particulier à la tonalité burlesque, à l’auto-dérision, qui prennent, m’a-t-il semblé, davantage de relief à la relecture, peut-être parce que lente, collective, sur papier (photocopies), en temps différé, avec commentaires en direct ?

En discutant j’ai été frappé par le fait que pour le public pas du tout "lettré" qui fréquente mes cours, partir au bout du monde sur une île déserte pour lire des livres est a priori tout autant respectable que de faire tous ces kilomètres pour étudier les oiseaux,

Donc je pense qu’on va continuer - ;)

Une bonne journée,

Renaud


29 octobre 2014

Bonjour Laurent,

Des nouvelles de la lecture d’Aux îles : hier tout le cours consacré à ça. Belle séance, trois personnes, relecture, du début jusqu’au 3 février, beaucoup de discussions, et pas facile de se mettre à écrire. A la fin, quelqu’un lance le débat :
"Est-ce qu’il a voyagé pour écrire un livre, ou pour faire un vrai voyage ?"
"Est-ce qu’il a vraiment fait le voyage ?"
Une dame est persuadée qu’il s’agit d’un vrai voyage, car beaucoup de détails n’ont pas pu être inventés. Elle me demande de lui fournir la suite des textes pour les lire chez elle, et finir son propre texte pour la semaine prochaine. Elle a commencé à résumer le début : "il raconte que les chaises sont fixées au sol et que ça balance dans tous les sens"

Dans un autre style, texte de Xhavit :

"Je trouve Laurent Margantin très courageux et solitaire, très fort, très calme, très patient. Moi, j’ai fait le voyage en bateau depuis l’Italie jusqu’en Albanie, je n’ai pas aimé. J’ai été très malade, pendant presque une semaine. Je trouve très bizarre d’aller au bout du monde seulement pour lire".

Ce soir, j’essaye avec l’autre groupe.

A bientôt,

Renaud

P.-S.

Renaud Schaffhauser est également auteur, on peut découvrir son travail sur son blog Le Pelikan.

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