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Fabio Sgroi /Pâques 

vendredi 10 octobre 2008, par Bernard Gauthier

© Fabio Sgroi

L’ange sombre de la Pâques n’a pas de tête, donc il n’a pas de visage. Laissant tomber au bas de sa robe obscure une petite croix solide et menue, pour signifier peut-être qu’il est de l’assemblée des chrétiens, il joint ses mains ridées et calleuses à la montagne infranchissable, à l’éboulis du village qui se précipite dans le temps enserré de l’homme, au ciel qui ne présage que l’attente de la tempête, au chemin où les pierres anguleuses et fragiles s’accrochent pêle-mêle.

L’ange est à droite, hors du paysage. Il est gardien, ou oiseau de proie. Sans doute aperçoit-il une procession coupant les ruelles ancestrales. Le sacrifice ne l’émeut pas, ne le vainc pas ; les mains ridées ne tremblent pas, ne se crispent pas, quoiqu’on puisse en voir sur la photographie, fatale illusion d’humanité.

Car les mains calleuses du temps sont impassibles. L’ange attend et voit, déjà pour lui le village s’est épandu entier dans la vallée rocheuse, déjà pour lui la montagne a scellé la vallée. Déjà pour lui, le sacrifice à accomplir, s’accomplit et s’est accompli, et s’accomplira.

L’ange de la Pâques n’aura jamais ni tête, ni visage. Le photographe n’a pas eu le choix de ce cadrage. Ite, missa est.

P.-S.

Pâques en Sicile suscite une véritable explosion unissant anciennes traditions et émotions très contemporaines. Il n’existe pas de village en Sicile qui ne vive la fête de Pâques comme une représentation, une sorte de théâtre qui transforme les places et les boulevards en une scène en plein air. « Les Mystères » est le nom donné à la fête, qui s’est chargée au fil du temps d’une grande valeur anthropologique, au-delà de la religion. Joie et douleur, bien et mal, en un mot la vie et la mort constituent les éléments fondamentaux d’un rite qui tourne en drame, frappe par sa puissance scénographique et raconte les traditions de tout un peuple.

Né à Palerme en 1965. Fabio Sgroi commence la photographie au milieu des années 1980. Il s’intéresse aux injustices sociales et à leurs conséquences sur la société. Plusieurs collaborations avec des photographes siciliens l’amènent à engager un travail sur la Sicile, sur ses rites et ses traditions religieuses. De 1986 à 1988, il collabore avec Letizia Battaglia et Franco Zecchin dans le domaine du photojournalisme. A partir de 1991, il travaille auprès de l’Administration Régionale Sicilienne en qualité de photographe, et depuis 2006 pour le Musée d’Art Moderne et Contemporain - Palazzo Belmonte Riso, Palermo.

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