La Revue des Ressources

Jour d’extinction des feux 

9ème et dernier épisode

jeudi 22 février 2007, par Thibault de Vivies

Le nouveau petit jour autour du nouveau poêle le nouvel espace à découvrir ce jour d’un nouveau grand changement dans la demeure si tu fais pas attention où tu mets les pieds tu risques de te cogner très fort et je place les marques au sol en flèches dirigées vers les dangers immédiats mon homme quand tu te lèveras faudra évoluer avec prudence si tu ne veux pas avoir bobo ça non je n’ai pas l’envie de m’occuper de toi ce jour j’ai le besoin de remettre les choses à leur place une bonne fois pour toutes... Regarde petite femme comme les rayons du soleil pénètrent sans que tu n’ais rien demandé et c’est peut-être l’annonce de la nouvelle saison dans la cité qui se prépare comme elle la femme dans le couple qui a décidé du grand ménage dès le tout début du matin on s’agite à déplacer les meubles pour réaménager le séjour on dit que la venue de l’été tout proche à présent donne des envies de rafraîchissements... Et qui pourra me dire si toi et moi mon homme on survivra aux prochaines chaleurs annoncées la neige qui commence à fondre avec l’eau qui s’infiltre sous la porte, on n’y est pas encore mais déjà la boue qui fait son apparition en surface et si tu sors chercher du bois pour le poêle pense mon bonhomme à bien t’essuyer les pieds avant de rentrer je te dis ce jour n’est pas celui des dégueullasseries je sens qu’il est plutôt celui du grand nettoyage on dit la mise au propre pour faire bonne impression si on vient.

J’entends le grand chamboulement au bout du couloir la pièce principale avec mon amour d’une vie passée à ses côtés qui transforme à nouveau l’espace déjà bien chamboulé souvenons-nous que j’ai payé le prix il n’y a pas si longtemps et alors le sommeil qui forcément doit s’interrompre c’est trop de bruit pour poursuivre dans le monde des rêves pas propres à vrai dire je sens la moiteur d’un corps qui a bien donné de lui sans jamais vraiment prendre la peine de se laver de tous ses péchés et je prie le ciel qu’un jour il me pardonne le Très-Haut s’il en a bien l’envie je suis prêt à y mettre le prix encore une fois... C’est un nouveau jour sans travail dans la cité qui doit préparer sa nouvelle saison pour ne pas se laisser surprendre et elle demande qu’on la laisse tranquille, il est annoncé que les employés municipaux ont suffisamment à faire pour ne pas avoir à s’occuper du reste et du haut de mon nuage céleste je regarde ça et j’encourage comme je peux en ayant fait le choix de ne pas intervenir de ne pas aider pour ne pas que toute la responsabilité de l’échec me retombe dessus à la moindre occasion... Regarde moi bien dans les yeux ma belle et dis-moi que tout ça est bien nécessaire pour que j’accepte l’idée d’une nouvelle disposition des meubles dès le petit jour tu sais bien comme ma vue est affaiblie au réveil et montre moi bien au sol les flèches qui indiquent les zones à risque c’est que je n’ai pas l’envie ce jour que tu t’occupes de moi si j’ai bobo ça non suffisamment à faire à essayer de retrouver mes affaires dans tout ce nouveau bordel pardon du dérangement je veux bien entendre aussi.

Mon Dieu c’est tellement peu que tu nous donnes à accomplir pour toute une vie à remplir c’est bien laborieux et les jours d’une saison d’hiver qui s’écoulent sans voir venir la chaleur qui envahit l’air de rien ni vu ni connu on avance dans le temps et on se fait toujours aussi chier ici et bien sûr s’il y avait du travail dans la cité ce serait bien différent mais qui sait ce à quoi il faut être employé pour ne pas cette sensation de perdre son temps et pardon mon homme si je te mets des bâtons dans les roues dès le réveil mais je n’ai rien trouvé de mieux à faire pour remplir ma matinée ennuyeuse sans toi dans les parages... Elle sait le regarder dans les yeux quand elle lui dit tout ça elle a les larmes qui coulent mais nom d’un chien faut s’accrocher les gars au peu qu’on a à disposition pour ne pas sombrer et faut-il qu’intervienne encore une fois l’homme du dehors pour animer tout ça et peut-être va-t-il s’essouffler et peut-être voudra-t-il mettre fin à cette collaboration, je m’en veux de vous avoir tant mis dans la merde les petites gens de rien pardonnez-moi je me sens aussi démuni que vous pour les jours prochains j’ai un deuil important à faire et ce ne sera pas évident à chaque instant... Avance d’un pas mon bonhomme d’une vie passée à tes côtés et saisis ma main que je te guide vers la table à manger que tu puisses t’asseoir et apprécier le petit repas du matin que j’ai pris le temps de préparer malgré tout si on trouve le courage et la force d’aller cueillir les fruits défendus sur l’arbre alors il ne faut pas s’en priver c’est à disposition pour améliorer le quotidien morose messieurs dames.

J’ai la tristesse au cœur à l’idée de te perdre ma belle je sais bien que tu prends sur toi pour supporter la présence encombrante d’un mal fichu mal en point comme moi mais qui donc va s’occuper de panser le corps et l’esprit quand tu auras mis la clé sous la porte à ne plus avoir la force du lever du préparer du accomplir pour que je sois au mieux dans la demeure, je mâche lentement pour apprécier au plus ce que tu m’as préparé ma belle explique moi pourquoi je sens un courant d’air passer par là tout proche à ressentir la sale impression d’un mauvais jour qui s’annonce... Couvrez-vous les amis malgré le changement de saison la journée sera toute particulière ainsi soit-il et surtout ne m’en demandez pas les raisons c’est que je ne contrôle plus rien avec la même impression que toi mon gars et c’est à chaque instant que je veux me laisser surprendre par les événements qui leur arrivent et parfois suffit d’un rien pour que ça se produise, je laisse ma baguette magique au vestiaire et je compatis en silence pour ne pas me faire remarquer encore une fois... Approche et viens dans mes bras ma belle il est temps de se dire combien on s’aime malgré tout y’a la profondeur des sentiments enfouis et j’ai bien l’envie que tout soit alors aussi simple qu’avant, regarde comme je reprends des forces à ton contact aujourd’hui j’ai décidé de ne pas te faire chier et qu’on partage ce temps de vie sans encombre oh non je vous en prie messieurs dames ne venez pas interrompre ce beau moment avec vos paroles de réconfort je ne m’entends plus espérer des jours meilleurs.

C’est bien toi mon homme des jours passés qui m’accueille au creux de tes bras et serre tout fort pour que je rentre au-dedans de toi et qu’on ne soit plus qu’un pour une fois on restera là l’un dans l’autre pour quelques heures à ne plus penser au-dehors de la demeure la cité occupe le terrain et qu’est-ce qu’elle peut bien y comprendre à nous deux avec ses foutues cases à remplir comme on peut pour s’y sentir plus en sécurité et bien sûr qu’on est bien les seuls à avoir choisi de vivre à proximité du bois mais qu’est-ce qu’on y peut si c’est bien là qu’est notre place à nous... Pourquoi faut-il ce jour qu’ils nous servent les doux tourtereaux leur bonnes pensées de robinsons mais Nom de Dieu personne ne vous a obligé à séjourner si longtemps loin des votres avec ces rares excursions au-dehors et faut-il avoir si peu de courage pour ne pas même ouvrir les volets et constater que la vie passe plus vite au cœur de la cité bel et bien peuplée et faut-il que j’ai fait l’effort de construire tout ça pour que vous n’en profitiez pas... J’entends bien là-haut le discours du Grand Dieu qui trouve bien dommage qu’on reste bien statique face aux événements du dehors mais qui te dit qu’il n’y a pas plus de vie au-dedans de nous qu’en extérieur dans toute l’agitation de la cité et suis bien prête à arrêter l’échange verbal là-dessus parce qu’il n’est pas question d’y passer la journée ça non on a beaucoup mieux à faire crois-moi sur parole Seigneur.

Je me laisse aller à me mettre entièrement à nu devant toi ma belle de cœur je mets toutes mes forces dans la bataille pour qu’on se retrouve comme dans les premiers instants où personne ne venait parasiter avec les gestes ou les mots qui m’éloignent de toi et comment je fais moi pour lutter si on ne me laisse pas dans la place, de si loin je ne peux que donner des coups de poing dans le vide malheureux que je suis à être bien démuni dans ces moments-là, j’essuie ma bouche après un petit déjeuner copieux où je me prends à imaginer qu’on est bel et bien un couple solide avec la vraie profondeur des sentiments inébranlables... Va bien falloir y revenir mon gars à la vraie réalité d’une situation fragilisée par les changements de températures intempestifs mais profite bien de ce moment de répit pour contempler de haut l’étendue de ta relation et arrange toi pour qu’aucune prière ne monte jusqu’à moi je suis bien occupé en ce moment avec les cupidons récalcitrants, elle t’écoute elle t’entend elle te voit elle est donc toute disponible pour que tu t’adresses à elle ta beauté d’une vie passée à ses côtés alors ne sors pas ce jour et occupe toi à lui donner du bonheur dans l’instant sans remettre au lendemain ce que tu peux faire la veille c’est que j’ai toujours les mêmes mauvais pressentiments concernant la fin de cette journée déjà bien entamée... Bras dessus bras dessous mon amour d’une vie que je te raconte sur le chemin qui mène de la table au sofa comme mon cœur s’est éparpillé tout du long à encaisser la perte de celles qui ont rempli ma vie d’avant toi alors je t’en supplie n’en rajoute pas une couche à me laisser seul là toi aussi avec le vide encore une fois qui accompagnera et la frustration à jamais gravée dans mon estomac une boule de la grosseur d’un poing serré qui ne veut pas s’ouvrir.

J’entends ce que tu sais me dire mon homme d’une longue vie passée à tes côtés sans compter le temps écoulé et faut-il à présent qu’on se mette à faire les encoches sur la poutre pour pouvoir affirmer après qu’on y était qu’on les a bien dépensées toutes ses heures tous ces jours dans le même monde à nous fait d’un simple poêle et d’une paillasse au bout d’un couloir sombre et qui donc aurait besoin de preuves pour statuer sur la vérité de notre couple, écoute mon homme qui nous arrive encore une fois j’entends le corps informe d’un étranger nous parvenir à même le séjour sans même frapper à la porte cette fois-ci... On est passé au travers du mur poreux on n’est pas tout à fait homme on n’est pas tout à fait esprit et ça va encore la ramener on connaît ça l’étranger-toujours-le-même le visage pâle on ne l’attendait plus ou alors on avait espéré comme moi ce jour qu’il ne se manifesterait pas et pourquoi faut-il qu’il ait revêtu ce complet blanc couleur néon avec suitcase noir qui accompagne, promis je n’y suis pour rien messieurs dames... Il dit pardonnez-moi d’être venu si tôt c’est que j’ai des consignes à respecter ce jour dimanche jour du seigneur je suis bel et bien de service et pas le temps d’ouvrir la porte car c’est trop de travail en ce moment alors je fais au plus vite avec les outils surnaturels mis à ma disposition, et moi petite femme je n’ai pas l’humeur de lui servir son bol d’eau chaude ce jour c’est bien la paix de mon âme que je réclame alors communiquez au plus vite sur vos intensions mon brave qu’on puisse en discuter tranquillement entre nous avec mon mari quand vous aurez quitté la demeure propriété privée je vous le rappelle.

Il dit oh la la Mon Dieu il ne s’agit pas d’une nouvelle bien réjouissante oh non c’est que j’ai à vous annoncer que monsieur ne va pas passer la nuit ça non pas moyen qu’il occupe un autre matin d’un autre jour et je ne fais que transmettre le message d’un comité gouvernemental dans une sale humeur aujourd’hui alors faudrait pas le contrarier en y mettant trop peu de bonne volonté vous me comprenez j’espère ou faut-il que je sois plus insistant, et moi l’homme dont il s’agit ce jour ais-je la possibilité de porter réclamation c’est que vous voyez bien que ce ne peut pas être le bon moment c’est qu’on est si bien ma femme et moi ce jour dans les bras l’un de l’autre depuis le lever du jour alors PUTAIN DE MERDE TU VAS NOUS LACHER LA GRAPPE OU JE TE FOUS MON POING SUR LA GUEULE UNE BONNE FOIS POUR TOUTES LETRANGER... Le temps de pause où peut-être un mince filet d’air monte au ciel et me parvient rempli d’aigreur et de frustration et alors on pense qu’il s’agit d’une erreur du comité et qu’on avait bien entendu parler d’une trêve pour le changement de saison aucun décès pour laisser respirer un peu la population bien sûr on ne contrôle rien ici bas et va bien falloir se plier aux ordres comme d’habitude on y perdra un peu de son âme au passage... Je signe au bas du document comme je peux avec la main qui tremble et la larme qui prend le temps d’atteindre le papier blanc immaculé jusque-là et je fais la grimace à l’étranger en écartant bien les lèvres pour faire sortir ma langue et je lui fais ainsi bien comprendre que je ne suis pas le plus heureux des hommes à ce moment-là mais que j’en ai vu d’autre et que c’est pas ça qui va me déstabiliser oh non messieurs dames j’ai des ressources et je compte bien m’en servir dans l’au-delà de la vie sur terre ainsi soit-il ont dit quand on n’a pas le courage de lutter ici et maintenant.

Je creuse deux petits trous dans le sol pour y enfoncer mes pieds qu’on m’empêche de tomber en apprenant la terrible nouvelle j’ai le besoin de m’ancrer dans la terre pour ne pas suivre mon homme même si c’est bien l’envie qui me prend de léviter quelques instants au-dessus de mon corps pour disparaître à jamais moi la femme dans le couple pourquoi faut-il que je le vois partir si tôt on avait dit pas l’un avant l’autre on avait fait la demande en temps et en heure mis le prix pour être sûr qu’on ne nous sépare pas alors explique moi l’étranger ce qui a bien pu se passer toi le messager de malheur on dit pour rester poli mais j’ai bien moi aussi l’envie de t’en coller une et j’enfonce mes doigts dans le dossier du sofa pour contrôler au mieux l’énergie que je pourrais dépenser... On a installé une cellule psychologique à savoir un lapin blanc sorti d’un chapeau que l’on peut caresser avec intensité voir même manipuler à sa guise pour le meilleur des réconforts un petit animal de compagnie qui laisse des poils partout en souvenir du bon temps elle et lui devant le poste à écouter un son brouillé d’où sort à l’occasion quelques informations sans importance le lendemain on sera passé à autre chose messieurs dames alors à quoi bon s’intéresser et peut-être on se tient la main et peut-être on fait des projets pour l’avenir ça tient éveillé... Alors on s’est bel et bien perdu mon amour d’une vie tu me laisse poursuivre l’aventure des vivants sans toi et qui donc vas-tu retrouver là-haut à te faire des reproches mal venus et peut-être tu retrouveras nos petits alors passe bien le bonjour d’une mère qui fera tout pour vous retrouver au plus vite c’est promis je n’ai plus rien à y faire à présent dans la cité faudra bien que je demande une dérogation pour être inscrite au plus vite sur la liste je sais bien que j’aurai bientôt la règle de loi pour moi.

Prends ma main entre parenthèse ma belle et viens faire un petit tour au-dessus de la cité remarque de là-haut comme le fleuve qui sépare les deux rives en ce moment est en crue avec pas moyen j’ai bien peur de passer d’une rive à l’autre et j’ai beau tendre une longue perche je n’arrive pas à t’atteindre alors désormais attention de ne pas glisser c’est que tu n’auras plus mon bras auquel te raccrocher ma belle, les nouveaux paysages que tu découvres les nouvelles terres sur lesquelles tu peux construire une nouvelle demeure avec de nouveaux matériaux c’est que la cité est pleine de ressources tu sauras bien... De combien de temps dispose-t-il notre homme avant de devoir faire ses bagages il en a été décidé ainsi on arrive au bout du chemin de vie et pas question de faire des prolongations, d’autres doivent prendre leur chance si on veut que la cité avance grandisse se développe il est dit pour justifier l’entreprise et je décide de sortir ma baguette magique pour une fois et leur laisser au couple en bout de parcours un peu de répit jusqu’à la fin du jour c’est bien le minimum qu’on peut leur accorder qu’ils s’endorment dans les bras l’un de l’autre et que la mort l’emporte lui dans son sommeil sans qu’elle s’en rende compte... Passons le reste du jour l’un en face de l’autre ma belle à se détailler du regard et de la pensée pour être sûr qu’on n’a rien laissé de côté tout ce temps passé ensemble s’agirait pas qu’il y ait eu encore des choses à découvrir l’un de l’autre et ce serait bien triste de se quitter sans être allés au bout de nous et de ce que l’on avait à montrer, l’étranger tourne s’il te plait la tête de l’autre côté de nous qu’on ait un minimum d’intimité dans de pareilles circonstances tu me manques déjà ma belle et je désespère de vivre l’aventure de l’au-delà sans toi c’est pas Dieu possible que ça nous arrive à nous on pensait on se disait que nous c’est ça nous c’était inébranlable non ?

On lui demande à mon homme quelles sont ses dernières volontés il y a droit en temps que condamné à mort on dit et c’est bien justifié messieurs dames croyez moi dans ces moments-là c’est l’essentiel qu’on réclame et j’ai bien une petite idée de ce qu’il va exiger mon homme d’une vie à se priver pour que je ne manque de rien ça non je ne peux pas me plaindre, tends l’oreille l’étranger et prends bien note de ce qu’il va te demander alors il sera de ton devoir de prendre en compte ses doléances et de tout faire pour les exécuter... On a préparé de quoi noter pour être sûr de ne rien oublier il arrive parfois que la liste soit longue il n’y a aucune limite aux requêtes des condamnés et c’est bien légitime qu’on mette tout en œuvre pour contenter le mourant l’accompagnement traditionnel, il tend l’oreille l’étranger au plus près de la bouche de notre homme disposé à ne rien laisser passer c’est l’occasion ou jamais... Prends le temps de bien réfléchir mon bonhomme si là-haut on te laisse un peu de répit c’est qu’on ne veut pas que tu te précipites alors surtout vas à l’essentiel mais n’hésite pas à y rajouter du superflu ça nous fera gagner du temps après tout le client est roi Nom de Dieu je sens qu’on va lui en faire baver à l’étranger-toujours-le-même le visage pâle impassible qui ne va pas la ramener longtemps tu peux me croire hé hé, je me tiens à distance raisonnable pour entendre et regarder faire sans l’influencer mon homme.

Une petite tranche de jambon entre deux tranches de pain et que mon amour m’accompagne dans l’aventure de l’au-delà rien d’autre mon brave faite le nécessaire je dis à l’étranger-toujours-le-même et la surprise se lit dans son regard cette fois-ci on comprend qu’il n’a pas l’habitude qu’on lui demande si peu mais peut-être est-ce trop mon brave vous voilà tout embêté à l’instant et je vous laisse vous débrouiller de ça, je vais me servir un verre d’eau pour fêter la solennité de l’instant pour les adieux définitifs on verra plus tard... Il consulte son registre l’étranger et qui pourra lui dire s’il a le droit de faire partir Madame alors qu’elle n’est pas inscrite et ça s’agite au-dedans de la tête bien pleine et ça contacte en sous-main un des membres du comité pour avoir un semblant de piste d’accord, le temps est suspendu pour ne pas que cette phase de réflexion soit comptabilisée on fige la scène sans que je puisse intervenir on dit que même un messager du gouvernement a plus de pouvoir que les dieux... Un regard vers ma belle qui m’adresse le clin d’œil hé hé on est sur la même longueur d’onde au moment du départ toi et moi on sait bien ce que veut l’autre et confirme moi que c’est bien ton désir à toi que de m’accompagner, n’ai pas peur ma toute petite et serre moi fort la main en espérant qu’elles se fondent l’une dans l’autre encore une fois et qu’on ne puisse plus nous séparer, le temps a repris sa course en avant et je suis prêt à entendre la décision de l’étranger-toujours-le-même à faire durer le suspense le petit coquin.

Cette nuit toi et moi mon homme d’une vie qui se termine ce jour on s’échappe ensemble c’est établi cachet du messager faisant acte on s’élève au-dessus de la cité qui poursuit sa construction sans nous et peut-être elle s’en portera mieux et peut-être on lui manquera qui sait la trace que tu laisses derrière toi quand tu passes au-delà de ma muraille protectrice à mille lieux des préoccupations de la surface et du sous-sol qui grouille sans qu’on n’en sache rien suffirait pourtant de trouver la porte d’entrée, l’étranger tourne la tête de l’autre côté de nous qu’on ait un minimum d’intimité dans de pareilles circonstances tu ne nous manqueras pas mon salaud bien heureusement... Je te regarde mon homme manger ta tranche de jambon entre deux tranches de pain l’une après l’autre en prenant le temps de bien apprécier allez donc tu n’es pas le plus malheureux à l’instant, oh mais j’y pense ais-je droit moi aussi à ma tartine au beurre salé ce sera ma dernière volonté c’est que pour le reste j’ai ce qu’il me faut merci bien, je garde quelques petits bouts entre les dents pour le souvenir d’ici-bas quand je serai tout là-haut si c’est bien là qu’on a à séjourner.

Le jour de grand bouleversement touche à sa fin et j’emporte avec moi mon petit gilet au cas où on se caille là-haut il n’y fait pas si chaud on dit que le sol est en mousse mais garde le froid alors couvre-toi bien ma belle je ferai l’éclaireur pour ne pas que tu te perdes va savoir l’espace que ça occupe l’au-delà on ne sait pas où on met les pieds, je laisse le petit mot sur la table au cas où les petits reviendraient pour régler les affaires courantes du décès de leurs parents qu’on prit soin de déposer quelques billets sous la troisième latte du plancher près du poil il y fait meilleur pour les sous... On salut l’étranger-toujours-le-même à réclamer la petite pièce pour le service rendu et tu peux bien passer à travers le mur sache que tout ce qui vient de la demeure ne passera pas je te garantis que j’y veillerai mon bonhomme je n’ai plus grand-chose à rajouter si ce n’est la tristesse d’en voir partir deux de plus ce jour de deuil qui se rajoute aux précédents... Non mais t’as vu ma gueule ce jour de départ je ne peux pas faire le fier et comment connaître à l’avance la qualité de l’accueil j’espère qu’on nous servira un buffet avec cotillons et compagnie nom d’un chien on mérite au moins ça, on pose la télécommande sur la commode et on dit au revoir de loin messieurs dames on n’est pas friand ici-bas des adieux larmoyants.

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