En cette aube cristalline- redondance du miroitement des lointains éthérés
Des lacs fuyards bus dans l’imaginaire
( A quel silence vouer son mot
Qui marche en babouches sur le pli de l’eau
Si ce n’est ton ombre ton ombre ton ombre )
Pourtour d’un bleu vaporeux
Craquement des pierres du bivouac
Qui traverse l’humus comme l’aborigène au sortir de l’eau
En son œil de (…)
Dans cette vie, il faut toujours savoir ce qu’on veut, déclara Brahim à sa femme.
Il se tut.
A l’intérieur de la chambre, sous quelque meuble crissait un insecte. Brahim l’écouta un peu plus qu’il ne fallait.
C’est comme cet insecte ; il fallait pas laisser la porte ouverte ; et maintenant qu’il est là il s’agit de le faire sortir.
Le silence de nouveau. Dehors, la nuit noire (…)
— J’en ai déjà égorgé trois.
— Encore un, Oncle Kadour !
— Pas possible ! Kadour avait l’air de regarder à travers l’arbre et les maisons… là-bas…
Il ajouta : égorgez vos moutons vous-mêmes !
— C’est vrai, dit Miloud ! Mais je n’ai jamais appris, Oncle Kadour… et puis il y a les enfants…
et c’est l’Aïd …
— Et puis… ne m’appelle plus Oncle ! Hé ! cria Miloud, ça va pas (…)
— Couche- toi !
— Je suis couché, dit l’enfant.
— Mais tu n’es pas couché, dit la mère.
L’enfant ferma les yeux pour un moment.
Dehors le vent était tout contre la palissade. Il pleuvra longuement
dans quelques heures.
Le gosse se tourna sur le côté droit et il put voir le bras de sa mère tisonner le feu. La chambre s’illumina un instant. Le chat Messaoud (…)
Adeeb Kamal Ed-deen est un poète iraquien – peut être le plus grand aujourd’hui - doublé d’un traducteur né à Babylone en 1953. Il a publié 18 recueils de poèmes qui ont été salués par bon nombre de critiques. Beaucoup de thèses ont été réalisées sur son œuvre. Aujourd’hui il vit en Australie et ses poèmes ont été repris dans l’anthologie annuelle The Best Australian Poems.
Tous ses (…)
Hocine jeta sa bicyclette – la mécanique n’avait ni frein, ni garde-boue, ni siège arrière, ni phare – sur le trottoir et s’engouffra en coup de vent dans la maison. Il portait un bleu de chauffe et avait de la sueur sur le front. Dans le couloir il trouva sa sœur Aïchabia qui était entrain de dresser, contre la porte, un sac de jute largement ouvert et plein de petites patates cendrées (…)
Les lances de la pluie arrachaient la terre
Et allaient en droite ligne dans le dedans de la terre
Roseaux feuillages branchages de cyprès bouleau chêne rhizomes algues et toute la faune marinés dans une profusion d’odeurs et de coulées de tanin
Elles arrachaient les arbres et les plantaient dans le cœur de l’eau
L’eau morte l’eau morte qui cependant nattait les jaillissements (…)
Plus il scrutait les murs plus ceux-ci fuyaient par les côtés qui ondulaient, devenant obliques
dans plus d’un sens. Et ces couleurs juxtaposées qui venaient les charger et les voilà
impénétrables, durs comme fer, tendus, voûtés comme si quelque vent les aspirait de l’extérieur.
Il cligna une fois, deux fois, des yeux, ressentit son estomac au niveau de la gorge et sa pomme
d’Adam (…)
Au troisième jour toute la ville puait. Le couvre-feu dès cinq heures de l’après-midi. On arrivait dans les dechras. Une allumette … pfuuuit ! Plus rien. Sur place ne restaient que les femmes pour se déchirer les joues et se tirer les cheveux. Avec les crosses des fusils , les soldats cognaient durement sur les crânes. Ils faisaient rentrer les baïonnettes dans le ventre (…)
RECTO
Rafle avant-hier vers les coups de quatre heures du matin dans le village. Les soldats avaient pénétré dans les maisons à coups de crosses et d’injures, extirpé les gens de leurs couches, cassé tout, déversé l’huile et la semoule sur le sol et pris dans leur foulée les hommes en habits légers, les mains sur la tête. Rapidement les femmes avaient appris qu’on les dirigeait vers le (…)