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David Gascoyne 

UNE BREVE PRESENTATION DU SURREALISME

jeudi 24 novembre 2022, par Michèle Duclos

Né en 1916, David Gascoyne connaît très tôt la reconnaissance de ses pairs avec un premier recueil de poèmes, Roman Balcony et un (unique) roman autobiographique Opening Day, qui révèle son intérêt passionné pour la musique, de Mozart à Alban Berg, et pour la poésie française entre autres surréaliste. À dix-huit ans en 1933 il est envoyé par son éditeur Cobden Sanderson à Paris pour rencontrer et interroger les membres du mouvement français en prévision d’un volume, qui paraîtra sous le titre A Short Survey of Surrealism en 1935 pour préfacer et accompagner la Grande Exposition Internationale Surréaliste, qui se tiendra l’année suivante à Londres aux Burlington Galleries, à laquelle participeront les membres du mouvement français dont Breton et Dali.
Ce volume très documenté par ses nombreuses rencontres parisiennes et suivi de ses traduction des poètes français, inédit en français, sera réimprimé dès l’année suivante puis à plusieurs reprises en Grande-Bretagne. En 1988 le poète est sollicité par Ferlinghetti et les éditions City Lights de San Francisco pour une reprise américaine, qu’il fait précéder d’une nouvelle introduction où il estime entre autres l’influence du surréalisme dans sa rencontre avec la pensée analytique freudienne et jungienne.
Ce sont ces deux introductions successives, inédites en français, que nous proposons en quelque sorte en prémices…

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David GASCOYNE

UNE BRÈVE PRÉSENTATION DU SURRÉALISME

Introduction (1935)

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Confiné depuis sa plus tendre enfance dans un monde dont presque tout ce qu’il entend ou lit lui affirme qu’il est le seul monde, le seul réel, et qui, comme presque personne au contraire ne le lui fait remarquer, est une prison, l’homme - l’homme moyen sensuel [1] - pieds et mains liés non seulement par ces chaînes économiques dont l’existence se révèle à lui de plus en plus clairement, mais aussi par des chaînes d’idées de seconde main et de second ordre, des idées préconçues et des préjugés qui servent à assurer la cohésion d’un système connu - ironiquement, comme le pensent certains, sous le nom de « civilisation » -, se voit, à tout jamais, sauf dans le sommeil, refuser l’entrée de cet autre niveau d’existence où les pierres tombent vers le haut et le soleil brille la nuit, si bon lui semble, et où les arbres parlent librement avec les statues descendues à tout jamais de leur socle - un monde dont l’entrée est généralement supposée avoir été jusqu’à nos jours le seul privilège des poètes et autres insensés. Car c’est une vérité indéniable que le domaine onirique [2] continue d’être regardé de la même manière, ou peu s’en faut, que le domaine érotique à l’ère victorienne. Que le rêve ne serve à rien, fuite loin du réel, le rêveur un paresseux qui s’écoute, telle est l’attitude affichée par une majorité écrasante de gens. Comment dans ces conditions l’homme peut-il se réconcilier avec le fait qu’il passe plus d’un tiers de sa vie terrestre à dormir, et qu’il passe la totalité de son temps de sommeil dans un monde que son esprit conscient méprise tant ?

Le but avoué du mouvement surréaliste est de réduire et en fin de compte de supprimer les contradictions flagrantes qui existent entre le rêve et la vie éveillée, l’« irréel » et le « réel », l’inconscient et le conscient, et ainsi de faire de ce qui jusqu’à présent avait été le domaine spécifique des poètes la propriété de tous et reconnue comme telle. Dans la mesure où les surréalistes eux-mêmes sont soit des écrivains soit des peintres, ils ont aussi comme but simultanément de repousser indéfiniment les limites de la « littérature » et de l’« art » en œuvrant continuellement à supprimer la barrière qui sépare le contenu de la page imprimée et du tableau du monde de la vie réelle et de l’action.

Prenant cette attitude comme notre point de départ, nous arrivons tôt ou tard à envisager une conception de la création artistique en général, et de la poésie en particulier, qui diffère presque totalement de celle qui est le plus fréquemment reçue aujourd’hui en Angleterre et en Amérique, pays où les données essentielles du surréalisme ont été constamment déformées et obscurcies depuis le moment, il y a peu, où l’écho de cet étrange mouvement « moderne » est arrivé pour la premier fois à nos oreilles.

Utilisant les découvertes de Freud et de quelques autres scientifiques explorateurs de l’inconscient, le surréalisme conçoit la poésie comme, d’une part le fonctionnement perpétuel de la psyché, un flot perpétuel de pensée irrationnelle qui prend la forme d’images présentes dans tout le psychisme humain et à qui il ne faut qu’une certaine prédisposition et une certaine discipline pour apparaître à la lumière sous la forme de mots écrits (ou d’images plastiques), et, d’autre part, comme une ouverture universelle à l’expérience vécue, un mode de vie potentiel. Il est ainsi une réaffirmation de la vieille notion d’inspiration soi-disant discréditée, mais sous un jour différent. Cet élément lyrique de la pensée humaine, source de toute poésie authentique, commun à tous les hommes si seulement ils en prenaient conscience, se manifeste dans les pièces de Shakespeare et dans les délires des fous dans Kubla Khan et dans les Silly Symphonies [3] de Walt Disney ; dans les tableaux de Picasso et dans les cartes postales populaires. « Je dis qu’il existe un élément lyrique qui conditionne au moins en partie la structure psychique et morale de la société humaine » (je cite Breton), « qui l’a conditionnée en tout temps et qui continuera à la conditionner. Cet élément lyrique a été jusqu’à nos jours, en dépit qu’ils en aient, le fait et le seul fait des spécialistes ». Et quand on dit que le but du surréalisme est de renverser la barrière qui sépare le rêve (la « poésie ») de la réalité, l’irrationnel du rationnel, cela veut dire que son but est de rendre ce « seul fait des spécialistes » familier à tous. Ici nous avons la réponse au problème soulevé par la contradiction apparente entre l’attitude artistique du surréalisme et sa foi politique avouée. Il doit maintenant être clair pour les marxistes que l’attitude surréaliste est en accord total avec la philosophie communiste du matérialisme dialectique, qui insiste sur la synonymité de la théorie et de la pratique, et que seule l’imminence de la révolution prolétarienne offre au surréalisme l’espoir que ses buts seront finalement atteints. La cause surréaliste est la cause révolutionnaire - et ce malgré l’origine bourgeoise des surréalistes, malgré l’attitude de certains marxistes dogmatiques envers les phénomènes tels que la psychanalyse freudienne et l’évolution complexe de l’art et de la littérature modernes, et malgré des compromis apparents de la part des communistes tel que le Pacte franco-soviétique et la récente réhabilitation en Russie de la conception bourgeoise de la famille.

Dans les pages qui suivent, je me propose d’aborder le sujet suivant un ordre en gros chronologique ; cette méthode peut présenter des inconvénients, mais lorsque nous arriverons à la situation qu’occupe aujourd’hui le surréalisme, même le lecteur qui ne se faisait au départ qu’une idée très vague du surréalisme réussira, je l’espère, à en saisir toutes les implications. Je m’excuse auprès du lecteur déjà bien renseigné sur le mouvement et sur l’évolution de la littérature française au cours du siècle passé, de revenir sur ce qui sera pour lui un terrain familier, car ce livre vise à être une introduction au surréalisme plutôt qu’un essai critique.

Une remarque s’impose ici : bien que j’aie intitulé mon premier chapitre « Ancêtres », cela n’implique nullement que le surréalisme soit autre chose qu’un état d’esprit latent, une attitude humaine dans le sens plus large du mot « humain ». Le surréalisme n’est pas un style, il n’est pas une école de littérature ou de peinture ; ce n’est pas un système d’esthétique. D’où il ressort que son origine ne se trouve pas dans une époque particulière, bien qu’un grand nombre d’écrivains du siècle dernier, particulièrement en France, aient offert un élan direct à ces hommes qui au cours des dix ou quinze dernières années lui ont consacré toute leur attention, l’ont défini, lui ont donné un nom, et ont considérablement enrichi et la littérature et la peinture et aussi le cinéma, par leurs recherches.

Qu’il me soit permis ici de remercier MM. Breton Eluard et Hugnet qui m’ont aimablement fourni de nombreux renseignements, documents et publications concernant le mouvement surréaliste ; mes remerciements vont aussi aux écrivains surréalistes qui m’ont autorisé à traduire leurs poèmes et autres textes que l’on trouvera à la fin de ce volume, et aux peintres surréalistes pour la reproduction de leurs oeuvres que j’ai utilisées comme illustrations.

Juin-septembre 1935

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David GASCOYNE
UNE BRÈVE PRÉSENTATION DU SURRÉALISME

Deuxième édition - City Lights Books, San Francisco, 1982

Introduction (1982)

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Jetant un regard introspectif sur l’histoire souvent mouvementée du Surréalisme il m’apparaît que sa contribution majeure réside dans une indispensable prise en compte de ce qui est devenu la crise ultime du vingtième siècle. Je souhaite rendre clair, comme j’ai tenté de le faire dans ma préface originale de 1935 à ce livre, que le mouvement surréaliste fut et reste radicalement différent de tous les autres mouvements des arts contemporains parce que son entreprise la plus sérieuse est littéralement de changer la vie, comme il y a plus de cent ans Rimbaud au sommet de son pouvoir visionnaire a déclaré qu’il était nécessaire de le faire. Le Surréalisme était – il l’est toujours - préparé à laisser derrière lui toute la vieille tradition de « littérature », belles-lettres et peintures destinées aux riches collectionneurs et aux musées subventionnés par l’État, pour collaborer avec des activistes politiques de gauche intransigeants et des experts véritablement éclairés du champ de la psychologie des profondeurs - des exceptions qui ne considèrent plus les systèmes aujourd’hui nombreux initiés par Freud comme autant de façons de persuader l’individu insatisfait de s’adapter pour se conformer à une société corrompue, destructrice et spirituellement creuse.

L’édition originale de ce livre s’ouvrait sur une déclaration que je souhaite reprendre avec peu de changements :
Confiné depuis sa plus tendre enfance dans un monde dont presque tout ce qu’il entend ou lit l’encourage à croire qu’il est le seul monde, le seul réel, mais est en fait une prison, l’homme - l’homme moyen sensuel - se voit, à tout jamais, sauf dans le sommeil, refuser l’entrée de cet autre niveau d’existence où les pierres sont susceptibles de tomber vers le haut et le soleil de briller la nuit, et même les arbres de parler librement avec les statues descendues à tout jamais de leur socle - un monde en d’autres mots dont l’entrée a généralement été censée jusqu’à récemment constituer un domaine ouvert aux seuls poètes et insensés privés de sens pratique.

Ce domaine est, bien sûr, celui de l’esprit inconscient, au sujet duquel l’analyste américain Gerald Sykes observe lucidement :

« L’inconscient n’est pas une caverne unique où notre chasseur est tombé un jour ; il est un réseau complet de cavernes qui s’étendent d’un bout à l’autre sous la terre et en pousser l’exploration réclame des chasseurs et mineurs nombreux, beaucoup d’humilité, beaucoup d’imagination – et au moins autant de temps passé au-dessus du sol qu’en dessous. »

Le but avoué du Surréalisme est toujours de réduire et en fin de compte de se débarrasser des contradictions flagrantes qui existent entre le rêve et la vie éveillée, l’« irréel » et le « réel », le conscient et l’inconscient, et ainsi de faire de ce qui jusqu’à présent avait été le domaine spécifique des poètes la propriété ordinaire de tous, reconnue comme telle. Dans la mesure où les surréalistes eux-mêmes sont soit des écrivains soit des peintres, ils ont aussi comme but simultanément de repousser indéfiniment les limites de la « littérature » et de l’« art » en supprimant la barrière qui sépare le contenu de la page imprimée et du tableau encadré du monde de la vie réelle et de l’action. Le Surréalisme n’est pas un style, il n’est pas une école littéraire, ni un système d’esthétique.

Ce livre ne peut être regardé autrement que comme une présentation du Surréalisme au milieu des années trente. Le monde et ses mouvements intellectuels ont subi autant de changement que les individus qui formaient le mouvement original basé à Paris et que, depuis, la mort a presque tous réduits au silence. Qui, par exemple, aurait prévu en 1935-1936, même dans la certitude grandissante de l’imminence de la guerre, qu’André Breton, avec nombre des représentants les plus éminents du mouvement dont il était le fer de lance, allait passer plusieurs années créatrices et influentes au USA, ou qu’à partir des années 1940 dans les Amériques des surréalistes prospéreraient jusque dans les années 1980. Leurs activités (précédées au cours de la Première Guerre mondiale par Dada, les protagonistes de l’Armoury Show, Stieglitz et ses associés, et d’autres tels que le groupe « The Soil ») constituent probablement aujourd’hui l’extension le plus vitale de la sorte de recherche et de pratique inaugurée en Europe un demi-siècle plus tôt. Le magazine Cultural Correspondances [Cultural Correspondances 12-14 (Eté 1981), « Popular Culture and Révolution » et Cultural Correspondances 10-11 « Surrealism and Its Popular Accomplices », (Automne 1979) a récemment publié une abondance de documents démontrant cette affirmation. Ce dernier numéro [1979] contenait une contribution d’Octavio Paz qui attire l’attention sur des groupes surréalistes contemporains en Belgique, en Tchécoslovaquie, en Roumanie, au Japon, en Argentine et au Chili. D’autres contributions attestent de l’existence de groupes en Australie et au Pakistan. La métaphore proposée par Gerald Sykes d’un réseau complet de cavernes couvrant le sous-sol de la terre semble justifiée par cette diversité.

Dans « Poésie et Histoire », écrit dans les années cinquante et traduit [en anglais] par Samuel Beckett, Octavio Paz élucide le sens que le mot poésie (qu’il convient de ne pas associer aux concepts discutables de « littérature » et d’« art ») en est venu à acquérir :

« Les contraires fusionnent dans l’homme lui-même, non dans le seul poème. Les deux sont inséparables. Les poèmes de Rimbaud sont Rimbaud lui-même, l’adolescent qui attaque avec des blasphèmes éclatants, malgré toutes les tentatives pour le convertir en une sorte de bête sur qui la parole est descendue. Non, le poète et sa parole sont un. Telle a été la devise, durant les cent dernières années, des plus grands poètes de notre civilisation. Et la signification du dernier grand mouvement du siècle – le surréalisme – n’a pas été différent. La grandeur de ces tentatives - auxquelles nul poète digne de ce nom ne peut rester indifférent – réside dans leur effort pour détruire une fois pour toutes, avec l’énergie du désespoir, le dualisme qui nous déchire. La poésie saute dans l’inconnu, ou elle n’est rien. »

Ce dualisme a été défini par un grand nombre de lexiques : psychologique, philosophique, ou autres spécialisés. Pour moi les antinomies basiques sont subjectif et objectif ou, parmi d’autres couples possibles qui se proposent, intérieur et extérieur. Atteindre cet état de l’esprit et de l’être où ceux-ci cessent d’être des composantes opposées, à leur grand dam, de la totalité humaine demande une transmutation et une extension de la conscience, sans lesquelles tout avenir tolérable pour l’humanité est inconcevable. Cette ouverture et cet élargissement sont essentiellement ceux que le Surréalisme, dès avant le premier Manifeste de 1924, s’est sans relâche employé à promouvoir. Par bonheur, aujourd’hui les surréalistes ne sont plus seuls conscients de la menace de destruction et des ressources régénératives de l’Inconscient Depuis la fin des années 1940 un nombre grandissant de penseurs de toutes disciplines se sont efforcés de faire passer le même message urgent : répudier ce que Théodore Roszak a défini comme le « mythe de le Conscience Objective », reconnaître la responsabilité de mystérieuses profondeurs que nous recelons tous, ou affronter le risque d’une auto-annihilation complète de l’homme. La subjectivité, la sensibilité, l’imagination, l’anima, l’instinct créateur continuent de réclame la reconnaissance de leurs droits égaux dans la constitution humaine aussi bruyamment que l’ont fait la jeunesse, les minorités ethniques, les femmes et les gays durant la décennie passée.

Malheureusement, la minorité de ceux qui connaissent le mieux notre péril et ses causes profondes se divisent entre des adhérents à de nombreuses écoles de pensées, idéologies, mouvements et groupes socio-politiques. Il y a une tendance durable, chez des individus assez forts, à développer leurs propres méthode et vocabulaire pour analyser nos mondes extérieur et intérieur, et à bon gré mal gré fonder des « systèmes autonomes partiels », un terme développé par Freud qu’il me parait utile d’appliquer à cet état de choses. Ainsi nous pâtissons d’une pléthore d’explications partisanes et partielles de la Crise, quand ce qu’il faut n’est pas accroître mais minimiser nos différences. Le temps est sûrement venu d’établir une solidarité claire et efficace entre toutes ces intuitions de ce qui se produit dans les mondes que nous habitons, et de trouver des voies pratiques pour atteindre à une clarification et de là à un changement véritable. Les munitions intellectuelles dont nous avons besoin pour avancer ne peuvent être fournies par une seule école de pensée, qu’elle soit psychanalyse freudienne, étude jungienne du mythe et de l’alchimie archétypaux, phénoménologie, existentialisme, ou gestalt théorie ; ou dans l’autre sens, par quelque marxisme rigide ou autre programme politique. Dans un climat de méfiance généralisée l’intolérance fanatique est assurée d’être le premier résultat si l’on réclame une réponse satisfaisante unique.

Enfin le territoire dont les surréalistes ont si longtemps déclaré qu’il était désastreusement négligé commence à être reconnu par d’autres. Parmi eux, Alan McGlashan. Bien que, pour mon sentiment initial d’irritation, il ignore ostensiblement les cinquante années d’investigation et d’expérimentation du Surréalisme, (la bande publicitaire de son livre proclame l’importance du « monde primitif, magique intérieur »), Savage and Beautiful Country (Contrée Sauvage et belle) est rempli d’intuitions précieuses. Son thème est lié inséparablement aux préoccupations centrales du Surréalisme, comme dans le passage qui suit :

« Pour l’homme moderne il existe une possibilité prometteuse : descendre hardiment dans l’obscurité du monde souterrain, et là réclamer son épousée, son ombre, sa totalité. Car en vérité la plénitude de la conscience humaine est encore à gagner. Elle attend de naître d’un mariage de ce qui n’a pas encore eu lieu, qui peut seulement se produire au niveau le plus profond de la psyché – le mariage entre penser et sentir. Dans la vie de tous les jours ces deux fonctions tendent à être antagonistes sauf dans certaines crises graves. En attendant, la conscience humaine est mutilée.
En outre, quand elle opère isolément, chaque fonction est essentiellement destructrice. La bombe thermo nucléaire est le résultat final de ce mode de penser déconnecté du sentir. Mais sentir est aussi un mode de la conscience. La sorte de sentir qui est déconnectée du penser a pour son résultat final – la guerre. Le penser autonome procure l’arme du cataclysme. Le sentir autonome procure le cadre dans lequel l’arme peut être utilisée. »

Après avoir cité des recherches physiologiques récentes qui révèlent notre besoin de rêver, Mc Glashan suggère que « l’esprit qui rêve… en addition à toutes ses autres fonctions, est un instrument de libération, capable de briser les modèles conventionnels de la perception humaine, et de relâcher de nouvelles formes de conscience. » Et il nous invite à « regarder l’esprit qui rêve comme une lime introduite subrepticement dans une cellule espace-temps où l’homme gît captif, une cellule dont murs et plafond sont nos cinq sens, et les gardiens les concepts inflexibles de la logique. À l’aide de cette lime l’homme devient capable - à condition qu’il puisse échapper à la vigilance des Autorités – de scier les barreaux de sa prison et de s’évader… »

Mon ami Roland Penrose dans son Scrapbook [New York, 1981] cite « le tableau surréaliste classique de Max Ernst, ‘Celebes’ de 1921 : « ‘Celebes’ est une image qui vous hante, d’un pessimisme agressif et terrifiant mais dans lequel la vitalité de l’image triomphe de l’écho creux d’une civilisation possiblement condamnée… ‘l’art ici rejoint le mythe’ et ajouterai-je, le rêve élucide la réalité. » C’est précisément ce que pour moi le Surréalisme continue de faire dans le monde indubitablement terrifiant des années 1980.

Notes

[1NdT : En français dans le texte (T.S. Eliot utilise aussi l’expression.)

[2Note de l’auteur : Les Grecs appellent le rêve : ovap, d’où Onirus, dieu des rêves.

[3NdT : Dans le Dictionnaire du Cinéma (Larousse, 1995, vol.1, p.629), Robert Benayoum précise qu’à partir de 1929 Disney voua toutes ses recherches à une série de courts métrages musicaux, les Silly Symphonies, dont Carl Sallings supervisait l’élément musical. C’est dans cette série inaugurée par la Danse macabre (Skelton Dance), qu’il aborde en 1932 le Technicolor, pour le court métrage Flowers and Trees.

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