- 26 février 2004, par Anna Sprengel
…et même la rue, sombre rue salie par la nuit, la rue embourbée de papiers gras et de mégots écrasés l’avait répudiée, refoulée jusqu’à sa porte, elle, l’étrangère, que plus rien ne concernait. La foule ne voulait plus de son corps contrit ; les conversations s’achevaient, les talons claquaient et sonnaient le glas, et les voitures sommaient qu’elle s’en aille : chaque fois elle s’éloignait (…)
- 6 février 2004, par Jean-Patrice Dupin
Hésitant, mal assuré, il se dirigea sans bruit vers la table qui jouxtait la nôtre, l’air presque de s’excuser d’avoir à s’installer si près, mais où aller autrement ? La salle était comble, et seule restait libre cette petite place vers laquelle il se faufila, murmurant alors qu’il nous frôlait un pardon à peine audible. Puis il lui fallut déplacer sa chaise, et mille précautions ne lui (…)
- 14 janvier 2004, par Catherine Lévy-Hirsch
Quelles que soient les cités, l’argent facile sert aussi à nourrir la famille. Entre nous, on appelle ça le NRFC, les nouveaux revenus des familles au chômage.
Dans notre pays en crise les chercheurs d’emploi se heurtent aux barricades de la production. Travail et emploi y sont confondus. Le deux pour le prix d’un avec le troisième gratuit est le nouvel étalon des mesures qualitatives. (…)
- 12 janvier 2004, par Jean-Patrice Dupin
Comme on a pas de carte, on sait pas si c’est à gauche qu’il faut prendre, ou bien si c’est pas plutôt à droite. Aucune indication. Il y a bien la passagère à l’avant qui donne son avis : c’est à droite, là, j’en suis sûre, c’est à droite, mais son sens de l’orientation est pas des plus fiables, elle l’a prouvé en d’autres occasions, voilà pourquoi sans doute son voisin pour sa part a plutôt (…)
- 19 décembre 2003, par Anne Brunswic
Tu crains que tes garçons, en rentrant de l’école, ne s’approchent des soldats pour leur jeter des pierres, tu trembles qu’ils soient blessés, mutilés, tués simplement parce qu’ils se trouvaient dans les parages. 520 gamins sont déjà morts ainsi au cours des trois dernières années. La vie de tes fils t’occupe.
Tu crains surtout pour ton aîné, celui qui s’est marié l’an dernier ; de toi, il (…)
- 17 décembre 2003, par Jean-Patrice Dupin
Je croyais qu’elle devait passer la soirée avec des amis à elle, alors qu’en fait pas du tout : ils avaient pas pu. Donc on se retrouve tous les deux, on sait pas trop quoi faire. Je propose par exemple qu’on aille au restaurant, bon pourquoi pas, mais où ? Tout ça se passe sur le trottoir en bas de chez moi. Un quartier où il y a surtout des pizzerias. Mais bof non. Elle a pas tellement envie (…)
- 30 octobre 2003, par Catherine Lévy-Hirsch
A Florian, Pierre et Miloud, à la paix entre les enfants de l’Humanité.
En janvier les marchés n’ont pas d’odeurs et peu de couleurs attirent les regards des courageux qui y font leurs courses. Les habitués bravent la rudesse du climat pour y trouver des légumes rabougris, de la viande ou du poisson congelés par le glacial de l’air, ou encore, des objets et ustensiles divers qui vous (…)
- juillet 2003, par Stéphane Tirilly
Adhémar de Thérouanne, dans sa Chronique de la Cité terrestre, prétend que le comte de Flandre Robert, dénommé par certains jongleurs et conteurs de fables Robert le Diable, mourut empoisonné à Nicée au retour du pèlerinage qui l’avait mené à Jérusalem. Mais ce qu’il raconte est une histoire mensongère.
Car l’abbé Gottfried, du monastère de Siegburg, m’a confié le manuscrit qui contient, (…)
- 7 janvier 2003, par Hervé Chesnais
Des enfants bruns, des enfants blonds, trempés, boueux, pires que nus, marchent dans la neige d’avril, celle qui fane les fleurs d’amandiers des vallées fécondes, dans la pluie d’avril qui gorge la terre, la fait saigner d’oxydes, des enfants sortent transis des torrents pierreux gros des glaces de l’hiver, et leurs tuniques sont orangées d’alluvions, et ils sont alluvions eux-mêmes lorsque (…)
- décembre 2002, par Hervé Chesnais
"Alors tous les péchés, fils légers et tenaces du démon, qui pour des cœurs un peu sensibles, rendaient ces hommes plus effrayants que des monstres, voulaient se jeter à cette eau. Les infirmes descendaient, ne raillant plus ; mais avec envie. Les premiers entrés sortaient guéris, disait-on. Non." Arthur Rimbaud, Proses évangéliques
Brique, ocre, et dès le matin le feu blanc de midi. (…)