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Voyage en Champagne humide 

carnet de bord photographique

mercredi 28 mai 2003, par Robin Hunzinger (Date de rédaction antérieure : 1er janvier 1970).

Calvaires, maisons de bois, terres lourdes, villages sans passants, volets fermés. J’ai vu tout à coup certains d’entre eux comme des décors sans vie, vides à l’intérieur. Morts.

En regardant un livre composé de cartes postales et de photos du début du siècle, montrant les mêmes paysages mais avec une vie aujourd’hui disparue, je pense aux Vosges. La différence : ici dans la champagne humide rien n’a bougé.

Je prends la route. Juste quelques fermes, des animaux, l’odeur des étables tôt le matin débordant dans les rues. Deux temps se croisent. L’un n’est pas totalement venu jusqu’ici, l’autre n’est pas encore totalement mort. J’aime ce pays perdu, loin de tout. Je pénètre dans une autre dimension. Essayer de raconter ce voyage, de mettre en parallèle archaïsme et modernité.

Villages fantômes, traces du passé. Questionner le paysage et ceux qui y vivent. Il ne s’agit pas de faire un acte passéiste, de faire un éloge d’un passé que je ne connais pas, mais de regarder, de questionner, que ce soit le désert ou les dimanches du lac du Der où les gens se baladent sur la digue en groupe. Je suis en terre étrangère, comme dirait Michel Deutsch, et j’ai envie de raconter cette terre.

Voyage dans un pays perdu et abandonné. Petits hôtels, boucheries, paysans, écoles, églises, maisons de retraités, chercheurs en ornithologie.

Décrire, regarder :
- la chouette la nuit
- les chauves-souris de la maison où je me trouve
- prendre les chemins
- rencontrer
- pénétrer le mystère que j’entrevois.

J’ai la même fascination pour ce décor que pour ceux que j’avais pu voir en Bosnie, comme dans la petite ville de Visoko. Je pénétrais dans un autre temps.

Il s’agit de décrire ce temps. Ce n’est pas celui d’aujourd’hui. C’est un temps entre parenthèses où les premiers lotissements font à peine leur apparition. J’aime l’idée de parenthèse, un espace décalé, ni aujourd’hui, ni demain, ni même hier.

L’idée de décor : en me promenant dans les villages déserts, j’ai l’impression d’un décor. En même temps je sens les odeurs de la terre que je ne sens plus ailleurs. Je ne suis pas dans un Disneyland avec de fausses maisons et de fausses odeurs. Chez le vétérinaire je ne vois pas d’animaux de compagnie mais des agneaux enveloppés dans des cartons et des publicités pour des produits contre la douve et les mammites. Pourtant l’impression de décor ne cesse de revenir. Pas une lumière, pas un passant, pas une voiture. Je suis seul, comme un personnage d’Arno Schmitt après la bombe. Seul au monde.

J’imagine qu’il n’y a plus rien derrière les façades des maisons closes.

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