La Revue des Ressources

Un noir (1845) 

lundi 30 janvier 2006, par Charles Philippe de Chennevières-Pointel (1820-1889)

Derrière le plus déguenillé et le plus boueux des quartiers de Paris, dans les environs de la barrière Fontainebleau, se trouve le marché aux chevaux, grand espace oblong, garni de palissades à l’entour et pavé sur les deux côtés. Par précaution contre les plus malendurantes de ces bêtes qu’on a pris soin, pour les faire mieux valoir, d’exhilarer à l’avance par l’avoine et le repos, les préposés à ce marché ont établi, sur la longueur entière des hauts côtés pavés, tout un système de solides balustrades à hauteur d’appui, destinées à isoler et à contenir chaque cheval. Cette place, qui, sauf les balustrades dont je parle, me rappellerait parfaitement certains cours de villes de ma province, est encore, le jour du dimanche seulement, le champ d’un autre marché : le marché aux chiens de la ville de Paris. S’y rendent donc, de onze heures du matin à deux heures de la relevée, ceux qui veulent soit acheter un chien de combat, à mon grand désapointement je n’y en ai guères vu d’autres, soit retrouver un chien perdu, lequel se revendrait fort bien là, sans que Paris en sût rien. Les gens qui exercent dans cette ville, l’industrie de recueillir les chiens égarés, n’ont pas, j’imagine, choisi, sans bonne raison, un champ de foire si écarté. La première fois, il y a longtemps, qu’il m’advint de rôder vers ce marché, je m’y trouvais, entrant dans l’enceinte, avec le premier animal qui s’y montrait ce jour-là, un grand lévrier gris, de figure triste, et retirant sans cesse une patte de devant par un tic commun à son espèce ; deux gamins associés sans doute en bénéfices sur la tête de ce beau noble lévrier, le tiraient après eux par une corde infame. Ce jour était un fort vilain jour de février ; je restai là un moment, les deux pieds dans la boue, attendant et regardant, avant que ne fussent arrivés sur la place le grand nombre des pourvoyeurs, qui sont des vieilles femmes cachant des petits roquets sous leurs châles ou dans leurs cabats, des chiffonniers apportant une couvée de braques dans leurs hottes, ou bien des caniches rasés grotesquement, ou de ces chiens de boucher propres à trainer une cariole. - Je vis se glisser là un homme dont je suivis les mouvements de tous mes yeux. C’était un pauvre vieux nègre, à cheveux blancs crêpus que resserrait mal une assez méchante casquette en drap bleu ; une longue redingote verte méticuleusement brossée et boutonnée, lui couvrait le corps et les jambes jusques bien au-dessous du genou ; il marchait à petits pas, la tête un peu baissée, les yeux mouvants et le regard oblique, et jetant à ceux qu’il voyait l’observant, un sourire craintif et simple et honteux. Au lieu d’un chien, ce pauvre vieux nègre traînait là une chèvre blanche avec des taches brunes et dont les mamelles touchaient à terre, il gagna d’abord le côté de la place opposé à celui où se tenait la vente et je crus qu’il ne faisait que traverser le marché pour aller mener paître sa bête par de là, mais je le vis par un certain détour se rapprocher des groupes, si bien qu’enfin sans s’y mêler, il se trouva derrière eux. Moi je fis pour l’aborder un manège au moins aussi embarrassé que le sien. Je commençai par échanger avec lui quelques mots indifférents, n’osant provoquer trop indiscrètement sa confiance ; mais lui sans résister s’ouvrit à moi, et me raconta à peu près ainsi l’histoire de sa vie.

- L’on m’a redit depuis que ce fût en l’année 1785, que M. Ledru de la Crespinière, capitaine du navire la Pamela, m’emmena en France de l’île de St-Domingue, où mon père et ma mère étaient esclaves dans une plantation. J’avais six ans quand nous débarquâmes au Hâvre ; mes souvenirs ne s’étendent guères par de-là cette traversée, et il ne m’est resté mémoire de mes cinq premières années et de mes parents que par une amulette que ma mère m’avait mise au cou en naissant et qu’on enterrera avec moi, et par une vague idée d’un autre soleil entrevu. Cependant je me souviens clairement de l’impression singulière que me causa, tout petit enfant, la vue du Hâvre, d’une ville toute peuplée de blancs, à moi qui jusqu’à ce jour n’avais vécu dans les habitations qu’avec des gens de ma couleur, ou sur le navire avec des marins qui n’étaient guères d’une teinte plus favorisée que la mienne. Mon instinct d’enfance m’avait montré tout homme blanc comme mon maître, et en me voyant seul de ma couleur au milieu d’une ville pleine et remuante, et où je ne voyais qu’hommes et que femmes blancs, tous mes sentiments étaient de peur et de honte et je me mis à pleurer sans que mon maître m’eût battu. La traversée pourtant avait été heureuse pour moi ; M. de la Crespinière ne me maltraîtait pas plus que les singes et les perroquets dont le navire était encombré ; il avait confié mon éducation à un grand matelot qui ne me ménageait point les corrections, et me faisait marcher du regard. Mais le capitaine lui-même riait et jouait avec moi sur le pont, quand le matin il se sentait en belle humeur. Cette transplantation de l’île dans le navire où toutes les figures m’étaient nouvelles, ce long voyage, ce changement d’habitudes, m’éveillèrent à la vie, et à dater de ce moment aucun souvenir ne s’est plus perdu pour moi. Nous arrivâmes donc au Hâvre, et là tout me parut prodige, les premiers jours j’étais comme engourdi, ne pouvant me rendre compte de ce que je voyais, et ne le cherchant pas. Je gênais beaucoup le grand matelot que M. de la Crespinière avait fait responsable de moi, car je ne mettais pas un pied devant l’autre, quand nous marchions le long des bassins ou dans la grande rue de la ville, sans qu’il me trainât, ce qu’il faisait très rudement ; il finit même pour se débarrasser de moi, par me consigner à bord. - Cependant M. Ledru de la Crespinière partit pour Paris, et ce qu’il avait de guenons et de perruches monta dans sa berline ; pour moi, on me hissa derrière, toujours à la gauche de mon matelot. C’est dans cet équipage que je me revois encore traversant Rouen et entrant dans Paris par la plus belle porte. Mais la ville du Hâvre, au premier jour, avait été pour moi une bien autre merveille que n’était maintenant celle-ci. D’ailleurs mon terrible matelot m’avait juré que les maisons de Paris avaient douze étages, et je m’assurai qu’elles n’en avaient que huit. Une fois rendu, mon sort se décida vite. M. de la Crespinière jugea que tel qu’il me voyait, j’étais un assez joli cadeau à faire à la comtesse de Formereuil sa cousine. Ici commence, monsieur, ce qui fut vraiment mon existence dorée. La comtesse était très jeune et n’avait point d’enfants. Elle était très belle et aimait le monde à la folie ; mais le monde ne lui suffisait pas encore, et chez elle, et à toute heure, elle souhaitait d’avoir un jouet sous la main. Je fus, monsieur, ce jouet pendant six ans, et peu d’enfants nés en Europe, et de parents blancs comme neige, pourraient espérer une enfance plus heureuse et plus choyée que la mienne. La comtesse ne pouvait point se passer de moi. Mon éducation savamment ébauchée par le matelot de M. de la Crespinière, avait pourtant besoin d’un dernier vernis, mais plus délicat que n’eût su le donner mon marinier. La comtesse me mit entre les mains des femmes, et je m’en trouvai bien. Avec un peu moins de soumission, je me dégourdis mieux, et me sentant moins étranglé par la peur, je repris plus de vivacité. Ma maîtresse s’égayait beaucoup des grands querelles que me faisaient ses soubrettes ; la comtesse demandant de moi beaucoup moins que ses servantes, je n’obéissais qu’à la comtesse. Pour elle, sa plus grande affaire était son Peblo. Voulant imiter nos maîtres des colonies, elle s’était fait préparer le plus joli petit fouet à gances d’or, duquel elle n’usa jamais, la charmante femme, que par le bout du sifflet qui lui servait à m’appeler ; et ce fouet d’ailleurs lui donnait si gracieuse contenance ! Mais ce ne fut pas tout : on me cadenassa au cou un carcan d’argent aux armes de la comtesse, puis on songea à me vêtir. Or, pour un si beau noir que j’étais, l’on ne put faire les choses à demi. On s’adressa tout droit à M. Lagrenée, un grand peintre du temps, pour en obtenir le dessin d’un costume. Ce M. Lagrenée n’était pas de la nouvelle école des peintres qui ont fait tant de bruit depuis. Il avait étudié chez Carle Vanloo dans les peintures de qui se voient souvent des nègres servants comme moi. Vous saurez tout-à-l’heure pourquoi je puis vous parler si sciemment de tous ces peintres-là. Le costume oriental entièrement rouge et blanc, que M. Lagrenée accommoda à ma taille et à ma couleur, consistait en un petit turban à calotte cylindrique, une veste à taille courte et à pointes tombantes, rehaussée de quelques menus galons d’or, et comme je n’étais pas assez haut pour porter mes culottes bouffantes, on les avait retrécies autant qu’il le fallait pour que je pusse marcher. Terminez le tout par de fins bas de soie et par des souliers à pointe recourbée, et vous pouvez vous figurer l’enfant le plus joyeux et le plus fier de son costume qui pût être. Il est vrai qu’une fois condamné à cet accoutrement, je n’en sortis plus guère, ou pour mieux dire, il fallut une révolution pour m’en faire sortir ; mais Dieu merci, nous n’en sommes pas là encore. J’y arrivai trop tôt, et toujours trop tôt j’y arrive, quand je repasse comme aujourd’hui les jours de mon enfance. Mon service dans l’hôtel de la comtesse se réduisait à deux occupations : le matin, à lui servir le déjeûner qu’elle prenait dès son lever ; l’après-midi, à conduire son chien dans l’une ou l’autre des promenades publiques. Cette petite bête rapportée d’Angleterre à un précédent voyage par M. de la Crespinière, et qui, avant mon arrivée dans l’hôtel, était le seul objet des gâteries de sa maîtresse, m’en avait maintenant cédé la plus grosse part, et quoiqu’il fût réellement très beau et d’une race très précieuse, quand on nous envoyait ensemble, soit aux Tuileries, soit sur le petit Cours, soit au bois de Boulogne, je puis dire sans fatuité, disait ce bon nègre en souriant, que c’était le nègre qui faisait valoir le chien, car tous les regards étaient pour moi. Si ma maîtresse voulait elle-même y paraître, elle se faisait suivre de nous deux, et si Mirza et moi sortions seuls, elle nous faisait escorter de loin par son grand chasseur chargé de nous défendre d’outrages. M. de Vergennes, quelques mois avant sa mort, nous ayant rencontrés à 60 pas du laquais, menaça madame de Formereuil, s’il nous trouvait encore à telle distance, de lui voler d’un seul coup son nègre et son chien, en les mettant chacun au fond d’une de ses poches.

- Ce n’était là, comme j’ai dit, qu’une de mes occupations : l’autre était de servir le déjeûner de ma maîtresse. Cela n’exigeait point par bonheur que je me levasse de trop grand matin ; aussi j’avais le teint frais autant qu’un nègre peut l’avoir. Comme les modes anglaises avaient alors grand cours en France, celle de prendre le thé s’était introduite comme tant d’autres, et ma maîtresse ouvrait sa journée en prenant deux tasses de thé, mais deux tasses si petites, que la chinoise au plus petit pied, que je voyais peinte sur ces porcelaines, n’en eut pas fait une gorgée. C’était une des coquetteries de ma maîtresse d’avoir la plus belle porcelaine et la plus mignonne, et qui lui déchirât le moins possible sa bouche qu’elle avait fort jolie, et par un caprice qui était bien des siens, elle ne souffrait qu’un autre que moi, un enfant de sept ans, touchât à cette vaisselle à laquelle elle attachait tant de prix. Les consoles en bois doré, à tête de satyre et à pieds de bouc, étaient chargées de beaux sucriers de Sèvres, de tasses miancopiques de Japon, de petits groupes d’amours de Saxe, - et moi seul, son Peblo, touchais et remuais tout cela. Mais aussi, je mettais à mon adresse un tel point d’honneur, que je me serais plutôt brisé les reins moi-même, que de briser l’anse de la moindre tasse, que d’écorner la moindre feuille ou la moindre fleur de celles qui couraient en relief sur ces beaux vases, j’aurais plutôt écrasé les deux pattes de Mirza ou ses oreilles qui traînaient à terre. La comtesse trouvait que pour toucher à ses chères porcelaines, dans son boudoir si pailleté de couleurs douces et fraîches, son petit nègre, au costume écarlate et au visage et aux mains d’ébène, avait meilleur air que dix souillons en cornette. Quand ma maîtresse n’avait à souper que quelques amis des plus intimes, je savais que ce service me regardait seul, et je m’en tirais avec orgueil. J’étais si petit que tout le monde me caressait, et ma maîtresse m’emmenait dans toutes les maisons où elle allait ; je portais son éventail et à l’église, son livre d’heures. Les primes neiges de l’hiver de 1786 excitèrent en moi une surprise et une effroi dont on me fit rire plus d’une fois par la suite. Il paraît que voyant tomber du ciel ces flocons blancs, desquels en mon pays je n’avais rien vu d’approchant, je me jetai à genoux au milieu de la cour de l’hôtel où ce déluge m’avait saisi, et pensant que le monde était à la fin et l’heure dernière sonnée, je commençai à faire toutes les prières et simagrées dévotes que je pus imaginer. Les autres gens de l’hôtel me rassurèrent pourtant, mais elles ne purent m’empêcher d’en ramasser par terre quelques pelotes que je serrai en une cassette, pour ma curiosité de chaque jour. Le lendemain, ne trouvant rien dans ma cassette qu’une humidité mal propre, je m’en pris droit à l’esprit du mal et non à une autre cause. Chacun en fit dans la maison de grands rires.

- Un soir - oh ! je ne pourrai jamais oublier ce que j’éprouvai ce soir-là - j’avais suivi ma maîtresse chez la présidente de L..., je me trouvai là avec un petit noir de mon âge ou de deux ou trois années seulement plus âgé que moi ; il était au chevalier de G. qui lui faisait porter les couleurs jaune et bleu. Ce que je vous raconte se passait dans les premiers mois que j’étais à Paris, et le petit domestique du chevalier de G... était le premier être que je rencontrais là de mon espèce et de mon sang. Nous étions de même corvée, et nous portions ensemble des sorbets sur des plateaux. Quand je le vis, je me sentis je ne sais pourquoi, tout petit enfant que j’étais, tous les membres trembler, et peu s’en fallut qu’il ne m’arrivât comme à Jocrisse, de laisser aller le plateau sur le parquet. Dès que la corvée fut achevée, nous rentrâmes tous deux à l’office et le peu que j’avais des souvenirs de ma première enfance se réveillant, j’éprouvais des mouvements violents, et j’étais tout porté à me jeter au cou de ce frère que le hasard m’envoyait. Je m’approchai de lui vivement, et le langage de mon pays que je tâchais d’oublier me revint de lui-même à la bouche. Mais cet enfant, qui était, je crois, né en France, ou qui y avait été apporté dès les premiers mois de sa vie, se mit à rire de moi avec tous les gens qui se trouvaient là ; je me sentis le coeur gros de ma cruelle méprise, et je me mis à pleurer, comme cela m’arrivait encore. Cette première rencontre si malheureuse m’inspira, dès ce moment, une aversion insurmontable pour tous ceux de ma couleur, et à l’heure qu’il est je n’en suis pas encore revenu.

- Quinze jours après les processions de Lonchamp, qui, cette année-là, avaient été tardives, nous partimes pour la campagne. La comtesse de Formereuil m’emmena dans son château de Bavigny, en Normandie, où elle comptait passer cette saison. Elle m’emmena, ma bonne maîtresse, sans se douter de l’effet que j’allais produire dans ce coin de la province, et l’effet ne se fit pas attendre. Car le jour même de notre arrivée, M. le bailli étant venu avec quelques jeunes filles du pays complimenter la comtesse qui était dame et patronne de la paroisse, dès que je parus dans la salle, toujours vêtu de ma veste turque et coiffé de mon turban à fond cylindrique, et portant les cadeaux que ma maîtresse destinait à ses protégées de village, toutes ces petites, effarouchées comme devant un animal qu’elles n’eussent pas connu, se reculèrent jusqu’au mur, et quand je m’avançai vers la première, elle poussa un cri aigu sans révérence pour la comtesse qui en rit de toutes ses forces au nez du bailli qui ne me perdait pas de vue. Mais voilà que cette frayeur ne s’arrêta pas là et gagna tous les gens du pays. On trouvait alors dans les provinces moins d’esprits forts qu’à présent, et on crut tout de bon que j’étais l’esprit malin de la comtesse. Il y en avait qui n’osaient plus tant se fier à elle, et cela fit presque scandale, quand, le dimanche, suivant ma coutume, je portai dans l’église, au banc d’honneur qu’elle y avait le livre d’heures de ma maîtresse. On me prit pour le diable que les Européens, par calomnie, font passer pour un nègre ; les bonnes femmes se garaient de nous, de peur que je ne les touchasse du coude, et me jetaient de l’eau bénite par derrière. Il s’en trouva même une qui m’en jetta par devant à la face, et comme je ne pus m’empêcher de faire la grimace à ce propos, elles furent toutes confirmées dans l’idée que j’étais Satan lui-même, ou tout au moins l’un de ses suppots ; tout le monde n’avait d’yeux que pour moi, hommes et femmes, le curé et le vicaire même. Ma maîtresse qui d’abord étouffait mal son rire, surtout à la scène de l’eau bénite, voyant le service divin interrompu et qu’on la regardait presque autant que moi, finit par s’en impatienter, et dès quelle tint son livre d’heures, elle me fit signe de sortir. J’ai su que le lendemain le curé de Bavigny avait eu avec elle une longue conférence, et depuis ma maîtresse s’est bien gardée de me laisser sortir du château, de peur que pour venger l’esprit malin qui tend des pièges à l’espèce humaine, l’espèce humaine de Bavigny ne tendit des pièges à l’esprit malin dans la figure de son Péblo. Je ne regrettai point les champs, vous pouvez m’en croire, mortifié que j’avais été d’y être pris pour le diable. A Paris, je retrouvai ma vie de l’autre hiver, si glorieuse et si commode, et je m’entendis de nouveau envier à ma maîtresse :quel beau noir que ce petit ! disait-on, il n’a pas une goutte de sang mêlé, c’est de la race pure ; quel nez , répétait-on, et quelles lèvres ! c’est magnifique, il n’y a que Paris, monsieur, pour estimer toutes les beautés ; et comme tous les ans j’étais plus envié à ma maîtresse, les admirations qu’on me prodiguait du dehors entretenaient son goût pour moi, on eût dit même qu’elles le faisaient croître.On arriva ainsi à l’an 89. Il y a des certaines années qui sont si grandes dans la mémoire des hommes, que, penserait-on, les événements de l’histoire ont seuls rempli ces années ; bien que les approches et la convocation des États généraux fussent, sans doute, cause dans le monde de quelque préoccupation, vous ferez bien de croire, monsieur, que mille autres événements moindres, mais d’un intérêt presque égal pour certains esprits, remplirent le courant de l’année 89. Et pour la comtesse de Formereuil, par exemple, cette année fut marquée par l’exécution de son célèbre portrait. M. David, qui disait que n’était pas Boucher qui voulait, n’en a jamais pensé trop de mal ; mais ses élèves ont abîmé de critiques ce pauvre portrait, qui, s’il faut dire vrai, n’était plus guère dans le goût du temps. Il faut que vous sachiez quelle fut l’occasion de ce portrait. M. Ledru de la Crespinière était arrivé des Indes l’année précédente 1788, et comme il n’oubliait jamais dans ses longs voyages sa belle cousine madame de Formereuil, il lui avait rapporté cette fois la plus charmante petite guenon noire qu’on eût pu trouver au marché de Pondichéry. Cette guenon était maligne et avisée plus que toutes celles de son espèce, et elle m’eût fait perdre beaucoup de mon importance au logis, si je n’avais su me faire aux humeurs de la favorite, qui après sa maîtresse ne souffrait guère que moi. Un jour la comtesse vit chez une des ses amis un portrait que celle-ci avait de sa mère, ravissant pastel de la Rosalba, qui sous le bras de son modèle avait fait passer une délicieuse figure de singe ; ce singe de la Rosalba était en tout pareil à celui de ma maîtresse.

- Ma maîtresse n’eut plus de repos qu’on ne lui eut fait d’elle-même un portrait semblable. Un peintre lui fut recommandé comme le plus capable que Paris eût alors, de faire un bon pastel dans l’ancienne manière. C’était M. Cerusier. Il était élève de Latour, et ne trouvant pas richesse en France, il avait passé nombre d’années en Angleterre où il avait étudié sous Reynolds. Il nous revenait sans avoir été gâté par les systèmes de la nouvelle école. Il convint à ma maîtresse. Le pastel de la Rosalba lui fut montré, et il tomba en pamoison devant. Enfin ma maîtresse lui donna son heure du lendemain pour la première séance. Il fut exact ; et ses boîtes étaient déjà ouvertes et la comtesse était assise dans sa bergère avec la guenon dans ses bras, quand j’entrai apportant une lettre, et en me voyant le peintre fit sur sa chaise un soubresaut d’admiration. - Comment ! madame, dit-il à ma maîtresse, vous cachez ce trésor—là ? Quel bijou ! ajouta-t-il du plus grand sérieux de monde. Et comme ma maîtresse se rengorgeait en riant. - Ah ! madame, reprit le peintre, cela brise tous mes crayons. Le pastel n’a plus rien à faire ici, c’est le pinceau de mon maître Reynolds qu’il faut, c’est le pinceau de Coypel, c’est celui de Véronèse. La comtesse n’entendait plus rien à ce débordement d’enthousiasme. - De grâce, poursuivit M. Cerusier, ne m’empêchez pas, madame, de produire ma plus belle oeuvre. Et en effet, de l’avis de tout le monde, même de ceux qui le maltraitèrent le plus, le grand portrait à l’huile qu’il fit de ma maîtresse fut le chef-d’oeuvre de M. Cerusier. C’était une composition de quatre figures : la comtesse était représentée assise dans sa bergère dorée, au pied d’une colonne autour de laquelle grimpaient toutes sortes de fleurs et de fruits. Elle offrait au singe qui y mordait une belle grappe détachée de cette colonne. Sa robe blanche de soie tachetée de petits bouquets avait des reflets éclatants. Le costume par hazard un peu sévère de ce temps était arrangé par l’artiste de la façon la plus galante. Enfin moi, posé à gauche sur la toile, un peu incliné, le teint brillant, vêtu de ma livrée orientale et la plus écarlate, je contenais, par son ruban de soie, Mirza qui aboyait contre le singe. Ce tableau, appuyé par les applaudissements des plus anciens seigneurs de la cour, et par les critiques même de la cabale nouvelle, aurait fait la fortune de M. Cerusier, si les états-généraux qui menaient leurs rudes affaires pendant que nous achevions les nôtres, et qui faisaient dans le monde plus de bruit et de discorde que nous, n’eussent ouvert cette terrible révolution qui dispersa l’ancienne cour. La comtesse de Formereuil abandonna donc elle aussi, ses biens, ses gens, son hôtel, et partit avec le comte de Formereuil dont je ne vous ai rien dit, parce que jamais il ne me regardait, ni ne m’ordonnait rien. Il eût été furieux qu’on me comptât pour être de sa maison ; mais j’étais réputé de celle de madame de Formereuil. Le comte n’entendait pas qu’on plaisantât ainsi sur les nègres, pour l’affranchissement desquels il s’était hautement et depuis longtemps déclaré.

- Me voilà donc, monsieur, à peine âgé de 11 ans, tout d’un coup, sans que j’en prévisse rien la veille, délaissé dans Paris, seul, sans maîtres, presque sans ressources, quoique ma bonne maîtresse m’eût, en me quittant, un peu grossi mes gages ; mais ni ma livrée orientale, ni ma bourse légère ne pouvaient me mener loin. Madame de Formereuil m’avait recommandé, le matin de son départ, à l’un des intendants du comte, sachant que cet homme partageait les philantropiques opinions de son maître. Ce digne intendant, ayant mis en poste le comte et la comtesse, et jugeant bien de la longueur de leur absence, prit pour sacrées leur volontés, et d’abord songea à remplir les intentions bienveillantes de la comtesse sur moi. En conséquence, il me fit entendre qu’il allait s’occuper de me pourvoir d’une place, mais que ne voulant pas perdre tout-à-fait ses peines, il comptait, si la maison était bonne, retenir quelque portion de mes gages, et non pas la dîme qu’il approuvait fort qu’on eût abolie, mais la moitié, s’il vous plaît. A toutes les portes où il frappa, il fut mal reçu, ma couleur et ma livrée produisant cette année-là un tout autre effet que celui qu’il en attendait, et personne ne se souciant de se parer d’un semblant d’aristocratisme, et de continuer en ma personne, par la puissance d’un maître sur son domestique, l’abominable esclavage des noirs si rigoureusement anathématisé par les hommes d’alors ; ce mauvais succès ne le dégoûta point de moi. Il imagina que ceux, par la crainte de qui l’on me rejetait, ne pourraient, pour faire honneur à leurs principes, se défendre de me bien accueillir. Par malheur, j’étais trop jeune et ne pouvais être admis dans les clubs et les sections où quelques-uns des miens avaient la parole haute, et se montraient à toute heure les plus insatiables de sang et d’exécutions. - Oui, lui dis-je, en l’interrompant, dans toutes nos dernières querelles civiles, on a trouvé quelques-uns des vôtres, comme par haine de notre race, et par une horrible représaille de notre domination, faisant avec rage des morts dans les deux partis, et se soûlant avidement de notre sang, comme le feraient les bêtes furieuses de vos pays. - Oui, monsieur, il y en a, répondit tranquillement le bon nègre ; eh ! dame, fit-il, notre espèce n’est pas heureuse ; que dirions-nous de la providence, si elle ne nous donnait, de loin en loin, un pauvre os de blanc à ronger. Donc, monsieur, reprit le nègre, l’honnête intendant du comte de Formereuil ne trouva pas d’autre ressource que de me présenter chez les gens les mieux connus du public, comme défenseurs avoués de la cause des nègres. C’était Grégoire, évêque de Blois, c’était Bernardin de St-Pierre, et cinquante autres qui avaient tous écrit et parlé durant leur vie entière sur ce thème pathétique qu’ils avaient pris, comme le reste, à Welberforce et aux Anglais. Le monseigneur me demanda si je savais quelque petite chanson de mon pays, mais comme je ne pus lui en dire une, il se récria contre cette caste maudite et perverse de la noblesse qui ne se plaisait qu’à abrutir des peuples déjà si maltraités du créateur. Mais quand le brave intendant sollicita en ma faveur leur charité si avérée, il n’en tira sou ni maille, excepté le conseil pourtant de me sortir de cette livrée pourpre, invention d’aristocrate, qui n’était propre qu’à me faire regarder comme un baladin et à déprécier mon espèce, et de plus une malédiction en bonne forme sur mon excellente maîtresse, qui disaient-ils, m’avait abandonné sur le seuil de son palais, comme une pauvre enfant trouvé. L’intendant qui avait l’esprit juste conclut que ces gens-là tiraient plus aisément de leur besace un gros discours et un gros livre qu’un petit écu, et ne me sachant plus bon à rien, me souhaita bonne chance et m’engagea à prendre un autre chemin que le sien.

- Si je n’avais été si jeune et si dénué, il me restait bien un parti à prendre, un grand parti, et, tout enfant que j’étais, j’y songeai gravement. La révolte des noirs de St-Domingue faisait aussi son bruit comme toute le reste, et à force d’entendre parler des droits et de la dignité de l’homme et de l’égalité de l’espèce, je pensais qu’en telles circonstances, rejeté et honni par l’Europe, un seul asile, une seule partie m’était possible, celle où les créatures de mon sang vengeaient leurs affronts et constituaient leurs libertés, celui où mes parents, maintenant libres ou morts, m’avaient conçu autrefois pour la misère et la servitude. Mais une autre pensée chassa celle-là. Là-bas, dans ce pays que j’allais chercher si loin, serais-je mieux venu de mes semblables que de ceux de l’autre couleur ? Ne serais-je pas là-bas comme ici enfant sans mère, enfant sans frère ? Et M. de la Crespinière n’étant plus là pour me dire où il m’avais pris (il mourrut, je l’ai su depuis, à quelque temps de là sur la côte de Quiberon), je m’agiterais là-bas, incessamment tourmenté d’un inutile espoir que rien ne pourrait ni guider ni distraire.

- La comtesse de Formereuil, dans la jalousie où elle vivait de moi, ne souffrait pas que je sortisse de son hôtel ou que je fisse liaison avec aucun être du dehors ; de sorte que je me trouvai plus dépourvu que tel autre n’eût été dans mon cas. Je ne pus plus songer qu’à une personne, qui m’avait toujours témoigné par ses caresses beaucoup de bonté, et dont le logement m’était connu pour être allé souvent lui porter l’heure de la comtesse : c’était M. Cerusier. Je m’acheminai vers la rue des Marais où il demeurait danslamaisond’un carrossier dont plus d’une fois par la suite il peignit les panneaux. Il était toujours riant et d’humeur égale, et me reçut, pour bien dire, à bras ouverts et comme une bonne fortune. - Tes gages ne seront pas gros, mon garçon, me dit-il ; mais je pourvoirai à tout, comme eût fait ta charmante maîtresse, et pour honorer son souvenir. Mon nouveau maître était alors un homme voisin de trente ans passés, grand, de belle tournure, les cheveux frisés et toujours à demi poudrés, l’air brave et loyal, et tout à fait bon. J’avais dans le commencement quelque honte des complaisances qu’il avait pour moi, me traitant aussi doucement que si j’eusse été l’enfant qu’un ami lui eût confié, me ménageant la peine et attentif à ma santé. Il occupait en haut de la maison, au fond d’un corridor infect, un méchant galetas de deux pièces. La première était l’atelier où les modèles étaient reçus. Cette salle d’honneur était tapissée d’études et d’ébauches, de marbres et de bois sculptés. M. Cerusier, qui se faisait une gloire, fort extraordinaire dans ce temps, de ne point partager les dégoûts de sa confrérie, recherchait les précieuses curiosités, magots en couleur et magots en terre cuite, bonnes à mettre en pièces ou en poudre, comme ces âges de barbarie et de décrépitude dont elles étaient à la fois témoignages et symboles ; des têtes de hautes dames brisées sur des tombeaux, un Bacchus peint à qui versait à boire deux Amours à fesses rubicondes, l’aventure de Damoclès dans un grand plat de faïence allemande, une fontaine chinoise toute enroulée d’oiseaux fantastiques, une rosace à la porte vitrée : c’était un pêle-mêle admirable ; mille bribes, mille reliques, entre lesquelles il fallait toujours sauter aussi prudemment que Pierrot entre des oeufs. Quel temps, monsieur ! toutes les richesses du génie de la France étaient alors éparpillées au vent ; les pauvres les ramassaient à terre. - Les temps étaient d’ailleurs durs pour nous, et le pain n’était plus quotidien. Le gracieux coloris de mon maître, si coquettement faux, ne plaisait plus à une époque qui n’avait de goût que pour les Achille et les Antinoüs, fadement calqués de l’antique et glacialement enluminés.

- Il y a, dit-on, nombre de peintres qui, découragés par le mauvais accueil et le besoin aussi aidant, ont renoncé de bonne heure à une manière sévère et correcte, pour en suivre une autre plus lâche et plus facile et qui fût mieux agréée de leur temps. M. Cerusier eût pu faire tout le contraire, tourner le dos à son passé, biffer sa science acquise, effacer sa manière, c’est-à-dire son caractère, ses souvenirs, toute sa jeunesse, tout lui-même, mentir à ses yeux qui lui montrait tout resplendissant de couleurs et de lumière, lumière fausse, couleurs qui n’étaient point ; mais qu’y pouvait-il ? Tout aussi justement pouvait-il dire, que ceux qui n’y voyaient pas de même que lui n’avaient pas l’oeil bien fait. Il ne jeta cette injure à la tête d’aucun de ses contemporains, mais il n’en demeura pas moins peintre aux belles couleurs comme devant. Durant dix années que la France se gouverna en république, nous nous soutînmes de peu, et pour bien dire, de généraux seulement.Généraux et gros officiers du directoire et du consulat nous ont donné à vivre et à rire. Nous peignions, nécessité le voulant, le portrait au rabais. Tous, par bonheur, ne se faisaient pas représenter à la Léonidas. Quelques-uns se résignaient à garder les cheveux longs et le frac de guerre, et ceux-là venaient à notre enseigne. Alors paraissait le beau, le glorieux de mon service. M. Cerusier n’achevait point un portrait d’importance sans que passât par quelque coin la tête de son nègre. L’adjudant-major D..., depuis maréchal de camp, je lui contenais son cheval de bataille, piaffant et écumant ; cela se payait un louis de plus. Le commandant L..., je me montrais à la porte de sa tente. Un officier d’artillerie, mort au bord de l’Elbe, six ans après, il était parent de Valhubert ; je portais la mêche de sa batterie. C’était comme la signature de mon maître. A cela vous pourriez, si vous m’eussiez vu alors, reconnaître et cataloguer toute son oeuvre. C’est grande chance vraiment que je ne me sois point, en peinture, rencontré trop souvent face à face avec moi-même. J’ai connu depuis, monsieur, le nègre de Géricault. N’en déplaise à la mémoire du grand peintre, son nègre auprès de moi était un fainéant.

- Il se voit chaque jour que les hommes les plus illustres par leur savoir et par leur pensée, sont ceux qui entendent le moins la pratique de la vie et comment il convient d’agir dans les cas les plus communs, et comment il convient de se tirer des embarras les plus faciles. M. Cerusier était la tête la plus simple et la plus commode, et la moins préoccupée d’intérêts qui pût s’imaginer ; et il ne se souciait non plus que de Pitt ou de Fox, de tout ce qui n’était pas ses idées de peintre et sa manie pour les drôleries de toutes les formes. Cependant que nous languissions dans une gêne si cruelle que bien souvent nous passions mois sur semaine et semaine sur mois, sans amasser de quoi mettre à cuire une méchante poule au pot, mets bourbonnien dont mon maître était glouton, M. Cerusier trompait notre misère par ces caprices d’oisiveté qui ne coûtent rien et consoleraient tous les pauvres gens, s’il restait à la plupart des pauvres gens des sens pour les goûter. Un sergent de l’armée d’Égypte avait payé par l’offrande d’une pipe turque, un petit portrait que M. Cerusier avait crayonné de la maîtresse du sergent. M. Cerusier la fêtait comme Sganarelle sa bouteille ; et il s’est passé bien des jours de l’an 1801 où mon service s’est borné à remplir sa pipe et à en approcher le feu. Et combien plus nombreux ceux que j’ai passés, bâillant de faim, étendu près de la porte, sur une magnifique peau de lion, encore un autre présent inaliénable de son ami le sergent d’Égypte. Le splendide tapissement de ses murailles réjouissait ses yeux à toute heure, et lui rehaussait, disait-il, l’esprit et le courage. Par une idée semblable, Guide se paraît pour peindre les vierges, et ainsi Buffon, pour peindre à sa manière l’homme, ou sa plus belle conquête, ajustait ses manchettes, et passait au côté son épée de baleine.

- On m’a rapporté que le nègre du poète Camoens mendiait pour son maître. Si je n’ai pas suivi un si illustre exemple, c’est que la loi, dans notre temps, interdit la mendicité et rend les généreux dévouements moins commodes. Mais je m’y pris autrement. L’hiver de 1804 nous trouva si misérables, qu’un beau matin (le froid et la faim ne nous avaient guère laissé dormir), M. Cerusier me prit la main comme à un ami et me dit : - Mon garçon, tu dépérirais avec moi, il se pourrait même que tu mourusses de faim. Il ne te faut pas rester un jour de plus ici. De plus fortunés que moi te donneront à manger. J’avais mon dessein et je sortis. J’avais appris de M. Cerusier les noms et la demeure des plus fameux peintres. J’allai m’offrir dans leurs ateliers comme modèle. Je ne trouvai pas d’emploi le premier jour, et aussi ne ne couchai pas chez mon maître. Le second jour je fus plus heureux, et Mme Benoît me retint à poser. Je posai donc devant un cercle de jeunes femmes soit élèves, soit amies de Mme Benoît. J’avais gagné plus que le pain de ma journée et je retournai au gîte de M. Cerusier, le coeur fier, quoique un peu gêné. J’entrai et le trouvai couché tenant sur son grabat ma peau de lion pour couverture. Il se leva sur son séant, et apercevant le vin et la viande que j’apportais dans mes mains, il m’attira vers lui, et comme le besoin sans doute l’affaiblissait, il pleura et puis souriant après cela, il me dit avec une embrassade : - Mon pauvre Peblo, les sans-culottes avaient raison, les hommes sont frères. Le pain et le vin que tu me donnes sont bons quand la faim presse, ajouta-t-il en mangeant avidement, mais ce que tu as fait est meilleur. Ta conduite me reconforte mieux que ce verre de Suresnes, et il le vida d’une gorgée. Il me caressait. - Je suis fier de toi, me disait-il ; pourquoi semblais-tu embarrassé à ton entrée ? Croyais-tu point que j’allais rougir d’avoir inspiré une action si belle ? Et m’interrogeant sur l’accueil qui m’avait été fait par les uns et par les autres : - Tu es aujourd’hui en bonnes mains, continua-t-il parlant de Mme Benoît ; la peinture qu’on fera de toi sera excellente. Il n’y a plus depuis longtemps que les femmes qui s’entendent à peindre. Mme Benoît t’a-t-elle dit de qui elle avait reçu ses leçons ? Connais-tu le portrait que la divine Lebrun fit de la feue reine, et son portrait à elle ? Oh ! belle ! belle ! Les femmes seules connaissent maintenant quel charme est dans les couleurs. Angelica ! Angelica ! toi aussi sais peindre, Angelica. Et rêvant de mademoiselle Kaufmann qu’il avait vue autrefois à Londres chez Reynolds, il s’endormit ivre-mort. Épuisé qu’il était par le jeûne, ses paroles et son exaltation l’avaient étourdi plus promptement que le vin.

- Un soir que je rentrais de ma journée, je ne trouvai plus mon maître seul. Six bougies brûlaient dans les deux torchères dédorées qui décoraient la chambre, et au milieu se tenait debout, les pieds nus, sur ma peau de lion, et dans la pose simple de la Venus pudique, un éblouissant modèle de femme. Cette vision m’arrêta court à la porte, sans que j’eusse, tant j’étais gêné, la présence d’esprit de me retirer, et la Vénus s’accroupit : mais dès qu’elle m’eut envisagé : - ce n’est que Peblo, fit-elle, et elle se redressa. Elle était vraiment digne de poser pour la déesse, elle ne sentait son imparfaite mortelle que par de rares endroits. Sa chevelure brune était riche, l’ovale de sa figure plein et long à la fois, son nez très légèrement arqué, et ses sourcils fins et étroits étaient, ou peu s’en faut, irréprochables. Son oreille était charmante, son teint vif, ses lèvres vermeilles d’un beau dessin, mais point trop pincées, de belles lèvres à baiser, et sous ces lèvres la bouche la mieux dentée du monde. Ses yeux grands et noirs, et très purs, étaient fendus à merveille. Son corps, dont elle était fière plus encore que de sa tête, n’était pas en effet d’une beauté ordinaire. Elle était grande, ses membres étaient forts et arrondis, la jambe superbe, et les hanches point crûment saillantes. Les épaules étaient assez étroites, mais la poitrine, comme la taille, était jeune et toute charmante. Ce corps, comme vous voyez, était assez accompli. Le pied seulement, par la faute des sabots qu’enfant, nous dit-elle, elle avait chaussés, s’applatissait trop sur la fourrure fauve. C’était plutôt, à bien prendre, de l’Houdon que du Praxitèle, mais c’était le temps de l’Houdon. Mon maître dessinait en extase, comme saint Luc la Vierge. Cette veillée singulière dura bien par delà minuit. Le modèle ne se lassait pas, et il ne se passa plus de jour où elle ne revint. Cette belle personne s’appelait Camille Duperron. C’est moi qui avais valu cette aventure à mon maître. Quelques demi-mots qu’on m’avait surpris dans l’atelier de Mme Benoît avaient éveillé la curiosité de toutes ces jeunes femmes, et elles avaient fini par me tirer des lèvres ce que j’avais à coeur de taire, à savoir que je servais un pauvre peintre encore jeune, qui avait eu quelque crédit avant la révolution, et qui, maintenant, en était à ce point de n’avoir pu, faute d’argent, dessiner, depuis quinze mois, un modèle de femme. Entre celles à qui Mme Benoît donnait des conseils sur la peinture était cette jeune fille aussi belle, ou peu s’en fallait, que la princesse Pauline, laquelle avait voulu servir de modèle à David et à Canova, et quasi aussi amoureuse de son corps, fière d’ailleurs de pouvoir s’ajouter, par son nom antique, quelque air de ces Romains et de ces Spartiates, dont son père, vieux fédéraliste du Calvados, l’avait fort amourachée. Quand le monde se sent décrépi, il pense se rajeunir en s’attifant ainsi à la primitive ; il joue à parler comme les enfants, il serait tout aise de se remettre aux lisières. Mlle Duperron allait aussi légère vêtue que le souffrait la mode d’alors ; et sa robe était fendue sur la jambe aussi haut que celle de Mme Tallien elle-même. Toutes les idées généreuses exaltaient sa tête, et comme elle était folle de l’art qu’elle étudiait, elle avait songé à faire cette sublime aumône à mon maître privé d’étudier le nu par sa pauvreté, comme je l’avais dit, et elle était venue lui offrir son corps pour modèle. M. Cérusier et sa maîtresse vécurent de longs mois ensemble, elle tout enivrée de lui, et lui devenant de jour en jour plus inquiet. C’était un homme très fort contre la misère, mais qui n’entendait rien à la supporter à deux ; et aussi quand le bonheur venait à lui, il ne savait qu’en faire, ni comment le gouverner. Des souffrances nerveuses s’emparèrent de lui, et il mourut l’année suivante dans un état horrible. Elle veilla durant les trois derniers mois, couchée à terre, et la tête appuyée aux pieds du malade, se levant à toute heure et à son moindre réveil, cachant à son amant jusqu’à l’ombre de son désespoir, souffrant ses caprices et ses impatiences ; elle dessina son portrait quelques jours avant sa mort ; sa pâleur et sa maigreur était devenues si visibles, que mon maître en fut frappé et lui défendit de veiller davantage. Une nuit qu’elle reposait, il rendit l’âme entre mes bras. Je ne sais à qui a passé sa maîtresse.

- Il fallut alors me pourvoir d’un service, et je fus adressé à un préfet d’empire, lequel montant sa maison m’emmena pour se faire honneur dans son département. Les serviteurs nègres se trouvaient alors fort rares en France, à cause des relations rompues avec les colonies ; partant nous étions une curiosité très recherchée. Pour moi j’eus bientôt pris en horreur mon nouvel état, quelque considérable qu’il fût. Le jour où j’étais entré parmi ses gens, ce préfet m’avait travesti à l’européenne, et je me sentais si grotesque dans ce costume sombre et ridicule que j’en desséchais de honte et d’impatience. Que voulait-il faire d’un nègre coiffé d’un chapeau noir et accoutré d’un habit vert bouteille ? Je ne rêvais qu’écarlate, que bleu de ciel, qu’orange ; ô mon turban et mon carcan dessinés par M. Lagrenée, où étiez-vous ? Le dénûment et le vieil âge ont seul pu, monsieur, me rendre soutenables ces vêtements sans éclat faits pour les peaux blanches. Le jour où j’ai retiré du coffre ces anciennes livrées, j’ai abdiqué sans retour les beautés de ma couleur.

- Mon nouveau maître ayant été appelé à Paris pour affaires secrètes de sa préfecture, se fit accompagner par moi. Un matin qu’il m’avait envoyé à l’hôtel de police chercher dans les bureaux je ne sais quels papiers, je m’y rencontrai face à face avec le bon ange de mes premières années, avec mon adorée maîtresse madame la comtesse de Formereuil. Je la remis du premier coup d’oeil, quoique je la retrouvasse vieillie de plus de cinquante années en moins de quinze, et vêtue singulièrement. Ces têtes frêles et enfantines comme en portait une ma jeune maîtresse, la cousine de M. de la Crespinière, un ouragan tel que celui à peine passé, les flétrit et les dessèche si vite ! Elle ne me reconnut pas, car alors j’avais moi aussi, rien que par la puissance du temps qui marche, vieilli de quinze ans sur une vie de vingt-six, et n’était-ce pas assez de cet odieux habit Européen pour me défigurer ! Quant à elle, je n’aurais pu la méconnaître, n’eût-elle gardé que cet air libre et délicat ensemble qui trahissait d’une façon toute bizarre la dame de l’ancien temps sous les dehors de sa condition présente. Je l’abordai en la saluant de son titre. Ce nom la blessa comme une piqûre de serpent. - Vous vous trompez, je ne m’appelle pas ainsi, fit-elle toute troublée ; je me nomme Catherine Demain. Mais y vois-je bien ! est-ce donc toi, mon pauvre Peblo ? - Peblo tout à votre service, lui répondis-je, s’il vous plaît encore de l’y avoir. - Oui, mon garçon, cela me plaît, comme il peut plaire à deux amoureux qui ont partagé un premier amour plein de bonheur, de se rejoindre plus tard pour se rappeler ce temps qui n’a rien dans la vie qui lui ressemble. Et d’ailleurs ta mine couleur du diable et l’aide de tes deux bras ne sauraient me nuire. Mais avant de t’engager, je veux que tu saches pour le salut de ton âme à qui tu te livres, mon Peblo : à une batteuse de cartes, mon enfant ; c’est aujourd’hui notre règne, tu sais, et le métier est bon : j’avais bien des terres qui ne me rapportaient pas cela (1). On a bien raison de dire que l’éducation première des femmes leur donne toujours le moyen de se tirer d’embarras ; sans cette pauvre Barbe, où en serais-je ? - Son verbiage m’avait laissé le temps de remettre un peu mes esprits, car, à vrai dire, à cet aveu de la profession de la comtesse de Formereuil, j’étais comme tombé des nues. - Eh bien, me vends-tu ton âme, Peblo ? m’acheva-t-elle en souriant. - Je vous la donne, ma bonne maîtresse, lui dis-je ; ou plutôt je vous la remets, car en tout temps vous l’auriez trouvée vôtre. Et dès le lendemain, enchanté d’avoir obtenu mon congé du dignitaire que je servais, j’entrai dans mes fonctions sibyllines, revêtu d’une longue robe noire, de pied en cap chamarrée de cabale rouge.

- Cette science des cartes, madame de Formereuil, Catherine Demain, veux-je dire, l’avait acquise autrefois de l’une de ses servantes appelée Barbe, comme vous venez de l’entendre. Barbe était une grande belle fille, la plus belle de Bayeux, se disait-elle et vous savez que le sang y est admirable. Cette tête à l’évent tenait elle-même le peu qu’elle savait des tireuses de cartes très nombreuses dans sa ville. Mais de ce peu elle se servait à merveille, et en suivant les demi-mots que je lui rapportais en cachette touchant les dispositions de notre maîtresse et sur ce qui lui travaillait l’esprit, la soubrette s’entendait on ne saurait mieux à construire des pronostics qu’elle débitait ensuite, à l’heure où elle était appelée dans le cabinet de la comtesse, avec la confiance la plus effrontée du monde. Ce savoir-faire lui avait assuré, dans les temps qui précédèrent l’émigration, une importance et une familiarité devant lesquelles tout l’office s’effaçait, hormis Peblo pourtant. Ce n’était pas que la soubrette fit grand cas de moi. Elle ne me regardait pas comme une créature humaine, et quand sa maîtresse lui demandait pourquoi elle ne me faisait pas plus de caresses, elle répondait impertinemment qu’elle n’aimait pas les animaux, et en effet, elle n’était portée de caresses vers aucun, qu’il fût blanc ou noir. Elle n’aimait personne : Je ne m’aime pas moi-même disait-elle sincèrement. Et cela était vrai, non par misanthropie, comme la Rancune de Scarron, mais par une profonde et entière insouciance. C’est de cette fille que la comtesse de Formereuil avait voulu apprendre, retirées toutes deux au fond du boudoir, l’incomplet abécé de cette science qui faisait maintenant sa vie et son gagne-pain. Elle occupait alors rue des Postes un fort étroit et fort obscur logement. Vous n’ignorez pas que les nègres ont une grande renommée de chiromancie et pratiquent la divination sous ses mille formes. Les vieilles sorcières auxquelles dans tous les ports de France les matelots vont demander des pronostics de voyage, sont le plus communément de ma couleur. Catherine Demain, la pauvre femme, songea à tirer parti de cette croyance. Quand il s’agissait de divination par le tarot, elle me faisait paraître, se réservant le petit jeu des cartes et les prières en quarantaines pour rappeler les absents. J’avais connu ma jeune maîtresse très pieuse ; je ne sais quel démon en vieillissant lui avait soufflé au corps cette grossière impiété et cette sacrilége industrie ; et accordez avec cela qu’elle priait Dieu très dévotement de loin en loin pour elle-même. Catherine Demain avait acquis une adresse merveilleuse à juger les curieux sur la première mine ; elle suivait en dessous l’effet produit de ses paroles, et observait sans lever l’oeil des cartes. Elle jugeait sur un habit boutonné de telle façon, sur une mèche mal disposée de la coiffure ; un rien lui éclairait un homme. Je revis là pour ma part nombre de gens qui m’avaient en peinture chez eux, les mêmes généraux et les femmes de ceux-là aussi, car dans ce temps d’aventuriers, la bonne aventure se trouvait naturellement en faveur singulière.

- Ma maîtresse me dit un jour : - En ton absence, une visite bien extraordinaire m’est venue. Une charmante personne s’est présentée pour me commander une neuvaine, et je l’ai fait entrer dans ma chambre. Elle n’avait point dit encore qui elle favorisait de ses prières, quand levant par hasard les yeux vers ce portrait, qui n’est point le portrait du diable que je sache, quoique tu y figures, je l’ai vue pâlir et s’interdire, et elle m’a tourné les talons sans achever. Dès que ma maîtresse m’eut conté cela, je pensai aussitôt à mademoiselle Duperron, mais je n’en dis rien, ne voulant insulter sans raison à personne. Pourquoi ces prières, mon Dieu ? pour un mort ? ou pour un vivant ? Pauvres, pauvres morts ! Etait-ce donc sûrement elle après tout ?

- Ce fut peu de jours après celui-ci que j’introduisis dans l’antre sybillin notre plus inattendu visiteur. Quelle triste et bizarre rencontre ! Un personnage long et défait, à figure busquée, c’était le mari de la comtesse, M. de Formereuil. Je le laissai dans la salle obscure où se rendaient les oracles, et j’allai prévenir Catherine Demain. A ce coup, elle se prit à trembler et tomba dans une courte défaillance. Puis se levant par un effort surhumain, elle prit les tarots, se jeta un voile sur la tête, et voulut jouer elle même cette lugubre comédie. Elle entra s’appuyant sur moi, et se plaça entre la lampe et le comte, et ensuite elle agita les cartes pour se remettre. Elle prit enfin la main de M. de Formereuil et la retournant entre les siennes, comme pour s’assurer qu’elle ne tenait point un fantôme, elle fit plusieurs efforts pour parler, mais ne le put. M. de Formereuil observa qu’elle tremblait, je lui répondis, moi, que la sybille éprouvait toujours, au moment où les choses cachées du présent et de l’avenir se dévoilaient à elle, des oppressions violentes. Ces quelques mots aidèrent la pauvre femme, qui dit enfin au comte d’une voix éteinte. - Vous avez émigré, monsieur, et vous avez été maître d’école à Munster en Allemagne. Vous y avez vécu des miettes des enfants des pauvres, durant trois années, puis un bruit vint que vous étiez mort. Votre retour a dû surprendre vos proches, mais vous ne les retrouverez point tous. - C’est en effet pour retrouver quelques traces de la comtesse de Formereuil, dit le comte, que je suis venu, madame, consulter votre art. - La comtesse de Formereuil, répéta Catherine Demain, elle ne vous suivit point, monsieur, craignant à la fois votre exil et votre misère. Elle a trouvé dans cette ville misère plus désolante, exil plus insupportable. Mais pendant que vous souffriez froid et famine, elle avait cherché ses plaisirs parmi les heureux d’alors. Dieu l’a punie de n’avoir point observé l’exemple de tant de nobles résignées, de tant de sublimes dévouées. - Et maintenant, demanda le comte, où est-elle ? - Elle est morte, répondit la sybille, et elle tomba en arrière. Je la reçus évanouie dans mes bras. Le comte sortit, et ce fut la dernière consultation de Catherine Demain.

- Je me présentai quelque temps ensuite à l’hôtel du comte de Formereuil, et m’étant fait reconnaître par lui, j’en obtins une petite pension à titre d’ancien serviteur de sa maison. Avec cette minime ressource, j’ai fait vivre vingt ans encore ma bonne, ma malheureuse maîtresse, plus pénitente et plus dévote que sainte Madelaine elle-même. Cette chèvre que je traîne après moi, est celle qui lui donna le lait durant sa dernière longue maladie. Il me coûte de m’en séparer, mais elle est trop capricieuse et il me fatigue trop la mener paître chaque jour comme autrefois. Il ne me va plus rester que le portrait que fit de ma jeune maîtresse, la comtesse de Formereuil, mon généreux nourricier, M. Cerusier. Elle l’avait retrouvé chez l’Auvergnat voisin de son hôtel, qui l’avait gardé dix ans derrière ses chaudrons et le lui vendit tout barbouillé de suie pour un écu de six livres, et baptisé duchesse de Lamballe. Un autre Auvergnat le rachètera après ma mort et le baptisera comtesse Dubarry. - Et pourquoi, lui dis-je, s’en irait-il à l’aventure ? Et ne vous conviendrait-il pas de lui assurer pour l’avenir un bon coin de saine muraille ? Cette peinture, si vous y consentez, restera sous vos yeux jusqu’à ce qu’ils se ferment, puis elle sera mienne, et pour ce droit je grossirai de tant d’écus la petite pension de M. de Formereuil. Ce pauvre nègre ne voulait point d’abord accéder à ce marché ; mais je l’emportai enfin, et après que je lui eus mis dans la main le premier quartier de sa rente, je le quittai, fort édifié de son histoire.

P.-S.

(1) Alençon a porté deux curieux fruits de révolution : le père Duchesne et mademoiselle Lenormand. Je tiens de personnes qui l’ont vue de près, et qui avaient titre pour étudier et connaître son organisation, que la célèbre sybille ne devait aucunement à une hauteur surnaturelle ni même plus qu’ordinaire d’intelligence, sa puissance divinatrice. Cette puissance était réellement en elle un don particulier de la nature, don précieux auquel la sublime vertu de virginité était venue joindre toutes ses exaltations. Cette vertu de virginité qui fit de Jeanne d’Arc un ange du Seigneur, avait éclairci d’une façon miraculeuse la seconde vue de mademoiselle Lenormand. Si les incrédules lui contestent la seconde vue dans tous ses attributs, du moins ne saurait-on lui contester la claire vue, laquelle, dans le monde d’action, est le génie : le génie c’est une vue saine. Mais mademoiselle Lenormand voyait clair et c’était tout ; et elle, femme ou démon de si bon conseil que certains hommes des plus vénérables de France n’entreprenaient rien sans son avis, n’a point cru peut-être que ce haut don du ciel lui eût été commis à son usage. Les sciences orgueilleuses que l’homme s’est faites n’expliquent rien et n’ouvrent aucuns mystères, loin de là : par elles Dieu est lettre close. Les sciences occultes sont les seules qui fassent voir la grandeur et la profondeur du monde, et toucher les fins de la création.

Texte établi sur un exemplaire (BmLx : norm 245) des Historiettes baguenaudières par un normand publiées en 1845 à Aix.

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