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Provoquer des guerres : est-ce en cela que la politique étrangère américaine consiste ? 

Devoir d’ingérence et guerre globale.
« La guerre c’est la paix. La liberté c’est l’esclavage. L’ignorance c’est la force. »

lundi 27 avril 2015, par b. traven, Louise Desrenards, W.J. Astore

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{}Devoir d’ingérence et guerre globale
Je vais d’abord parler depuis le lieu où je vis, un pays qui est à l’avant-scène de la guerre aux côtés des USA et parfois l’y pousse davantage, c’est-à-dire un pays qui a pourtant perdu sa souveraineté nationale et qui s’appelle la France.
La seule situation qui pouvait encore installer une paix internationale et européenne relative après l’effondrement de l’URSS et la fin de la guerre froide a disparu entre les mains du Président Sarkozy, après une préparation remontant à la seconde Présidence Chirac : la France hors de l’OTAN. Mais « la France » a intégré l’OTAN et en outre dûment dépêchée dans le cadre du Traité de Lisbonne, co-signé par le Président Obama.
Nous voici participants du Nouvel Ordre mondial à advenir en guerre mondiale en renversant nos anciennes alliances, et avec la mesure selon laquelle nous revendiquons maintenant une participation guerrière particulière et globale pulvérisant la politique diplomatique de « coexistence pacifique » qui avait procuré toute l’importance de notre rôle critique.
Avec une « force de frappe » dissuasive (que certains à juste titre contestèrent en leur temps, contre la puissance nucléaire dont les essais étaient préjudiciables aux populations et à l’environnement où la bombe était expérimentée, autant que contre sa capacité d’éradication massive), la posture armée d’un pays indépendant du pacte atlantique comme du pacte de Varsovie, face aux nations dominantes détenant l’arme totale accrue d’autres armes de destruction (pour pallier à la réserve internationale après les bombardements au Japon), put primer contre la guerre en pleine guerre froide, sous la forme d’une action dialectique réellement influente du soutien diplomatique (et non militaire) aux mouvements de libération, tout en agissant pour la paix dans le monde, de la part de la France après la guerre d’Algérie. Et je le dis sans hagiographie parce que pendant ce temps monsieur Foccart contradictoirement mais officiellement œuvrait entre l’Élysée et l’Afrique pour la Françafrique.
Aujourd’hui, vus les restes de l’ancienne armée indépendante et étant les seuls en Europe à en être dotés, dû à l’histoire de l’autonomie internationale de la Ve République, nous sommes maintenant une armée de service sous un leadership mondial dirigé par la stratégie de l’échiquier du Pentagone. Ce n’est pas seulement le cadre de la répartition planétaire des ressources selon les lois du grand marché (commercial et financier) et ses parties privilégiées dans le cadre des organisations supra-nationales, c’est aussi la question de la domination occidentale militaire et militarisée sur le monde pour y parvenir, et parfois ne sachant même plus ce qu’était son objet la guerre se perpétue comme une espèce proliférante dans le chaos géopolitique du plus large à nos villes mêmes. La guerre pour la guerre, la dépense des armes et celle des sociétés post-traditionnelles exclues du marché mondial et celle des classes post-prolétariennes sans ouvrage reconverties en chair à drones ou à OGM abrégeant la vie.
Je ne reviendrai pas sur les détails de notre implication au premier plan de la catastrophe syrienne après la libyenne (toujours en cours), ni sur les catastrophes africaines dans lesquelles nous avons trempé ou que nous avons déclenchées récemment (alors que nous pensions cela relégué dans notre passé colonial et de la Françafrique déjà citée), ni sur la participation active à l’embargo européen à l’égard de la Russie, (une catastrophe économique à l’impact lourd dans certains pays d’Europe), tout en n’étant pas de ceux favorables à la fin de l’embargo sur l’Iran (Fabius en a redemandé à Kerry sur les garanties), au point de révéler une posture du gouvernement socialiste français à la droite du Département d’État américain, et ralliant l’extrême droite du Sénat concernant le rôle des pétromonarchies au Moyen Orient. Finalement la guerre du Yémen satisfait ces alliances en réglant les contradictions entre partenaires sur le dos d’un pays écarté de la zone internationalement disputée par les grands blocs, où les intérêts des turbulences et de leurs soutiens ne s’accordaient pas ; sans un nouveau front armé extérieur à l’œil du cyclone, reprenant l’éclatement du conflit ailleurs, tandis que celui qui opposait se poursuit, elles ne pouvaient trouver de consensus. Donc plus et plus toujours plus de guerre, la paix ne met pas d’accord, l’argent des armes et les pertes humaines, considérés en termes d’économie démographique, à l’horizon des crises délibérément causées par le système exécutif d’un ordre du monde imaginaire passé aux actes... oui, là-dessus tous les partenaires sont d’accord : la guerre c’est la paix.

J’en arrive enfin au sujet qui m’a conviée à cette réflexion « provinciale » : un pamphlet américain que je me suis permis de traduire en français pour le transmettre. Tant qu’Internet nous permet encore cela, la navigation numérique vaut peut-être d’être défendue pour ce qu’il reste du réseau.
À propos de l’envoi de parachutistes de la 173ème brigade aéroportée en Ukraine [1], voici l’article extrait du magazine The Contrary Perspective, fondé et dirigé par l’écrivain et journaliste d’investigation et d’opinion W.J. Astore, ancien militaire gradé d’active. De la loi d’ingérence à l’émergence de la généralisation de la guerre après le politique, après la Bosnie et depuis la guerre d’Irak, nous constatons l’usage pervers de ce droit au profit de l’impérialisme occidental aux armes les plus puissantes du monde, et cette extension autrefois lointaine affecte maintenant les libertés et la paix européennes au-dedans, et au-delà les autres continents — par là déstabilisés. Et forcément, maintenant, ce ne sont plus les français qui le disent à la tribune de l’Organisation des Nations Unies, tout au contraire. (L. D.)


Provoquer des guerres : est-ce en cela que la politique étrangère américaine consiste ?


Les dirigeants de la politique étrangère de l’Amérique sont-ils fous ? C’est une question sérieuse. Considérons les 300 formateurs militaires de la 173e brigade aéroportée dépêchés en Ukraine occidentale, pays impliqué dans un match de joutes contentieuses avec la Russie de Vladimir Poutine. Ou considérons cette semaine le déploiement des porte-avions de combat au large des côtes du Yémen, officiellement pour interdire les expéditions d’armes en provenance de l’Iran, expéditions qui de fait n’existent pas encore.

Ces mouvements ont des répercussions possibles plus graves que les démonstrations habituelles stupides faites par notre gouvernement. Ils peuvent conduire à la vraie guerre avec la Russie et l’Iran. Regardez le titre d’aujourd’hui dans le New York Times : « Poutine accroît ses forces à proximité de l’Ukraine. » Poutine peut être provoqué à envahir l’Ukraine quand l’ingérence américaine est si flagrante (il sait aussi que l’OTAN est principalement un tigre édenté quand il s’agit de la guerre en Ukraine). Alors que la Maison des Saoud s’engage directement les Iraniens peuvent revenir sur l’accord du nucléaire et fournir un important soutien militaire aux Houthis. Dans les deux situations, il est facile de prédire ce qu’Obama fera. Tout ce que John McCain et les néo-conservateurs veulent qu’il fasse. Larguer des bombes.

C’est un cas clair de portée mondiale — de la bêtise du pouvoir mondial et de l’administration globale. Vous penseriez que les bourdes de la corruption massive endémique dans les guerres interminables en Irak et en Afghanistan nous aient enseigné quelque chose, pourtant les États-Unis persistent à s’impliquer dans les conflits régionaux sensibles qui pourraient facilement dérouler une spirale hors de contrôle.

Et quand les États-Unis choisissent de s’impliquer, ce n’est pas avec la diplomatie. Il s’agit de la puissance militaire. Cependant, autant que l’Amérique prétende aimer son armée, son pouvoir est un instrument contondant (et mortel). Il exacerbe les tensions plutôt qu’il ne les atténue. L’ingérence militaire américaine en Ukraine et au Yémen promet davantage de conflits, pas moins.

Peut-être que tel est le projet. Considérons la réalité du budget militaire de l’Amérique constamment en plein essor. Comme le fait remarquer Dan Froomkin, ce budget dépasse encore les budgets de défense combinés des sept pays les plus dépensiers après lui (quatre de ces pays — l’Arabie saoudite, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne — sont des alliés des USA, la Chine et la Russie étant les seuls rivaux sur la liste dépensent beaucoup moins que les États-Unis). Comme les États-Unis continuent à dépenser les yeux de la tête pour leur merveilleuse petite armée, elle demeure l’option à tout va pour la « diplomatie » dans le monde entier.

Qu’il s’agisse de l’administration démocrate ou républicaine, d’Obama ou de Bush, la seule constante est la guerre mondiale. Les États-Unis sont déjà en train de mener une guerre illégale « de faible intensité » avec des drones et des opérations spéciales à travers le monde. (Il est intéressant de remarquer que « faible intensité » ne se ressent pas faiblement lorsque des missiles Hellfire pleuvent sur votre quartier ou lorsque les Forces spéciales font un raid dans votre village et vous chassent au loin ainsi que vos voisins). Alors pourquoi dans la coupe déjà pleine de la guerre ne pas en rajouter une dose en se mêlant de l’Ukraine ? Malheureusement, la partie que les États-Unis semblent favoriser le plus a sa quote-part de francs fascistes. Mais ils sont « nos » fascistes, alors qui se soucie qu’ils votent pour honorer les collaborateurs ou les auteurs de l’Holocauste nazis ?

De façon prévisible, la Russie, est contrariée par l’ingérence américaine. Elle perçoit cela comme la poursuite de la tentative américaine d’encercler la Russie et de lui couper ses accès à la Méditerranée en la privant des bases de sa Flotte sur la mer Noire en Crimée. De mal en pis, la population essentiellement russe de l’Ukraine orientale sera marginalisée par le régime putschiste que les États-Unis aident à installer. Eh bien, il n’y a rien comme une nouvelle guerre froide avec la Russie pour pousser les dépenses de « défense » à des niveaux encore plus élevés.

Si les États-Unis ne parviennent pas à réveiller de son sommeil l’ours soviétique alors tentons peut-être de provoquer une guerre avec l’Iran ? Donc nous allons continuer à envoyer des milliards de dollars d’armes aux Saoudiens afin qu’ils puissent poursuivre de bombarder et dominer les factions chiites au Yémen. Pour le plaisir, envoyons une force d’intervention aéronavale afin de montrer comme nous sommes sérieux à propos de « la paix ». (Espérons que l’US Navy ne gaffe pas en abattant un avion commercial iranien comme elle le fit en 1988, tuant les membres d’équipage et 290 passagers innocents).

La provocation, c’est quand les dirigeants américains déploient l’armée pour se mêler de l’Ukraine, du Yémen, et d’autres endroits à travers le globe. Cependant, des hommes comme Bush et Obama continuent de vendre l’armée non pas en provocateurs mais en portefaix de la paix. Ils en arrivent à apporter des fusils d’assaut et l’usage des missiles Hellfire au lieu des porte-documents et des stylos.

Le plus triste est que les choses ne vont qu’empirer. Nous avons vu comment le Président lauréat du Nobel de la paix de l’Amérique s’est transformé en son assassin en chef, approuvant les « frappes » pour étouffer partout les malfaisants. Maintenant, regardez qui arrive pour le remplacer en 2016 : Hillary l’attaquante Hun [2] du côté démocratique, et tous les petits faucons républicains va-t-en-guerre réclamant [3] à la droite d’Hillary.

Si vous avez de l’argent et lisez ceci, nous vous conseillons d’investir dans des fonds de « défense ». Avec toutes ces provocations à l’ouvrage, le personnel de contraryperspective.com est optimiste en matière de la prospective du plus d’armes — et du plus de guerre.

© W.J. Astore et b. traven


Source The Contrary Perspective, « Provoking Wars : Is that what U.S. Foreign Policy Is About ? » (23 avril 2015). Remerciement à Tom Dispatch qui a signalé cet article. Traduction par Louise Desrenards.

P.-S.

Le logo est une photo de Genya Savilov — avec l’AFP, — citation de l’article de l’AFP publié dans le magazine canadien Canoe, « Les Ukrainiens débutent leur entraînement américain » (20 avril 2015).

Sur les craintes du gouvernement russe, on peut lire l’article de France 24 : « Moscou proteste après l’arrivée de parachutistes américains en Ukraine » (17 avril 2015).

Notes

[1La dépêche de l’AFP a été diffusée dans toute la Presse de l’hexagone, par exemple dans Ouest France : Ukraine. Les soldats seront entraînés par des parachutistes américains.

[2En argot américain, Hun (du peuple des Huns) désigne à la fois les soldats allemands et leur goût de la guerre allié à leur barbarie durant les deux dernières guerres mondiales.

[3« Réclamer » — il s’agit ici du mot qui qualifie le cri de faucon. En effet, va-t-en-guerre se disant en américain chickenhawk (faucon poulet) le terme afférent utilisé dans le texte américain est celui de clucking (caqueter), qui ne semblait pas convenir aussi bien en français..

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