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La Fée, le livre et l’épée 

lundi 1er septembre 2008, par Montclair

Il fait silencieux, froid et blanc, et pourtant il y a des traces de souvenirs.

Celle qui, adossée aux affiches de couleur, regardait au hasard les passants : ces hommes qui marchent oubliés en eux-mêmes, un peu lâches, souvent pressés, mal conscients de ce qui leur advient.

Les rues sales de cette grande ville où l’histoire admirable côtoie la misère, où l’inégalité côtoie la compassion, où se croisent tant de peuples et tant de rêves distincts qui ne se rencontrent jamais.

Le temps où les petites communautés urbaines apparaissaient au visiteur comme un havre, une île éclairée par la lumière des convenances populaires, de l’amitié simple et des inimitiés sans détours, qu’en reste-t-il vraiment, et surtout qu’en advient t’il, demain ?

« Demain », sans doute l’un des mots les plus durs à prononcer de nos jours, non par fantaisie, mais car il semble si clair que rien toujours ne nous tient plus à cœur : le sens perdu de ce mot qui autrefois faisait la matière du rêve, et qui aujourd’hui traîne sur les pavés pareil à une feuille de réclame jetée au hasard.

Que pensent réellement les anges, les fées et les dieux de ces temps qui nous affligent, et dont la lisière est si lointaine qu’elle nous semble inconcevable ?

Et même, y a-t-il encore un seul d’entre eux dont la grâce serait suffisante pour accepter de son regard l’étendue de notre époque ?

Urbanisme, industrie, capital, tout cela fait bien mauvais ménage avec le besoin secret des hommes : tant d’oublis successifs qui tombent dans la fosse des enjeux.

Mais, peut-être, les dieux sont encore là : ils sont où ce qui nous retient le plus en nos habitudes regarde ses limites et les adosse à l’infini.

C’est pourquoi tant qu’il y aurait lunes, mers, jetées de sable, musiques et jongleries, les dieux resteraient vivants dans le cœur des hommes : bien que souvent ils n’en sachent rien, le règne des anges tourne autour de l’être.

Se pose ainsi la question du regard, savoir placer son ancre en un lieu infiniment plus petit que la démesure, et plus éternel que n’importe quelle puissance.

Bien au-delà du monde des possibles se tient l’ange : il soutien de son regard l’étendue du monde où l’individu intrigué conçoit son séjour.

Il est dit sur la Table d’émeraude : la gloire fait suite à la rencontre entre choses d’en haut et choses d’ici-bas. Ainsi le tambour, la mélodie, la grande étoile des mages et la grâce féminine font piédestal, socle noir et puissant où le regard vacille et les jambes s’élèvent vers la vraie lumière.

Car toujours en bas l’homme regarde, quand bien même ses yeux seraient fixés au ciel, il ne sait jamais d’où provient le plus beau.

Et quand l’Apparition succède à la beauté, les mots se taisent et la vie change son détour.

Le moulin à l’eau fraiche tourne dans la grandeur du monde.

Humilité jointe aux deux mains, rassemblées autour de la plaque argentée où figurent les mots insaisissables, et généreusement concèdent la destinée.

La peur est ainsi réserve inverse du vrai bonheur. Car celui que la terreur de la présence assaille est désigné pour recevoir la vision des anges.

Pour lui, il n’y a pas d’échappatoire.

(Ternaire qui se démultiplie pour créer les étoiles : volonté splendide qui ne connait pas son objet).

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