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La désobéissance civile (1) 

samedi 9 octobre 2021, par Henri David Thoreau (1817-1862) (Date de rédaction antérieure : 26 juillet 2009).

Après deux ans passés dans les bois et craignant de ne plus progresser, Thoreau, l’auteur de Walden, décide de quitter sa cabane. À son retour, après avoir séjourné durant quelque temps chez Emerson, il retourne vivre dans la maison familiale. C’est seulement en 1849, dans La désobéissance civile, qu’il met par écrit ses positions politiques et idéologiques. Il y fait valoir la résistance passive en tant que moyen de protestation. Toutefois, son engagement politique se situe d’abord sur le plan individuel. Voici la première partie de ce texte admirable, aux résonances très actuelles.

De grand coeur, j’accepte la devise : "Le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne le moins" et j’aimerais la voir suivie de manière plus rapide et plus systématique. Poussée à fond, elle se ramène à ceci auquel je crois également : "que le gouvernement le meilleur est celui qui ne gouverne pas du tout" et lorsque les hommes y seront préparés, ce sera le genre de gouvernement qu’ils auront. Tout gouvernement n’est au mieux qu’une "utilité" mais la plupart des gouvernements, d’habitude, et tous les gouvernements, parfois, ne se montrent guère utiles. Les nombreuses objections - et elles sont de taille - qu’on avance contre une armée permanente méritent de prévaloir ; on peut aussi finalement les alléguer contre un gouvernement permanent. L’armée permanente n’est que l’arme d’un gouvernement permanent. Le gouvernement lui-même - simple intermédiaire choisi par les gens pour exécuter leur volonté -, est également susceptible d’être abusé et perverti avant que les gens puissent agir par lui. Témoin en ce moment la guerre du Mexique, œuvre d’un groupe relativement restreint d’individus qui se servent du gouvernement permanent comme d’un outil ; car au départ, jamais les gens n’auraient consenti à cette entreprise.

Le gouvernement américain - qu’est-ce donc sinon une tradition, toute récente, qui tente de se transmettre intacte à la postérité, mais perd à chaque instant de son intégrité ? Il n’a ni vitalité ni l’énergie d’un seul homme en vie, car un seul homme peut le plier à sa volonté. C’est une sorte de canon en bois que se donnent les gens. Mais il n’en est pas moins nécessaire, car il faut au peuple des machineries bien compliquées - n’importe lesquelles pourvu qu’elles pétaradent - afin de répondre à l’idée qu’il se fait du gouvernement. Les gouvernements nous montrent avec quel succès on peut imposer aux hommes, et mieux, comme ceux-ci peuvent s’en imposer à eux-mêmes, pour leur propre avantage. Cela est parfait, nous devons tous en convenir. Pourtant, ce gouvernement n’a jamais de lui-même encouragé aucune entreprise, si ce n’est par sa promptitude à s’esquiver. Ce n’est pas lui qui garde au pays sa liberté, ni lui qui met l’Ouest en valeur, ni lui qui instruit. C’est le caractère inhérent au peuple américain qui accomplit tout cela et il en aurait fait un peu plus si le gouvernement ne lui avait souvent mis des bâtons dans les roues. Car le gouvernement est une "utilité" grâce à laquelle les hommes voudraient bien arriver à vivre chacun à sa guise, et, comme on l’a dit, plus il est utile, plus il laisse chacun des gouvernés vivre à sa guise. Le commerce et les affaires s’ils n’avaient pas de ressort propre, n’arriveraient jamais à rebondir par-dessus les embûches que les législateurs leur suscitent perpétuellement et, s’il fallait juger ces derniers en bloc sur les conséquences de leurs actes, et non sur leurs intentions, ils mériteraient d’être classés et punis au rang des malfaiteurs qui sèment des obstacles sur les voies ferrées.

Mais pour parler en homme pratique et en citoyen, au contraire de ceux qui se disent anarchistes, je ne demande pas d’emblée "point de gouvernement", mais d’emblée un meilleur gouvernement. Que chacun fasse connaître le genre de gouvernement qui commande son respect et ce sera le premier pas pour l’obtenir.

Après tout, la raison pratique pour laquelle, le pouvoir une fois aux mains du peuple, on permet à une majorité de régner continûment sur une longue période ne tient pas tant aux chances qu’elle a d’être dans le vrai, ni à l’apparence de justice offerte à la minorité, qu’à la prééminence de sa force physique. Or un gouvernement, où la majorité règne dans tous les cas, ne peut être fondé sur la justice, même telle que les hommes l’entendent. Ne peut-il exister de gouvernement où ce ne seraient pas les majorités qui trancheraient du bien ou du mal, mais la conscience ? où les majorités ne trancheraient que des questions justiciables de la règle d’opportunité ? Le citoyen doit-il jamais un instant abdiquer sa conscience au législateur ? A quoi bon la conscience individuelle alors ?

Je crois que nous devrions être hommes d’abord et sujets ensuite. Il n’est pas souhaitable de cultiver le même respect pour la loi et pour le bien. La seule obligation qui m’incombe est de faire bien. On a dit assez justement qu’un groupement d’hommes n’a pas de conscience, mais un groupement d’hommes consciencieux devient un groupement doué de conscience. La loi n’a jamais rendu les hommes un brin plus justes, et par l’effet du respect qu’ils lui témoignent les gens les mieux intentionnés se font chaque jour les commis de l’injustice. Le résultat courant et naturel d’un respect induit pour la loi, c’est qu’on peut voir une file de militaires, colonel, capitaine, caporal et simples soldats, enfants de troupe et toute la clique, marchant au combat par monts et par vaux dans un ordre admirable contre leur gré, que dis-je ? contre leur bon sens et contre leur conscience, ce qui rend cette marche fort âpre en vérité et éprouvante pour le cœur. Ils n’en doutent pas le moins du monde : c’est une vilaine affaire que celle où ils sont engagés. Ils ont tous des dispositions pacifiques. Or, que sont-ils ? Des hommes vraiment ?, ou bien des petits fortins, des magasins ambulants au service d’un personnage sans scrupule qui détient le pouvoir ? Visitez l’arsenal de la flotte et arrêtez-vous devant un fusilier marin, un de ces hommes comme peut en fabriquer le gouvernement américain ou ce qu’il peut faire d’un homme avec sa magie noire ; ombre réminiscente de l’humanité, un homme debout vivant dans son suaire et déjà, si l’on peut dire, enseveli sous les armes, avec les accessoires funéraires, bien que peut être...

Ni tambour, ni musique alors n’accompagnèrent

Sa dépouille, au rempart emmenée au galop ;

nulles salves d’adieu, de même, n’honorèrent

La tombe où nous avions couché notre héros

La masse des hommes sert ainsi l’État, non point en humains, mais en machines avec leur corps. C’est eux l’armée permanente, et la milice, les geôliers, les gendarmes, la force publique, etc... La plupart du temps sans exercer du tout leur libre jugement ou leur sens moral ; au contraire, il se ravalent au niveau du bois, de la terre et des pierres et on doit pouvoir fabriquer de ces automates qui rendront le même service. Ceux-là ne commandent pas plus le respect qu’un bonhomme de paille ou une motte de terre. Ils ont la même valeur marchande que des chevaux et des chiens. Et pourtant on les tient généralement pour de bons citoyens. D’autres, comme la plupart des législateurs, des politiciens, des juristes, des ministres et des fonctionnaires, servent surtout l’État avec leur intellect et, comme ils font rarement de distinctions morales, il arrive que sans le vouloir, ils servent le Démon aussi bien que Dieu. Une élite, les héros, les patriotes, les martyrs, les réformateurs au sens noble du terme, et des hommes, mettent aussi leur conscience au service de l’État et en viennent forcément, pour la plupart à lui résister. Ils sont couramment traités par lui en ennemis. Un sage ne servira qu’en sa qualité d’homme et ne se laissera pas réduire à être "la glaise" qui "bouche le trou par où soufflait le vent" ; il laisse ce rôle à ses cendres pour le moins.

Je suis de trop haut lieu pour me laisser approprier

Pour être un subalterne sous contrôle

Le valet et l’instrument commode

D’aucun État souverain de par le monde

Celui qui se voue corps et âme à ses semblables passe à leurs yeux pour un bon à rien, un égoïste, mais celui qui ne leur voue qu’une parcelle de lui-même est salué des titres de bienfaiteur et philanthrope.

Quelle attitude doit adopter aujourd’hui un homme face au gouvernement américain ? Je répondrai qu’il ne peut sans déchoir s’y associer. Pas un instant, je ne saurais reconnaître pour mon gouvernement cette organisation politique qui est aussi le gouvernement de l’esclave.

Tous les hommes reconnaissent le droit à la révolution, c’est-à-dire le droit de refuser fidélité et allégeance au gouvernement et le droit de lui résister quand sa tyrannie ou son incapacité sont notoires et intolérables. Il n’en est guère pour dire que c’est le cas maintenant. Mais ce l’était, pense-t-on, à la Révolution de 1775. Si l’on venait me dire que le gouvernement d’alors était mauvais, parce qu’il taxait certaines denrées étrangères entrant dans ses ports, il y aurait gros à parier que je m’en soucierais comme d’une guigne, car je peux me passer de ces produits-là. Toutes les machines ont leur friction et peut-être celle-là fait-elle assez de bien pour contrebalancer le mal. En tout cas, c’est une belle erreur de faire tant d’embarras pour si peu. Mais quand la friction en arrive à avoir sa machine et que l’oppression et le vol sont organisés, alors je dis "débarrassons-nous de cette machine". En d’autres termes, lorsqu’un sixième de la population d’une nation qui se prétend le havre de la liberté est composé d’esclaves, et que tout un pays est injustement envahi et conquis par une armée étrangère et soumis à la loi martiale, je pense qu’il n’est pas trop tôt pour les honnêtes gens de se soulever et de passer à la révolte. Ce devoir est d’autant plus impérieux que ce n’est pas notre pays qui est envahi, mais que c’est nous l’envahisseur.

Paley qui fait généralement autorité en matière de morale, dans son chapitre intitulé "Sur le devoir de la soumission au Gouvernement civil", ramène toute obligation civique à une formule d’opportunisme et il poursuit "Aussi longtemps que l’intérêt de toute la société l’exige, c’est-à-dire tant qu’on ne peut résister au gouvernement établi ou le changer sans troubler l’ordre public, la volonté de Dieu est d’obéir au gouvernement établi et de ne plus..."

Ce principe, une fois admis, la justice de chaque cas particulier de résistance se réduit à une évaluation de l’importance du danger et du grief d’une part, et de la probabilité et du prix de la réforme d’autre part. "Sur ce point, dit-il, chacun est juge." Mais Paley semble n’avoir jamais envisagé de cas auxquels la règle d’opportunisme n’est pas applicable, où un peuple aussi bien qu’un individu doit faire justice, à tout prix. Si j’ai injustement arraché une planche à l’homme qui se noie, je dois la lui rendre au risque de me noyer. Ceci, selon Paley, serait inopportun. Mais celui qui, dans un tel cas, voudrait sauver sa vie, la perdrait. Ce peuple doit cesser de maintenir l’esclavage et de porter la guerre au Mexique, même au prix de son existence nationale.

Dans la pratique, les nations sont d’accord avec Paley, mais y a-t-il quelqu’un pour penser que le Massachusetts agisse en toute justice dans la conjoncture actuelle ?

Dans ses brocards de pute, un État qui tapine

La traîne portée haut, et l’âme à la sentine

En langage clair, ce n’est pas la kyrielle de politiciens du Sud qui s’oppose à une réforme au Massachusetts, mais la kyrielle de marchands et de fermiers qui s’intéressent davantage au commerce et à l’agriculture qu’à l’humanité et qui ne sont nullement prêts à rendre justice à l’esclave et au Mexique, à tout prix.

Je ne cherche pas querelle à des ennemis lointains mais à ceux qui, tout près de moi, collaborent avec ces ennemis lointains et leur sont soumis : privés d’aide ces gens-là seraient inoffensifs. Nous sommes accoutumés de dire que la masse des hommes n’est pas prête ; mais le progrès est lent, parce que l’élite n’est, matériellement, ni plus avisée ni meilleure que la masse. Le plus important n’est pas que vous soyez au nombre des bonnes gens mais qu’il existe quelque part une bonté absolue, car cela fera lever toute la pâte. Il y a des milliers de gens qui par principe s’opposent à l’esclavage et à la guerre mais qui en pratique ne font rien pour y mettre un terme ; qui se proclamant héritiers de Washington ou de Franklin, restent plantés les mains dans les poches à dire qu’ils ne savent que faire et ne font rien ; qui même subordonnent la question de la liberté à celle du libre échange et lisent, après dîner, les nouvelles de la guerre du Mexique avec la même placidité que les cours de la Bourse et peut-être, s’endorment sur les deux. Quel est le cours d’un honnête homme et d’un patriote aujourd’hui ? On tergiverse, on déplore et quelquefois on pétitionne, mais on n’entreprend rien de sérieux ni d’effectif. On attend, avec bienveillance, que d’autres remédient au mal, afin de n’avoir plus à le déplorer. Tout au plus, offre-t-on un vote bon marché, un maigre encouragement, un "Dieu vous assiste" à la justice quand elle passe. Il y a 999 défenseurs de la vertu pour un seul homme vertueux. Mais il est plus facile de traiter avec le légitime possesseur d’une chose qu’avec son gardien provisoire.

Tout vote est une sorte de jeu, comme les échecs ou le trictrac, avec en plus une légère nuance morale où le bien et le mal sont l’enjeu ; les problèmes moraux et les paris, naturellement l’accompagnent. Le caractère des votants est hors jeu. je donne mon vote, c’est possible, à ce que j’estime juste ; mais il ne m’est pas d’une importance vitale que ce juste l’emporte. Je veux bien l’abandonner à la majorité. Son urgence s’impose toujours en raison de son opportunité. Même voter pour ce qui est juste, ce n’est rien faire pour la justice. Cela revient à exprimer mollement votre désir qu’elle l’emporte. Un sage n’abandonne pas la justice aux caprices du hasard ; il ne souhaite pas non plus qu’elle l’emporte par le pouvoir d’une majorité. Il y a bien peu de vertu dans l’action des masses humaines. Lorsqu’à la longue la majorité votera pour l’abolition de l’esclavage, ce sera soit par indifférence à l’égard de l’esclavage, soit pour la raison qu’il ne restera plus d’esclavage à abolir par le vote. Ce seront eux, alors, les véritables esclaves. Seul peut hâter l’abolition de l’esclavage, celui qui, par son vote, affirme sa propre liberté.

J’entends parler d’une "Convention" prévue à Baltimore ou ailleurs pour choisir un candidat à la Présidence ; cette "Convention" serait principalement constituée de rédacteurs en chef de journaux et de politiciens de carrière ; mais moi, je me dis : qu’importe à un homme indépendant, intelligent et respectable la décision où ils peuvent aboutir ? N’aurons-nous pas quand même le bénéfice de la sagesse et de l’honnêteté de cet homme-là ? Ne pouvons-nous tabler sur des votes indépendants ? Le pays ne compte-t-il pas nombre d’individus qui n’assistent pas aux conventions ? Mais non, je m’aperçois que des hommes honorables, ou soi-disant tels, ont immédiatement dévié de leur position et désespèrent de leur pays, alors que leur pays aurait bien plutôt sujet de désespérer d’eux. Ils adoptent sans tarder un des candidats ainsi choisis comme le seul disponible, prouvant ainsi leur propre disponibilité aux desseins du démagogue. Leur voix n’a pas plus de valeur que celle d’un quelconque étranger sans principes ou d’un Américain qui s’est vendu. Oh ! que ne puis-je trouver un homme, un vrai, comme dit l’autre pas une chiffe qu’on retourne comme un gant ! Nos statistiques sont en défaut : le chiffre de la population a été surfait. Combien d’hommes y a-t-il dans ce pays pour 1 000 m2 ? A peine un. L’Amérique n’offre-t-elle pas aux hommes la moindre tentation de venir s’y fixer ? L’Américain s’est réduit à n’être qu’un "Membre Affilié" - type reconnaissable à l’hypertrophie de son sens grégaire et à un manque manifeste d’intellect et d’allègre confiance en soi - dont le premier et le principal souci en venant au monde est de veiller à l’entretien des Hospices et - avant même d’avoir endossé comme il se doit la Toge virile - de s’en aller ouvrir une souscription pour le soutien des veuves et des orphelins éventuels ; qui, en un mot, ne s’aventure à vivre que soutenu par sa Compagnie d’Assurances Mutuelles, en échange de la promesse d’un bel enterrement.

Ce n’est une obligation pour personne, bien sûr, de se vouer à l’extirpation de tel ou tel mal, aussi criant et injuste soit-il ; on peut très bien se consacrer à d’autres poursuites ; mais qu’au moins on ne s’en lave pas les mains : ne pas accorder à ce mal d’attention soutenue ne veut pas dire qu’il faille lui accorder un appui de fait. Si je me livre à d’autres activités, à d’autres projets, il me faudrait au moins veiller d’abord à ne pas les poursuivre juché sur les épaules d’autrui. Je dois d’abord en descendre pour permettre à mon prochain de poursuivre, lui aussi, ses projets.

Voyez quelle grossière ambiguïté on tolère ! J’ai entendu dire à certains de mes compatriotes : "Il ferait beau voir qu’on me mette en demeure d’aider à mâter une révolte des esclaves ou de me mobiliser pour le Mexique. Vous verriez si j’irais !" ; et pourtant, ces mêmes hommes ont chacun directement par leur obéissance, et de la sorte indirectement par leur argent, avancé un remplaçant. Il est applaudi le soldat qui refuse de servir dans une guerre injuste, par ceux-là mêmes qui ne refusent pas de servir le gouvernement injuste qui fait la guerre ; il est applaudi par ceux-là mêmes dont il dédaigne et réduit à néant l’autorité ; comme si l’État devenu pénitent allait jusqu’à engager quelqu’un pour se faire fouetter au moment du péché, sans s’arrêter un instant de pécher pour autant. Ainsi, sous le nom d’Ordre et de Gouvernement Civique, nous sommes tous amenés à rendre hommage et allégeance à notre propre médiocrité. On rougit d’abord de son crime et puis on s’y habitue ; et le voilà qui d’immoral devient amoral et non sans usage dans la vie que nous nous sommes fabriquée.

L’erreur la plus vaste et la plus répandue exige pour la soutenir la vertu la plus désintéressée. Le léger reproche auquel se prête d’habitude la vertu de patriotisme, ce sont les âmes nobles qui sont les plus susceptibles de l’encourir. Les gens qui, tout en désapprouvant le caractère et les mesures d’un gouvernement, lui concèdent leur obéissance et leur appui sont sans conteste ses partisans les plus zélés et par là, fréquemment, l’obstacle le plus sérieux aux réformes. D’aucuns requièrent l’État de dissoudre l’Union, de passer outre aux injonctions du Président. Pourquoi ne pas la dissoudre eux-mêmes - l’union entre eux et l’État - en refusant de verser leur quote-part au Trésor ? N’ont-ils pas vis-à-vis de l’État la même relation que l’État vis-à-vis de l’Union ? Et les mêmes raisons qui les ont empêchés de résister à l’Union, ne les ont-elles pas empêchés de résister à l’État ?

Comment peut-on se contenter d’avoir tout bonnement une opinion et se complaire à ça ? Quel plaisir peut-on trouver à entretenir l’opinion qu’on est opprimé ? Si votre voisin vous refait, ne serait-ce que d’un dollar, vous ne vous bornez pas à constater, à proclamer qu’il vous a roulé, ni même à faire une pétition pour qu’il vous restitue votre dû ; vous prenez sur-le champ des mesures énergiques pour rentrer dans votre argent et vous assurer contre toute nouvelle fraude. L’action fondée sur un principe, la perception et l’accomplissement de ce qui est juste, voilà qui change la face des choses et des relations ; elle est révolutionnaire par essence, elle n’a aucun précédent véritable. Elle ne sème pas seulement la division dans les États et les Églises, mais aussi dans les familles ; bien plus, elle divise l’individu, séparant en lui le diabolique du divin.

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