Une journée d’études organisée par le Centre Cavaillès (ENS) pour situer l’apport de Lamarck dans l’histoire et engager une discussion sur la pertinence de l’utilisation contemporaine du lamarckisme.
Lundi 29 juin 2009, 8h30-17h30, salle Dussane
Entrée libre dans la mesure des places disponibles
Présentation
par Jean-Jacques Kupiec, Michel Morange et Stéphane Tirard
L’élaboration de la théorie de l’évolution a connu une étape décisive en 1859 lors de la publication de l’Origine des espèces de Darwin et elle s’est poursuivie au 20e siècle avec la synthèse évolutive. Dans cette histoire, Lamarck tient une place importante qu’il n’y a aucune raison d’oublier.
Le reconnaître et le célébrer n’implique pas une adhésion au lamarckisme et un rejet du darwinisme, mais tout simplement la reconnaissance d’un fait historique. Dans la mesure où son oeuvre, comme celle de Darwin d’ailleurs, a souvent été caricaturée et parce qu’aujourd’hui des thèses lamarckiennes sont parfois mobilisées pour interpréter ce qu’il est convenu d’appeler l’épigénétique, il nous semble opportun d’organiser une journée d’étude qui aura pour objet de situer l’apport de Lamarck dans l’histoire et d’engager une discussion sur la pertinence de l’utilisation contemporaine du lamarckisme. Ce colloque international nous semble d’autant plus bienvenu que cette année 2009 est le bicentenaire de la publication de la Philosophie Zoologique.
Programme
8h30 Accueil des participants
9h Introduction par Stéphane Tirard (Centre François Viète – Epistémologie, histoire des sciences et des techniques - Université de Nantes)
Lamarck et son temps
9h10 Stéphane Tirard : Le terme de l’animalité, modèle de la théorie de Lamarck
9h55 Pietro Corsi (Université d’Oxford) : Lamarck et ses contemporains : un problème de perspective
10h55 Gabriel Gohau (président du Comité français d’histoire de la géologie) : Évolution de la pensée de Lamarck sur le rapport corps vivants corps bruts, entre 1797 et 1820
Lamarck et ses successeurs
11h40 Laurent Loison (Centre François Viète, Université de Nantes) : Que signifie « néo » lorsqu’on parle du néolamarckisme français ?
14h15 Jonathan Bard (Université d’Edinburgh) : Lamarck, Waddington and the Theory of Adaptation
Lamarck aujourd’hui
15h Denis Noble (Université d’Oxford) : La causalité descendante en biologie : rétroactions et restrictions
16h Francesca Merlin (IHPST, Université Panthéon Sorbonne, Paris 1) : Les idées de Lamarck sont-elles de retour ? Le cas des mécanismes mutateurs
16h45 Andras Paldi (Genethon) « L’épigénétique est-elle Lamarckienne ?
Résumés des communications
Le terme de l’animalité, modèle de la théorie de Lamarck par Stéphane Tirard (Centre François Viète – Épistémologie, Histoire des sciences et des techniques - Université de Nantes) :
En 1802, dans ses Recherches sur l’organisation des corps vivants, Lamarck pose les bases de sa théorie. Pour ce faire, il s’appuie sur une description de la formation des animalcules, c’est à dire des premières ébauches de l’animalité.
Cette description des générations spontanées, première étape de l’animalisation de la matière, mobilise des conceptions qui compteront parmi les plus fondamentales de la théorie de Lamarck : habitude, rôle des fluides, influence du milieu. Ainsi, en s’intéressant à la formation et à la transformation des êtres les plus simples, Lamarck formule des explications dont il est possible de dire qu’elles constituent un modèle pour l’ensemble de sa théorie.
Lamarck et ses contemporains : un problème de perspective par Pietro Corsi (Université d’Oxford) :
Le rendez-vous avec Darwin a l’occasion du 150ème anniversaire de la publication de l’Origine des espèces, et du 200ème anniversaire de sa naissance, pose à nouveau la question des rapports entre sa pensée et les débats sur la vie, son histoire et ses lois qui avaient caractérisé la première moitié du dix-neuvième siècle. La référence aux théories de Lamarck est presque de rigueur. Et pourtant, de quelles théories s’agit-il ? Comment Lamarck était-il lu, et par qui ? L’étude des débats sur Lamarck pendant les années 1800s, 1810s et 1820s suscite des réflexions sur l’état des études sur l’histoire des " théories de l’évolution " au dix-neuvième siècle.
Évolution de la pensée de Lamarck sur le rapport corps vivants-corps bruts, entre 1797 et 1820 par Gabriel Gohau, Président du Comité français d’histoire de la géologie :
Avant de devenir transformiste (vers 1800 ) Lamarck considère que c’est la dégradation de la matière vivante, issue du "mouvement organique", qui produit la matière brute. La nécessité d’introduire la génération spontanée dans sa conception transformiste l’oblige au retournement de cette vue. L’étude de ses réponses à la question entre 1797, année de la parution des Mémoires de physique et d’histoire naturelle, et 1820, quand il publie le Système analytique des connaissances positives de l’homme, mises en relation avec les idées de la chimie, voire de la cristallographie contemporaines, n’est pas sans intérêt pour la compréhension de la pensée lamarckienne.
Que signifie "néo" lorsqu’on parle du néolamarckisme français ? par Laurent Loison (Centre François Viète, Université de Nantes) :
Bien qu’étant la patrie de Lamarck, la France fut l’un des derniers pays occidentaux à accepter que l’état actuel du monde vivant soit le fruit d’une évolution progressive poursuivie pendant plusieurs centaines de millions d’années. Et lorsque le transformisme s’imposa finalement, au début des années 1880, il le fit sous l’allure d’un ensemble de thèses nettement non-néodarwiniennes. C’est ainsi qu’il est d’usage de qualifier ce courant théorique de néolamarckisme.
Notre communication a pour objet de questionner la pertinence d’une telle dénomination. Pour ce faire, nous présenterons d’abord l’idée que les néolamarckiens eux-mêmes se faisaient de leur projet de réactualisation des thèses propres de Lamarck. Ceci nous permettra ensuite, grâce au recul de l’histoire, de juger la validité de leur entreprise. Enfin, comme nous estimons que ce néolamarckisme ne fut pas un nouveau lamarckisme, il nous faudra comprendre de quelle tradition théorique ce transformisme fut la continuation..
Lamarck, Waddington and the Theory of Adaptation by Jonathan Bard (Université d’Edinburgh) :
Lamarck emphasised the role of the environment in adaptation through ’l’influence des circonstances’, but Darwin, by using this idea in his theory of Pangenesis, rendered it incompatible with the neo-Darwinist synthesis which integrated variation and selection with genetics. Waddington invented genetic assimilation in the 1950s, a process that capitalises on genetic variability within a population to speed up adaptation, so giving genetic credibility to Lamarck’s original ideas. The talk will discuss Lamarck and his historical context, Waddington’s experimental data and the status of adaptation today.
La causalité descendante en biologie : rétroactions et restrictions par Denis Noble (Université d’Oxford) :
Le dogme central de la biologie moléculaire a été interprété dans les théories neo darwiniennes comme raison pour éliminer le lamarckisme. Le ’programme de la vie’ serait tout entier dans les séquences de l’ADN, isolé des influences venant des autres niveaux des systèmes biologiques. L’existence de multiples formes de causalité descendante, y compris les effets de l’environnement, montre que cette conception de la biologie est incorrecte. Je discuterai quelques exemples de causalité descendante et les conséquences en termes de la théorie de biologie.
Les idées de Lamarck sont-elles de retour ? Le cas des mécanismes mutateurs par Francesca Merlin (IHPST, Université Panthéon Sorbonne, Paris 1) :
Au cours des trente dernières années, la découverte de mécanismes moléculaires, dits "mutateurs", qui augmentent le taux de mutation dans des régions spécifiques du génome en réponse aux changements de l’environnement, a amené un certain nombre de biologistes, d’historiens et de philosophes de la biologie à évoquer les idées de Lamarck (entre autres, voir Jablonka et Lamb, 2005). Nous identifierons d’abord les éléments qui ont motivé ce genre d’affirmations. Ensuite, nous analyserons l’un des mécanismes mutateurs les plus controversés quant à la question du caractère aléatoire ou dirigé des mutations génétiques qu’il produit (Wright et al 1999, Wright 2000). Enfin, nous montrerons que la clarification des visions lamarckienne et darwinienne quant à l’origine de la variation et de l’adaptation révèle que les idées Lamarck ne sont pas véritablement de retour.
L’épigénétique est-elle Lamarckienne ? par Andras Paldi (Genethon) :
L’impossibilité de l’hérédité des caractères acquis est une des thèses fondamentales de la génétique. Néanmoins, depuis quelques années, les recherches épigénétiques révèlent des phénomènes qui semblent contredire cette thèse et remettent la question de l’hérédité, dite « lamarckienne » à l’ordre de jour. A l’aide de ces exemples, nous allons examiner si l’épigénétique contribue réellement au renouveau du cadre conceptuel de la génétique ou s’il s’agit simplement d’une contribution ad hoc au paradigme de la génétique déterministe.