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Les confins 

poèmes

vendredi 19 septembre 2003, par André Jean Nestor

¬ Enserrer du lointain le surgissement et la caresse, apprivoiser le flux en qui l’apaise, érige demeure, vain fil d’Ariane, arc de l’écart, ne te ployant jamais entièrement...

¬ Passe gravie en ce brasier qui n’abîme pas l’offrande, ne rétrécit pas l’envol, ne perfore de l’opaque distance que le jeu qui l’enfreint, ne te tourmente plus en interrogeant qui en soi ne s’assujettit plus aux réponses...

¬ Ton savoir dérobé aux feux et aux levains, tu l’expies lentement, en route vers le pays obscur, livrant enfin combat à la tentation orphique, à ce leurre qui fait qu’on est à soi-même mystère...

¬ Ô premières timidités, le sommeil te séquestrant, onctueusement, élargissant ta tutelle sur les présages et l’ombre dépensière...

¬ Ta parole ne porte pas secours, on n’y vient que pour convoquer l’autre dans l’antre du Même, en son réveil, en son recours, soie oublieuse enfin abritée dans la blessure de son guet ...

¬ Retour sous la semence qui désempare et émancipe , cheminant sur les traces de l’issue, silence espiègle, imposture où tes plaies s’oublient, déchue captive qui ne blesse, n’élit ni n’affermit qu’à ton insu...

¬ Ô passante que rien n’égare, épiant le bond qui t’annonce, qui te détisse et t’accompagne, jamais obstacle, toujours ferment....

¬ Quelle parole pour discerner la chair du masque, la trace de sa pesée ?

¬ Double repli, des lieux comme des vertiges, envol repeint, suturé à l’énigme du réel comme le pendu à sa corde...

¬ Ni don ni engendrement, mais ce qui se dérobe en t’égarant, qui se rassemble en t’effaçant, horizon si indûment dépensé qu’il ne se peut corrompre...

¬ Ô vil éclair qui rassasié toujours déjoue, noyau rendu t’assignant aux voix repenties, à l’équivoque de l’écho, au détour jamais déblayé de tes ruses, de part en part trouant l’étreinte déchue, arts et vertiges, outil que dé et soupçon éperonnent, vigie du silence qui lamine et précède...

¬ Enrichis-toi de l’acte, fais-toi complice de ce tu ignores, dénude tes vues, foule la nuit comme l’effroi d’autrui, purgé du dehors, de ses faces toujours scellées, toujours offertes, du jeu clos sur lui-même, sourd aux suppliques comme aux scintillements...

¬ Comment ôter de l’heure que tu forges celle qui fut, soudain effarouchée, fantôme venant s’écorcher aux volutes, aux pignons, aux escouades pénitentes...

¬ Ainsi déclinèrent les saisons, les unes élancées, d’autres teintées de lumières fauves, avant qu’offrandes et lies ne viennent étouffer leurs retraites...

¬ Ô vérité furtivement saisie : qu’il ne faut résister ni consentir, mais glisser en suspens entre les deux, immobile dans la hâte et la lenteur...

¬ Que ton nid me serre, corps étendu en son midi paresseux, en son désordre, en son naufrage, où la douleur, telle l’ombre qui mord en reculant, accroît infiniment la chute moulue des feux...

¬ Ceux qui vinrent tuer, accourus à la gorge de l’écho, au miroitant abandon qui change les corps en sable, le pas du dragon nocturne en masque, comme pour y atteindre les même conviés...

¬ Ombre défaite dans l’if de ses tournoiements, roulant ses feux intacts, croisée aveugle, repue de qui sera, des cernes fendillées, de leur lenteur sournoise, de ces peaux qui sentent le réveil, la verdeur, l’empoignade...

¬ Clôture, gris arrondi comme les basses cendres du camp des loutres, qui prépare l’adolescent courant sur les terrasses incendiées aux mygales d’hiver, aux récoltes retardées, aux os froids tirant au bal des cimes...

¬ Que le sentier ne se desserre qu’à la nuit pacifiée, tes faces défaisant fouets, cales et nids, trouées serties de noces, de veilleurs aux yeux clos, de forgerons et de préludes, d’intrus présageant l’heure, la race d’assis taillant les douves du terreau, la soif sableuse ébruitant poings, greniers et litanies de l’aveugle enceinte où l’enfant marche sur les éboulis de la braise, récusant la pâture, abolissant les cohortes accroupies...

¬ Nous n’avions, c’est vrai, jamais parlé de cela, leurs scories aujourd’hui nous exhaussent aussi crûment qu’alors les vérités, temps secret, plus limpide et menaçant à la fois, lent à mesurer, se passant de formes et de formules...

¬ Percés du dehors la faim et l’effroi, adoucis les rouages, les présages, les desseins, pour qu’enfin s’y égare le heurt, l’étamine s’abreuvant de nos anciennes amarres, dépouillant l’adoubé, l’herbier des gueux et des sabliers, l’enjambée incontinent navigable, eaux par déni de l’enclos souffletant les écumes et les cendres, tes essaims investis, tes tisons sertis d’échos, de promesses au cou des offensés, d’ombres qu’il te plut d’imaginer soyeuses dans la disgrâce...

¬ Convier autrui en ma demeure, y accueillir l’autre comme Autre, c’est obéir au devoir d’hospitalité qui tout vaut, sauf déminage des issues de ce lieu qui n’est que du Même...

¬ Tout n’est qu’à peine apparence, rien n’est à peine probité, dispersion allégée toujours confondue aux foulées, aux rechutes de leur plénitude...

¬ Lies flétries, semées, fumée des pénitents ébréchant tes rivages, l’errance qui protège et déclot ce qui n’est ni dot ni demeure...

¬ En ton sang l’enragement que tu méprises, les fougues offusquant l’écheveau des Parques, du souci tissant à loisir cette brèche de toi, le survol mutiné qu’aucun pli n’élargit, ne révèle...

¬ De l’inabouti et du gué, des louanges et des fins, que restera-t-il dans tes envasements et tes filières ?

¬ Heure acérée de l’affût, aux traces anéanties, aux volets refermés sur la brume et le fouet, les caresses mortes, le sourire des débuts...

¬ Savoir consume, ignorer épuise, puisque le Même ne sait agir que sur lui-même.

¬ Ceux nés, puis à nouveau engendrés contrairement aux multitudes, se reconnaissant sans mot dire, n’appartenant qu’à leur vertige, aux racines de l’épars...

¬ Viens, fais en ses marges jouer l’assomption, l’abord et le retrait, la déroute du prescrit, blessure ouverte sur le visage d’autrui, te nouant comme à jamais à cette intrigue plus ancienne que celle de l’Être...

¬ Rengainés la rosée des nuits, l’épée rouillée et le gué incertain, comme si les formes qui s’y dessinent et occupent ce lieu dans l’espace pouvaient de surcroît recevoir des concepts « moraux »...Diable, une éthique pour de Vinci, qui n’en eut point...

¬ La grande prairie d’ombre et au-delà et au-delà de l’au-delà encore où là-bas est ici et partout en aucun lieu ou un lieu sans lieu sans haut ni bas ni levant ni ponant et de tes yeux tu vis ce que vers mangeront, et les voiles, sept grains d’emblave, l’affût des sables...

¬ Ô fièvre des dons sur les chemins marchandés, repus et disjoints par tes passages, l’âcre repaire et le bond délavé, vains rejets du lointain que tu fis semblant de parcourir...

¬ Unused power is like a puppet with visible strings, nobody holding them, a compelling attraction. Just you could make it dance.

¬ Plénitude jamais rejointe, quelque trace manquant au Narcisse qui s’y soumet, au vain espoir de l’identique enfin apaisé, à l’attente goulûment parachevée en germe de ses aveux...

¬ Ô venelle indéchiffrable à qui la parcourt, araignée autre ourdissant l’improbable, humiliant le jouvenceau qui chaque jour la frôlait, la frôle encore, toujours la comblera...

¬ Don’t dare use the past, you fool, only to try to clean and rename it.

¬ Tours somnolentes dans leur hochement, masque au bec vert-de-gris, nausées féodales martelant les coyotes importuns, l’agrion poudré froidement traçant ses cercles autour des ires du Prince...

¬ Au-delà du pacte, l’autre royaume respire : statue mutilée, temps autre, étranger à tes présages comme à ta soif, miroirs haletants, sculptant l’éclair traqué sur les touffes et les grains, merveille inachevée, enfin coïncidant avec ce nid lavé de toute scorie, exactement joint à tes désirs...

¬ Mauvaises herbes proliférant, foisonnant en bouquets entiers, amertume dans la salive, la langue et le coeur, absinthe et ciguë maîtresse, sachant tout semer, glaives, bannissements, prédictions...

¬ Plus que la vanité des choses, c’est leur irréalité que tu écoutes. Que t’importe alors ce qu’ils appellent échec, lequel désormais n’est plus un tien stigmate, mais le propre et ultime destin de tout homme...

¬ Ô l’heure désappropriée, ajournée, se dérobant sans gouverner, bourdonnement des guêpes que lumière crue disperse, oubli des mandragores, serment de vignes vierges, en ce temps sans horizons où tout m’est silence...

¬ Éruption sèche, toute de raccourcis et de cassures, mer rétractile où il fallut que nous nous égarions, homicides bienveillants, suicides de travers, serpents noués à ces passages voués aux guets et à l’oubli...

¬ Certains écrivent pour nier, d’autres pour dépasser, toi c’est pour encore et toujours les rejoindre.

¬ Fais débarquer toutes tes flottilles dans une seule baie traîtresse, jamais vouée aux étendues peinturlurées, aux saisies de ses confins, de ses poisons, de leur appréhension subite...

¬ Ô l’oiseau lesté de la boue de nos fautes, soustrait aux insoumis, aux clairvoyants, enfin forgeant des météores les vues, vicariat de l’obscur te déniant, toisant l’obédience...

¬ Affûts, bouchers, ordalies, bruines de la grâce humectant les lèvres de qui ne reconnaît même plus les ombres qui le tentent...

¬ Dessus comme dessous ne sont ni buts ni origines.

¬ Creuser et dire, remuer - tout sauf en y adhérant sans recul, sans démêler ce qui vaut de ce qui jamais ne vaudra.

¬ Ô le jardin où, bien après qu’ils ont disparu, encore retentissent les libres cris des enfants, la lente écume léchant l’éphèbe de bronze rendu près d’un cap au nom proscrit, qui n’annonce rien, ne signifie rien, ne prétend pas exalter une victoire ou pleurer une mort, mais seulement d’être à jamais lui-même, surpris dans sa close sveltesse...

¬ Libre loisir des veilles, nul besoin d’amasser, d’engranger, en ce temps qui ne te condamnait pas au trépas si tu savais vivre, frayant nos chemins, nous forçant en ta différence, là où, de par ta loi, la vaine suture nous dissimulait, furtivement exaucée en tes traits déchirés, en ce vide de cires et soies vieillies, dont nous étions tous deux, selon nos voies, les vrais, puis seuls témoins...

¬ Germiner, se déprendre des voeux, sans que les ferments en soient dévoyés ou ultimes, car tu n’as plus d’emprise sur les codes qui sédimentent, les dispersions qui irriguent...

¬ Il y a davantage de choses entre ciel et terre que celles que connaissent vos philosophes. Quelques-unes ne peuvent pas être partout racontées, comme ce jour de grâce où le temps s’est arrêté - du moins pour moi...

¬ Tu pouvais désormais t’éloigner sans dévoyer ou trahir des rites, te souvenir sans soumission de tout, la fraîcheur sombre, le pli déclos lové dans ce temps enfin à part, une distance creuse, quelques habitués jouant aux cartes, trois enfants avec un chien, une vieille femme près du kiosque à journaux, toutes choses comme hors du temps, de cette lumière qui s’aplatit et égare...

¬ Éperdument fuir toute mise en mots de ce mal-être que le masque nourrit et apaise.

¬ Douce esquive, leçon de creux où vont se défaire les volées, l’éponge de l’identique, la porosité sans images, le désir n’ayant jamais suffi pour que ce monde tourne plus lentement sur ses gonds...

¬ Portrait de l’artiste par lui-même, qui passe son temps à gaspiller les rares cartouches en tirant toujours à blanc...

¬ Lisse labeur où les lambeaux du temps coagulé, macéré, rendu à sa primordiale lenteur enfin s’abîment dans cette lumière d’aucun lieu, d’aucune saison , d’aucune fable, suc et croix, harnais et délivrance...

¬ Cesse de croire ou d’amender, d’écourter les gains de l’oracle, le pli de l’avenir cambré comme un arc, le glas de cette nuit hachée, inaboutie...

¬ « De la littérature comme crime parfait » : il comprit l’allusion, sut que tu connaissais en entier ou partie son secret et se tut, l’air si sérieux que tu en vins à maudire ton habitude de dire les meilleures choses aux pires moments ou le contraire...

¬ Suis-je seule parade à ces clefs sans âge ?

¬ Une fois le seuil atteint, peu importe ce qui se passera ensuite, les remords, les présages, les refus, les promesses, les espérances, bien qu’ils continueront à te cacher, à te faire resurgir sous un nom d’emprunt, archivistes, témoins et héritiers des défaites...

¬ Look inward and be sure not to found who and what you believe you are.

¬ Ô l’arc foulé que cèlent tes lames et fables, bris osant t’entrevoir, remodelant tes cruches, camouflant tes recours, l’or hélé qui déprend et lie...

¬ Fanatics (and so many are on one or another matter) must know where you stand, but, more important, have to recognize who whispers in your ear.

¬ Ce que regard touche à peine , comme refusant la reconnaissance : lumières étendues, rumeurs concaves, croisées que guetta l’adolescent muant le vif des blasphèmes en offrande, puis les mots qu’elles cachent, ce qu’ils vont rejouer, épaissir, lui penché sur l’onde ultime...

¬ Que viennent les temps démêlés, le visage et les clous, la pierre et l’envers, lézard courbé, muraille chinoise, dévotion des murmures, puis de l’effondrement l’herbe obscure, dernier mouroir où le faucon remue...

¬ Ô l’aventure de l’aigu, du divers, de l’obscur, qui te déploie en présages, d’un seul trait avouant non ce qu’elle est, mais où elle puise...

¬ S’abandonner à l’instant sans pour autant en être le captif, là où s’affine la nouvelle soudure, ses téguments, et ses rejets, et ses lois...

¬ Ô ébauche qui ne tend qu’à ce qu’elle renvoie, les pas dans la nuit, l’avance énigmatique du chat, le vent qui bat aux vitres comme si, entre pardon et éveil, tu nous avais une dernière fois revus...

¬ Sentinelle, figeant le fluctuant, pétrifiant l’incertain, l’enclos où tu croisas l’imployable...

¬ Sache régner sur qui advint, les leurres, les heures, les ombres, là où tu t’abandonnes en ne te mesurant qu’à l’empire clos sur lui-même, à ses ébats, à ses rebours amadoués, à ses foulures...

¬ Légiférer contre les oukases du monde, de l’Un fustigeant ses voilements et ses remords, conque enfin dépouillée de l’éblouissement qui la comble, s’en allant vers le neutre, sans démêler, sans avouer...

¬ You have built yourself out of mist : thus, you can be prodded, but not ruled.

¬ Racornir l’ordre, fût-il démis, au nom duquel ils insultèrent l’irréel dont tu te sais dépositaire.

¬ Libre à toi de préférer les rapts aux servilités, les dieux au Dieu jaloux et sans visage, la faille des origines à la coquille du sanctuaire, le retour à la duplicité du devenir, Isolde agonisant, mais toujours PRÉCÉDANT la percée qui la requiert aux beuglements du Très-Haut, où tumeurs crissent, menottes perdurent.

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