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« Moi, citoyen ignominieux, génie alcoolique... » 

Poésie et marginalité dans le Vietnam contemporain

lundi 28 mai 2007, par Doan Cam Thi

« ...la poésie fut toujours ce qu’il y a de plus ‘moderne’, de plus dynamique. Elle est là qui nous précède et qui nous entraîne vers l’avenir » (Léon-Paul Fargue, Lanterne magique).

Comment être poète et marginal au Vietnam ? La question vient d’emblée à l’esprit car la poésie y reste proche du pouvoir, et ce quelle que soit la nature du régime politique. Jusqu’au début du 20e siècle, par le biais des concours, les lettres étaient l’instrument de promotion sociale par excellence. Nguyễn Trãi au 15e siècle et Nguyễn Du au 19e siècle, deux poètes majeurs du Vietnam classique, n’étaient-ils pas de hauts fonctionnaires issus de grandes familles mandarinales ? Depuis 1945, date de l’avènement du Vietnam communiste, l’écrivain est d’abord propagandiste au service de l’idéologie comme en témoigne l’exemple de Hồ Chí Minh qui a ceint la double couronne de président de la République démocratique et de poète révolutionnaire.

En contrepartie, de tout temps sont apparues des figures de lettré dissident, de Cao Bá Quát à Trần Dần, considérés comme de grands talents littéraires de leurs générations. Le premier, né en 1809 et mandarin du ministère des Rites, avait passé trois années en prison pour avoir violé les règlements lors de la première correction d’un concours, puis fut tué au cours d’une insurrection contre la Cour à laquelle il avait participé. Quant à Trần Dần, né en 1926, il fut l’un des fondateurs du Nhân Văn Giai Phẩm [L’Humanisme-Les Belles œuvres], mouvement contestataire des années 50, qui réunissait les artistes hostiles à la politique culturelle du régime et réclamant la liberté de création. Exclu du Parti communiste, emprisonné deux fois, il avait vu la plupart de ses œuvres interdites de son vivant. A trente-trois ans, ce créateur de poèmes au graphisme en escalier inspirés par Maïakovski crie sa solitude, son doute, son désespoir dans son célèbre roman en vers Cổng tỉnh [Les portes de la cité] :

Qu’est ce qui peut me consoler mieux qu’un poème ?
Illusions ? Donnez-m’en une gorgée
 [1]

Aujourd’hui, à l’aube du troisième millénaire, le jeune Lý Đợi lance « Qui croyez-vous que je suis ? » avant d’esquisser une réponse non moins provocatrice :

... moi, citoyen ignominieux
génie alcoolique
timbré, assis dans la ruelle 47, philosophe sur les perforateurs de béton
je rêve de trous, de changements
et compose un poème à l’ancienne (au vocabulaire désuet)
sur les choses (que les habitants trouvent) évidentes !

voilà ce que je vous dis pour finir :
combien vous êtes insouciants
qui croyez-vous que je suis ?
je suis celui qui crache sur son visage et sa conscience
 [2]

Lý Đợi (né en 1978, licencié ès lettres), auteur de nombreux poèmes dont « Năm bài thơ hai chữ được viết dưới thời của chế độ toàn trị » [Cinq poèmes à deux mots composés dans un régime totalitaire] et le manifeste « Thơ và chúng tôi không làm thơ ! » [Nous n’écrivons pas de poème !], a récemment fondé avec Bùi Chát (né en 1979, licencié ès lettres) et d’autres artistes bohèmes le groupe Mở Miệng [Ouvrir la bouche] à Hochiminh-ville, l’ancienne Saigon. A l’instar de son intitulée emblématique, ce dernier s’acharne à revendiquer le droit d’ouvrir la bouche contre la censure, à sortir la poésie de sa tour d’ivoire pour la faire éclore dans le quotidien. Avec humour et autodérision, ces poètes assument leur marginalité, prennent non seulement le contre-pied de la figure sacrée de l’écrivain traditionnel, mais se séparent aussi des auteurs anticonformistes ou originaux dont l’œuvre peut choquer tout en restant complaisante. A la différence de nombre de leurs pairs, ils refusent tout compromis avec les autorités - se réunir autour des sièges de journaux, des maisons d’édition ou des offices culturels d’Etat - qui leur offrirait stabilité et sécurité, et exercent de petits métiers pour préserver leur liberté. Ils qualifient leur travail de « poésie-ordure » ou « poésie-cimetière » afin de le démarquer de la poésie aussi esthétisante que bien-pensante de l’Union des écrivains contrôlée par le Parti communiste et d’autres cercles littéraires.

Au-delà de leurs dissemblances, Lý Đợi et Bùi Chát s’attachent l’un comme l’autre au monde concret et trivial, décrit sans discours ni pathos. Avec une sensibilité particulière à la bêtise du pouvoir, à la misère urbaine et au sexe, ils composent une poésie de l’actualité et se défient du symbolique, de la métaphore, du sens, de la profondeur. Leur œuvre, influencée par le courant post-moderniste, élimine le moi traditionnel, casse les inspirations lyriques, remet en cause même la poésie, genre le plus favorable à l’exaltation du sujet. Si leurs vers traitent du conflit intérieur ou du sentiment intense, parfois tragique, ils ne sont jamais une confession ni un enseignement sous le nom du Vrai, du Bien et du Beau. Désacralisé, le poète selon Mở Miệng n’est ni un penseur ni un prophète, mais un quidam, un clown qui dit la vie, le mouvement, le rire autant que le verbe.

« Vô địch » [Champion] de Bùi Chát est un des premiers poèmes vietnamiens à rejeter radicalement le « grand récit ».

Une bite toute banale, il [3] la préserve. Les leçons de ses aînés
sur la protection et l’entretien - de manière irréprochable
il les subit malgré son désir de tirer un coup
de satisfaire les besoins de sa bite

Il jure de garder à jamais sa virginité, contre la séduction féminine
et pour la vertu. Tous les jours, il se regarde dans un miroir et bande
(fortement) sa hanche pour se préparer à... un avenir qu’on lui a tracé
tandis que les cons s’ éloignent au fur et à mesure tels des petites sources
Il ignore que ce (troupeau) d’aînés est foutu depuis bien longtemps
Au milieu de sa vie, il n’est jamais entré en contact avec personne
Sa bite reste intacte et... tannée

Dans ses moments de solitude, il glisse
discrètement sa bite dans son anus

(sanglots)

Avec l’emploi du pronom « nó », équivalent de la troisième personne du singulier dont l’usage est familier ou méprisant, l’auteur renonce au monologue intérieur traditionnel, forme d’expression du « je-vérité » par excellence. L’être humain est certes au cœur du poème mais il est montré comme un étranger vide de référent, seule son identité sexuelle étant mentionnée. Les parties du corps évoquées sont la bite, la hanche et l’anus. Ses actes, concrets et ridicules, sont exposés à une lumière crue. Le texte met en scène un anti-héros, en contraste avec le titre « Champion » suggérant une épopée qui raconterait périls et hauts faits du personnage principal. La dérision, d’autant plus dévastatrice qu’elle est doublée d’une hilarité soutenue par multiples jeux des mots, a permis d’écarter l’émotion, la grandiloquence, l’emphase, car la « résistance au lyrisme » est une question qui depuis la modernité, préoccupe les plus grands poètes tels Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé pour ne citer qu’eux [4].

Dans « Thời hoa đỏ lè » [Le temps des fleurs trop rouges], Bùi Chát ajoute un mot du langage courant à la fin de chaque vers d’un poème célèbre mais conventionnel intitulé « Thời hoa đỏ » de Thanh Tùng, poète officiel, afin de le tourner en dérision. Cet acte ne rappelle-t-il pas celui de Marcel Duchamp qui dessina une moustache sur une reproduction de la Joconde de Léonard de Vinci pour s’attaquer à un chef-d’œuvre de la peinture occidentale, outrager la féminité sublimée par la Mona Lisa et peut-être faire allusion à l’homosexualité du peintre italien ? Ce faisant, Bùi Chát affirme sa liberté et abolit la frontière entre poésie « académique » et poésie « populaire ». Dans « Khóc Văn Cao » [Larmes pour Van Cao], composé seulement de six syllabes « anh văn ơi ! hu hu hu... », il pleure de manière insolente le compositeur de l’hymne national.

« Cái lồn què » [Un con paralysé] [5], un autre poème de Bùi Chát, est composé comme un conte grivois, une fable à caractère merveilleux où il emploie sciemment des termes grossiers et glisse des commentaires savoureux.

C’est le con indisposé. Mais voici une autre définition.
Jadis, en des temps très anciens, les espèces vivaient ensemble amicalement et les deux plus fêtardes, alcooliques et libertines étaient le con et la femme
Très endetté, le con s’engagea comme domestique chez la femme. Sur son corps il allait et venait tout au long de la journée : il y travaillait dur, chargé des soins de beauté et d’hygiène...
Un jour vint où, nostalgique de son ancienne vie de libertin, il s’enfuit pour quelques jours, la femme découvrit alors que l’homme ne l’aimait hélas ! que pour son con
Afin de garder celui-ci, elle le piégea, le frappa,... avant de paralyser ses jambes et de l’enchaîner à sa hanche
Devenu le sujet de moqueries et inapte à se déplacer, le con disparut alors. Personne ne sait où il alla.
De nos jours, les jeunes croient que la femme et le con ne font qu’un

Commentaire :
Quelle naïveté !

Le récit, basé sur l’improvisation, donne l’impression d’avoir été écrit pour être jeté dans la rue, sur les trottoirs, pour que chacun puisse l’entendre, le reprendre comme un jeu, l’inventer à son tour, multiplier les interprétations. Quel est l’effet de ce jeu de glissement, de ce processus sans fin ? Il montre que l’œuvre n’appartient ni à son auteur ni à son auditoire. La poésie de Bùi Chát qui accorde un rôle actif au lecteur, s’oppose à la littérature classique où l’auteur est propriétaire de sa parole, le public un simple consommateur.

« Interaction avec l’environnement » [tính tương tác với hoàn cảnh], « poésie comme produit de consommation » [tính tiêu dùng], ou « détournement, travestissement » [tính cưỡng chế], autant de concepts forgés par Mở Miệng. Ainsi, Lý Đợi a-t-il écrit son poème « Khoan cắt bê tông » [Les perforateurs de béton] [6] le 9 août 2005, le jour où le Vietnam a été frappé par les séismes, pour répliquer à la presse populaire. Si l’on en croit les médias, il y a 3200 ans le même phénomène avait provoqué des éruptions volcaniques dans la région des Hauts Plateaux. Les journaux locaux, à cette occasion, ont été inondés des propos d’astrologues qui prédisaient de grands fléaux - tremblements de terre et éruptions volcaniques - à partir de 2006. Ces informations ont suscité dans l’opinion publique des réactions violentes et passionnelles.

Oui...
J’effacerai tout (y compris les annonces publicitaires des perforateurs de béton) sur la face des murs
Je détruirai les hommes et les bêtes
Je détruirai les oiseaux du ciel et les poissons de la mer
Je renverserai les méchants
Je débarrasserai la face de la terre des hommes (y compris les perforateurs de béton)

Oui...
J’étendrai ma main sur les traîtres (et les mouchards)
Et sur tous les habitants des Cent Yue
J’exterminerai de ce lieu (y compris de la ruelle 47) les survivants des populations voisines
et supprimerai les éditeurs de poésie officielle
J’exterminerai ceux qui se prosternent sur les toits devant l’armée des cieux
J’exterminerai ceux qui se cachent dans la terre pour creuser leur tombe

Silence devant moi, Doi Ly - un perforateur de béton

Je fouillerai, souvenez-vous, les Cent Yue avec des lampes
Je châtierai les hommes
Je mépriserai les femmes
J’écraserai les homosexuels
Ceux qui reposent sur leur lie
Ceux qui disent dans leur cœur : Doi Ly ne fait ni bien ni mal
Ils ont tort. Sous un régime totalitaire
Leurs biens seront livrés au pillage
Et leurs maisons seront dévastées
Ils auront bâti des maisons, qu’ils n’habiteront plus
Ils auront planté des vignes (ou du riz, c’est pareil), dont ils ne boiront plus le vin

Le grand jour de Doi Ly est proche
Un jour qui fait entendre des cris amers
C’est un jour de fureur,
Un jour de détresse
Un jour d’angoisse
Un jour de ravage et de destruction
Un jour de ténèbres et d’obscurité
Un jour de nuées et de brouillards
Un jour d’incendie...

Oh vous tous, hommes sans scrupules, unissez-vous
Unissez-vous avant d’être dispersés comme des balles de paddy par le vent
et regardez les numéros de téléphone sur les annonces des perforateurs de béton
sur les murs qui vous enferment
que ni les tremblements de terre, ni moi (celui qui détruira tout) ne pourrons enlever...

Source : Sophonie 1, 2-18

A travers cette parodie de la « Prophétie de Sophonie - Chapitre 1 » (Ancien testament), Lý Đợi (ou Doi Ly) s’adresse aux peuples des Cent Yue, comme l’Eternel aux habitants de Jérusalem. Le poète mêle avec jubilation la Bible aux annonces populaires et au langage des bidonvilles, « remixe » le livre sacré, rend ridicules sa solennité et sa grandiloquence.

Autre parodie : le « Oh vous tous, hommes sans scrupules, unissez-vous » renvoyant au fameux « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous » du Manifeste communiste. L’effet comique est d’autant plus souligné que la doctrine officielle du régime demeure celle de Marx. Le poème de Lý Đợi est aussi inspiré des annonces de perforateurs de béton. Au Vietnam, les murs des lieux publics sont couverts d’offres de services insolites (perforation de béton, vente de semence de porc...). Leurs auteurs sont poursuivis par la police car un tel affichage est illégal. Particulièrement sensible au sort malheureux de ces ouvriers souvent originaires des campagnes, Lý Đợi exprime la bêtise, la terreur et la destruction dans un monde de violence et de souffrance, sur un ton mêlant l’humour à l’ironie, dans une langue orale, criblée de fragments de dialogue et de voix de commentaire. Epopée satirique du régime totalitaire ? Ode au nihilisme ? Texte provocateur ? Ce poème est avant tout constructif : il invite à s’émanciper de toutes barrières, politiques, morales, sociales, religieuses qui brisent l’individu.

Réécriture parodique de la Bible, détournement de discours officiels, pastiche de contes populaires, recyclage de textes et d’images d’internet, clins d’œil ironiques aux poètes romantiques, autant de démarches de prédilection de Mở Miệng. Quel est leur point commun ? Un autre regard sur l’œuvre préexistante, le désir de l’« habiter », de lui donner une autre vie, pour reprendre les termes de Nicolas Bourriaud : "De ces artistes qui insèrent leur propre travail dans celui des autres, on peut dire qu’ils contribuent à abolir la distinction traditionnelle entre production et consommation, création et copie, ready-made et œuvre originale (...) Apprendre à se servir des formes (...) c’est avant tout savoir les faire siennes et les habiter" [7]. La mise en relief du bricolage, du pastiche, de la parodie, ajoute à leur poésie une dimension ludique et met un doute sur le monde trop souvent conçu comme transparent et stable.

Le travail de Mở Miệng englobe par ailleurs les arts plastiques qui leur offrent de nouveaux outils et matériaux susceptibles d’exprimer leur marginalité et de déloger le vers du livre, dans les deux sens du terme. Libérée de l’écriture et du texte, sa poésie est faite aussi de photos, de corps, de sons, de couleurs, de lumière - ces divers supports s’entrelacent non pas dans un rapport d’illustration mais de dialogue -. Délivrée des doctrines et des bibliothèques poussiéreuses dans lesquelles s’enferme la parole traditionnelle, elle reprend vie. Les poètes de la rue sont sans conteste les plus inventifs en quête perpétuelle de la modernité. La marge qu’ils occupent n’est pas un espace blanc mais un lieu de rature, de débat, d’affrontement.

Modernité, marginalité et Saigon ne sont-elles d’ailleurs pas indissociables ? Cité nouvelle à l’identité plurielle - occupée par les Français de 1861 à 1945 puis restée dans la zone d’influence américaine jusqu’à 1975 - Saigon est ouverte à la différence. Y ont paru les premiers journaux en quốc ngữ, langue vietnamienne en caractères latins, Gia Định Báo (1865) ou Nông Cổ Mín Đàm (1901) ainsi que le premier roman moderne, Truyện thầy Lazaro Phiền [L’Histoire de Lazaro Phien] (1887).

Si le mouvement vietnamien présente certaines des caractéristiques de la littérature underground en Europe tels la clandestinité, la marginalité et le post-modernisme, cette filiation ne rend pas compte de sa complexité. Ses poètes sont particulièrement combatifs : ils réagissent sur différents sites d’internet à chaque remise en cause par les autorités ou les bien-pensants qui taxent leur travail de « vulgaire » et d’« immoral », s’engagent donc par les mots et en actes. Dans Kiệt tác thơ - Kiệt tác nghệ thuật - Kiệt tác tự do [Chef-d’œuvre de la poésie - Chef-d’œuvre de l’art - Chef-d’œuvre de la liberté] [8] composé le 20 juin 2005, juste après qu’une soirée autour du groupe prévue à l’Institut Goethe de Hanoi en la présence de deux de ses membres ait été interdite, Lý Đợi écrit :

J’éprouve une sensation, non pour la tradition, mais pour d’immenses espaces.
J’éprouve une sensation pour mon époque, à moi. Je n’ai aucun lien avec les autres.
Je n’appartiens à aucun principe, aucun parti politique, aucune religion, aucune idéologie, aucune organisation. Sacrebleu, je m’appartiens à moi-même.
J’éprouve une sensation pour la liberté primitive et pour mon vrai visage. Je veux déclarer la guerre à tout ce qui relève de l’ordre commercial : les musées, les critiques, les historiens de l’art, les esthéticiens et ce que d’aucuns appellent les « forces culturelles »....
Je suis convaincu que l’art véritable n’est pas né, car la vraie liberté et la vraie justice n’ont pas été établies.
La liberté n’est pas née. Le chef d’œuvre de la liberté non plus.

Ce courant poétique de Saigon a-t-il ouvert une nouvelle page de l’histoire de la littérature vietnamienne ? Il est certes trop tôt pour l’affirmer, mais déjà Mở Miệng bouscule le goût dominant, déstabilise les critiques et les lecteurs, irrite les autorités, rêve une idylle entre révolution formelle et révolte politique. C’est en ce sens qu’il constitue le terrain sans doute le plus saillant mais le plus fertile de la poésie contemporaine.


Annexe

Bùi Chát
vô địch

một con cặc tầm thường, nó giữ. theo cách cha ông dạy
bảo vệ, nâng niu - không gì sai sót
nó gồng mình chịu trận dù muốn một phát
huy xứng đáng cho cặc tính mình

thề trinh tiết đến cùng, tuy gái gú theo
bởi phẩm hạnh. mỗi ngày nó soi gương, quấn vải
quanh háng [thật] nhiều lần nhằm sở hữu... tương lai được chuẩn bị
từng cái lồn bỏ đi như những dòng sông nhỏ
nó đâu biết [bọn] cha ông ngỏm từ khi nó lọt lòng
nửa đời không ai đụng, nó không chạm ai
vẫn còn... nguyên si & đen đúa

để yên ủi mỗi khi về già. nó lén lút chuyển
con cặc ra sau rồi đâm vào đít

[thut thit]
phụ chú :
tựa bài thơ có thể đọc là vô địt... theo cách phát âm của mộ số vùng bắc bộ

— -
Bùi Chát
cái lồn què
là cái lồn có kinh, ngoài ra có thể hiểu như sau :

ngày xưa, cách đây thật nhiều nhiều năm. các loài đều chung sống, đối đãi với nhau như bạn bè, riêng đàn bà & lồn là 2 loài ăn chơi đàn đúm & nhậu nhẹt bê tha hơn cả

vì mắc nợ một món tiền khá lớn, lồn buộc phải ở đợ cho đàn bà. suốt ngày quanh quẩn trên cơ thể, làm lụng vất vả : từ chăm sóc sắc đẹp cho đến vệ sinh các thứ...

một hôm. nhớ giang hồ không chịu nổi, lồn bỏ trốn vài ngày. chính thế mà đàn bà biết, loài đàn ông yêu thương, đắm đuối mình cũng chỉ vì lồn

để giữ lồn lại bên mình. đàn bà tìm mọi cách giăng bẫy, đánh đập lồn tàn nhẫn đến què cả hai chân...sau đó xiềng luôn ở háng

từ đó, phần bị thiên hạ đàm tiếu, phần vì đi đứng không tiện. chẳng ai biết lồn ở đâu

duy bọn trẻ lúc nào cũng nghĩ : đàn bà & lồn, nhất định là một

bình :
thế mới dại dội

— -

Lý Đợi
Bọn mày tưởng tao là ai ?
(Extrait)

còn ta, một công dân ô nhục bậc nhất
một thánh nhân nát rượu bệnh hoạn
một thằng dở hơi ngồi trong hẻm 47 và triết lý
về khoan cắt bê tông
và mơ về những lỗ thủng, điều thay đổi
và viết một bài biền ngẫu [ngôn ngữ cũ rích]
về những điều [mà cư dân ở đây cứ tin là] hiển nhiên như thế !
tưởng có thể kết thúc nhưng tao cần phải nói thêm :
rằng bọn mày vô tư lắm
bọn mày tưởng tao là ai ?
tao đang khạc nhổ vào mặt và lương tâm của tao đấy

— -
Lý Đợi
Khoan cắt bê tông
+ Xứ Việt trở lại thời kỳ động đất-núi lửa, sau 3200 năm.

phải...
ta sẽ quét sạch tất cả [lũ khoan cắt bê tông] khỏi các bờ tường
ta sẽ quét sạch loài người cũng như loài vật,
ta sẽ quét sạch chim trời lẫn cá biển
ta sẽ khiến cho kẻ gian ác phải lảo đảo té nhào
và sẽ tận diệt loài người [cùng lũ khoan cắt bê tông] khỏi mặt đất...

phải...
ta sẽ dang tay đánh phạt lũ bội phản [và chỉ điểm]
và toàn thể cư dân Bách Việt
ta sẽ tận diệt khỏi nơi này [kể cả hẻm 47] số còn sót lại của cư dân lân cận
và xoá tên các nhà xuất bản thơ chính thống
ta sẽ tận diệt những kẻ leo lên mái nhà mà cầu cứu chi viện
ta sẽ tận diệt những kẻ chui xuống đất tìm mả đẹp...

hãy lặng thinh trước ta : Doi Ly_kẻ khoan cắt bê tông...

và hãy nhớ, ta sẽ cầm đèn lùng sục khắp Bách Việt
ta sẽ trừng phạt bọn đàn ông,
ta sẽ miệt thị bọn đàn bà
và đàn áp bọn đồng tính
những kẻ cứ điềm nhiên như rượu trên lớp cặn
bởi chúng tự nhủ rằng : Doi Ly không ban phúc, nên cũng không giáng hoạ...
chúng đã lầm, tại một xứ sở toàn trị
tài sản của chúng sẽ bị cướp phá,
nhà cửa sẽ bị tan hoang,
chúng xây nhà, nhưng không được ở,
chúng trồng nho [lúa cũng thế], nhưng chẳng được uống rượu...

đã gần rồi, ngày của Doi Ly
ngày vọng lên những tiếng kêu thảm thiết
ngày thịnh nộ
ngày khốn quẫn
ngày gian truân
ngày huỷ diệt & tàn phá
ngày tối tăm & mịt mù
ngày âm u & ảm đạm
ngày của thiêu rụi...

này hỡi đám dân vô liêm sỉ, hãy tập họp, tập họp lại đi
trước khi các ngươi bị phân tán
như vỏ trấu bị gió thổi bay trong một ngày
và nhìn lên những số phone rao vặt khoan cắt bê tông
trên các bức tường đang vây hãm các người
dù động đất, dù ta [kẻ huỷ diệt tất cả] cũng không phá bỏ được...

Nguồn : Xp 1, 2-18

— -
Lý Đợi
Kiệt tác thơ - Kiệt tác nghệ thuật - Kiệt tác tự do

(extraits)

Tôi không có cảm giác về truyền thống. Tôi có cảm giác về những không gian vĩ đại.
Tôi có cảm giác về thời đại của chính tôi. Tôi không dính líu gì đến những thứ khác.
Tôi không thuộc về bất cứ tục lệ nào-bất cứ đảng phái nào-bất cứ tôn giáo nào-bất cứ ý thức hệ nào-bất cứ tổ chức nào. Mẹ kiếp thế, tôi thuộc về tôi.
Tôi có cảm giác về sự tự do nguyên thuỷ và chân diện của mình. Tôi cảm thấy muốn tuyên chiến với những cái đang sắp hàng theo trật tự thương mại : bảo tàng viện, những phê bình gia, những sử gia nghệ thuật, những nhà mỹ học và cái gọi là những lực lượng văn hoá...
Tôi tin rằng nền nghệ thuật đích thực chưa được sinh ra ; bởi nền tự do và công bình đích thực chưa được sinh ra.
Tự do chưa sinh ra. Kiệt tác tự do cũng thế.

Notes

[1« Có gì an ủi được hơn thơ ?
Có mộng tưởng ? cho tôi một ngụm ? ».

[2Extrait du poème « Bọn mày tưởng tao là ai ? » [Qui croyez-vous que je suis ?]. Voir l’annexe.

[3« Nó » en vietnamien. Voir l’annexe.

[4Voir Jean-Michel Espitallier, Caisse à outils. Un panorama de la poésie française aujourd’hui, Editions Pocket, Paris, 2006, p.85-86.

[5Voir l’annexe.

[6Voir l’annexe

[7Nicolas Bourriaud, Postproduction, Les Presses du réel, Dijon, 2003, p. 5.

[8Voir l’annexe.

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