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Dessins, collages, objets Par Linda Ellia (France), peintre et photographe

mercredi 7 janvier 2009 (Date de rédaction antérieure : 28 mars 2024).

Du mardi 13 janvier au mercredi 18 février
Vernissage le mardi 13 janvier à 18h30

Comment l’art peut-il réagir face à l’horreur ?
Lorsqu’il s’agit de Mein Kampf, le livre-programme d’Adolf Hitler,
l’oubli, la destruction sont impossibles ; comment, pourtant affronter
l’intolérable ?
Quand par hasard, cette œuvre de mort tomba entre les mains de
Linda Ellia, l’artiste-peintre et photographe fut submergée par la co-
lère et le dégoût. Pour tenter d’échapper à la violence de son émo-
tion, elle choisit de la traduire à même les pages de cet ouvrage de
haine. Elle décida de recouvrir le texte, de le rendre illisible, de tenter
de l’éradiquer comme par un réflexe de défense.
Parce qu’il fallait opposer un geste collectif à ce texte et à la barbarie
qu’il a engendrée, elle décida de distribuer les nombreuses pages à
des passants, des inconnus du monde entier informés par Internet,
à des artistes reconnus – Enki Bilal, Miquel Barceló, Willem, José
Muñoz, Philippe Cognée, Vladimir Velikovitch, pour ne citer qu’eux.
Des pages qu’elle récupéra, compila ; des pages raturées, pliées,
découpées, brûlées – des dessins, peintures, collages pour palier le
manque de mots face à l’indicible, et mettre à jour la résistance de
chacun.
En tout, plus de 600 pages ont été distribués et publiées en 2007 par
les éditions du Seuil, sous le titre Notre combat ; un livre qui a connu
un grand succès en librairie.
Le résultat est fascinant par la force graphique et l’émotion que déga-
ge chacune des pages et terrifiant – car il n’efface pas la malédiction
des faits et la souffrance des victimes annoncées dès 1923.
La résistance de l’art offre-t-elle un gage suffisant ? Comme le souli-
gne la préface de Simone Veil « il faut toujours garder à l’esprit que
le nazisme est né et s’est développé dans une société démocratique,
la Shoah fut l’œuvre d’individus que l’on disait civilisé ».
Les dessins originaux sont exposés en première mondiale au Théâtre
Forum Meyrin. L’exposition présentera l’intégralité des images repro-
duites dans le livre ainsi que deux cents inédits. Au total, six cents
originaux seront à découvrir dans cette exposition-événement.
Théâtre Forum Meyrin
Ouverture publique Les mercredis et samedis de 10h00 à 12h00 et de 14h00 à 18h00.
Egalement sur rendez-vous.

Galerie du Levant / Entrée libre / Cette exposition intègre notre théma Geist.
Vernissage Le mardi 13 janvier à 18h30
Dès 19h rencontre-débat avec Linda Ellia et Thierry Illouz, écrivain, auteur d’une page.
Modérateur : Jean-Marie Antenen, éditeur
Linda Ellia sera présente à Genève du lundi 12 au vendredi 16 janvier.
Avant-propos
Quelle ne fut pas ma stupeur lorsque ma fille me posa dans les mains le livre d’Adolf
Hitler, Mein Kampf, trouvé dans une cave. Comment était-il arrivé là et pourquoi ?
Mon corps se mit à trembler, à brûler. (…) Il fallait un apaisement à mon désarroi.
Comment transformer le livre, le détourner de son horreur ? Il m’était impossible de
le lire, de le donner, de le détruire. Comment faire ? Comment le faire taire ? Mon
esprit torturé cherchait, ne cessait de questionner.
Un soir, je vis des extraits du film de Claude Lanzmann, Shoah. Le récit des rescapés
me bouleversa et, dans la nuit, réveillée en sursaut, des phrases surgirent comme
par magie. Je saisis le livre, le regardai, le scrutai. Une idée me traversa l’esprit : « Et
si je détachais l’une de ces pages pour y exprimer ma colère, répondre, résister ? »
Je saisis alors un gros marqueur rouge et décidai de m’en prendre à l’ouvrage.
Je dessinai rapidement la tête d’une femme hurlant – elle s’appellerait Aile. La si-
gnature, qui porterait sur ces pages la marque de mon geste, était trouvée. J’en ai
éprouvé un tel plaisir que j’ai continué sur une trentaine de pages. Je les recouvrais
de mes mots, de mes dessins, de mes peintures, je les découpais… J’exultais. Je
voulais en finir avec ce livre et le maculer jusqu’à la dernière page. C’est alors que j’ai
pensé aux autres. Pourquoi ne pas partager ce que j’étais en train de vivre ?
(…) Lorsqu’ils me rendirent leurs pages, je décidai définitivement de poser mes
crayons pour leur donner la parole. Leurs travaux constituaient à mes yeux de réels
chefs-d’œuvre. Tous me racontèrent comment ils avaient vécu cette expérience, et
ce qu’elle avait suscité en eux. Le résultat dépassait mes espérances. Mon désir
était précisément de partager, de communiquer, d’initier le mouvement de ce qui
deviendrait une cause commune, de s’engager ensemble à travers l’art. Cet élan
solidaire, ces liens me donnèrent l’énergie pour ne jamais fléchir.
Je choisis de poursuivre l’expérience dans la rue, d’interpeller des inconnus pris au
hasard.
(…) Quand, un soir, mon frère Yves découvrit les pages revisitées, l’angoisse me sai-
sit. Je redoutais sa réaction. Le visage plein d’inquiétude, il finit par me dire : « Linda,
qu’es-tu en train de faire avec Mein Kampf ? » La gorge nouée, je lui ai expliqué ma
démarche. Sa réponse fut aussi immédiate qu’enthousiaste : « Tout le monde doit
voir ça ! Je vais t’aider à distribuer ces pages. » Depuis, nous n’avons cessé de nous
y consacrer.
Note d’intention, par Linda Ellia (extrait)
Préface de Notre combat, par Simone Veil (extrait)
(…) Entre Mein Kampf et le travail de Linda Ellia, il y a en effet l’insondable béance
que fut la Shoah. Si cette ombre plane sur chaque page de ce livre, c’est bien l’ex-
pression de la mémoire qui est ici montrée dans toute sa diversité. Du déni à la
colère, de la répulsion à la douleur, la multiplicité des réactions traduit les différentes
manières d’aborder cet héritage commun. Les dessins, les peintures, les collages et
toutes les transformations subies par le texte pallient ainsi le manque de mots face à
l’indicible.
Repères biographiques
Linda Ellia, artiste plasticienne, peintre et photographe
1992-1995 : Musée des arts décoratifs (Louvre)
1999 –2003 : Ecole des Beaux-Arts / Atelier Glacière de la ville de Paris
2000-2003 : Manufacture des œillets et Centre St-Michel / Paris
2003 : Exposition personnelle / Carré des Coignards - Nogent sur Marne
- France
2005 : Découverte du livre Mein Kampf / Début du projet Notre Combat
2007 : Sortie du livre Notre Combat, Edition du Seuil
2009 : Création de l’exposition Notre combat, Théâtre Forum Meyrin
Publications
Livre : Linda Ellia, Notre combat, Ed. du Seuil, 398 pages, octobre 2007
DVD : Claude Ventura, L’art et la manière, Linda Ellia, Arte et Image &
Compagnie
L’exposition, une création
Concept scénographique
La présentation se doit de mettre en valeur l’œuvre aussi bien que les
parties qui la constituent, de lier le tout, comme le fait le livre, sans le
disperser dans l’espace de la salle.
Le premier élément frappant de cette œuvre artistique qu’est Notre com-
bat réside dans le nombre de pièces produites. Les pièces isolées sont
toutes fortes, émouvantes, personnelles et intéressantes. Elles peuvent
être vues une à une, comme une exposition plus classique de tableaux.
Mais elles constituent également un tout, qui est en soi une œuvre. Car
l’œuvre de Linda Ellia, son geste d’artiste, réside avant tout dans cette
volonté de réunir cette multitude de témoignages iconographiques.
Ce geste collectif sera présent dans l’exposition, non seulement par la
présence de la multitude de pages, mais par un dispositif qui permettra la
participation du public afin que les spectateurs de ce happening, puissent
en devenir également acteurs.
Le second élément porte sur l’essence même de ce projet : Notre combat
n’est pas qu’un livre contre, c’est aussi une volonté positive de substituer
l’espoir à une œuvre mortifère et aux conséquences dramatiques qu’elle
a induit. La présentation des originaux, sous forme d’exposition, pose
donc la question de la mémoire du spectateur, de sa connaissance des
faits historiques et des documents iconographiques qui s’y rapportent
mais également son empathie.
Les dessins originaux sont exposés en première mondiale au Théâtre
Forum Meyrin. L’exposition présentera l’intégralité des images reprodui-
tes dans le livre ainsi que deux cents inédits. Au total, six cents originaux
seront à découvrir dans cette exposition-événement.

Entretien avec Linda Ellia (extrait)
Est-ce-que ce geste artistique s’est révélé libérateur ?
Linda Ellia : Oui, dans mon travail. Pendant cette aventure, un autre regard s’est imposé
à moi. J’ai exploré de nouveaux supports, d’autres matériaux. J’ai, par exemple, fabri-
qué des poupées en tulles de diverses couleurs, ligotées avec de la ficelle, du fil de fer,
des élastiques, de la corde. Certaines n’ont que la tête, d’autres sont immenses et sans
membres. La première, je l’ai collée sur une page de Mein Kampf (Notre combat, page
375).
Je vois les choses différemment à présent. C’est peut-être ça, la liberté : créer, voir ce
qui se passe autour de soi et pouvoir le montrer, le dénoncer.
Que peut l’art face à la barbarie ?
Justement, se soulever, se révolter face à toutes sortes d’injustices à travers un art en-
gagé. L’émotion véhiculée par l’art est une arme redoutable qui fait son chemin. Il faut
être très patient. Tout fini par arriver un jour. Il suffit d’y mettre toute sa sincérité, son
cœur.
Est-ce que l’artiste a une responsabilité particulière face à l’Histoire ?
Si l’Histoire le touche, oui. On a tous une responsabilité face au passé. Il faudrait qu’il
nous serve d’exemple, pour que les injustices ne se reproduisent plus jamais, « À l’ave-
nir, l’odieux peut encore nous tomber sur la tête ».
Arrivé à la dernière page du livre, que souhaiteriez-vous que le lecteur retienne ?
Chaque personne possède en elle la force d’agir, de combattre, de se rebeller contre
l’adversité. Il suffit de le vouloir, de le décider et d’agir. L’union fait aussi la force, levons-
nous pour le bien et non pour le pire !

Entretien avec Thierry Illouz (extrait)
Comment avez-vous réagi à la proposition de Linda Ellia ?
Thierry Illouz (écrivain ayant participé à l’exposition) : La proposition m’a d’abord dé-
sarçonné, remué, perturbé. Il s’agissait de toucher l’intouchable, de s’y confronter phy-
siquement. J’ai d’abord cru en être incapable tant Mein Kampf relève du tabou, de la
répulsion. J’ai tenu la page à distance, je l’ai conservée dans un tiroir que je me gardais
d’ouvrir, pensant qu’un jour il me faudrait renoncer purement et simplement. Mais de
sa place la page m’a travaillé. Je la sentais proche et tant que je n’en avais rien fait la
tranquillité m’était interdite, il me fallait lui faire face. C’est le projet, l’art de Linda Ellia qui
m’ont convaincu. Sa démarche avait un sens, celui du recouvrement, celui de la substi-
tution d’un livre à un autre, un livre du bien sur un livre du mal. Sans elle, je n’aurais pas
eu la force de cet acte. Ce qu’elle a accompli tient dans cette révélation de ce qui, en
nous, attendait un tel affrontement et du soulagement qui en découle.
Quel enjeu recouvre cet exercice ?
L’exercice porte en lui une forme de nécessité première et jusque-là retenue. Le projet
de Linda Ellia conduit, par son impulsion, à cette découverte d’une possibilité de changer
par sa main la nature des choses. Il met en lumière une des formes d’abolition, d’extinc-
tion de la barbarie : œuvrer, agir, inscrire. Participer à ce travail d’enfouissement, d’enter-
rement de l’horreur et mieux encore de dépassement, peut-être même, si l’on peut oser
le mot, de victoire sur cela.

Pour les 2 entretiens, propos recueillis par Ushanga Elébé, extrait de Si n°3.
(...) Au total, 600 intervenants se sont exprimés, avec des
collages d’étoiles de David, des dessins sombres parfois
gais, des barbelés à l’encre noire, une photo de mèche de
cheveux blonds qui couvrent les mots. Fallait-il ressortir Mein
Kampf ? Un nouveau livre, patiné par l’histoire et l’émotion, a
fait surface.
Frédérique Roussel, Libération, décembre 2007
(...) Une entreprise fascinante et troublante.
Christine Gomariz, Paris Match, décembre 2007
(...) De Mein Kampf à Notre combat, l’entreprise tient de la
thérapie, mais aussi, page après page, de l’entreprise de dé-
tournement créateur et salvateur (...).
F.J., 24 Heures, décembre 2007
(...) De ces pages torturées, linda Ellia a tiré Notre combat,
bouleversant chef d’oeuvre à mettre entre toutes les mains.
Catherine David, Le Nouvel Observateur, novembre 2007
(...) Un travail collectif qui est à la fois un devoir de mémoire
et une lutte « symbolique » contre l’idéologie mortifère que
l’on sait.
Art absolument, hiver 2007
(...) Notre combat, proposé sous coffret au Seuil, avec une
préface de Simone Veil, est un objet unique, difficilement,
qualifiable. Livre d’art ? Peut-être. Livre de combat ? Sûre-
ment. Le texte est ici découpé, gribouillé, brûlé, hachuré selon la réaction instinctive ou réfléchie de chacun. Re-
couvert de dessins aussi, terribles ou poétiques, grinçants ou déchirants (...). Grâce à l’intervention de tous, artistes
et anonymes, cet ouvrage hors-norme hurle et rit. Avec une force qui parvient à débusquer et à dépasser l’horreur
jusque son « support impossible ».
M.G., Le Républicain Lorrain, novembre 2007
Un cri silencieux et assourdissant. C’est ce que propose les 350 illustrations de Notre combat. Le livre veut effacer le
programme nazi de Mein Kampf en le surimpressionnant, page après page, d’une intervention artistique. C’est fort,
émouvant, plein de tension, de colère et d’espoir.
Le Soir, novembre 2007
(...) Une oeuvre artistique douloureuse et bouleversante.
Ouest France, décembre 2007

Revue de presse (sur le livre Notre combat)
(...) Contre l’horreur idéologique, l’humour le dispute à la colère et au dégoût. C’est d’une force incroyable.
L’Est Républicain, décembre 2007
Cette exposition est accueillie en collaboration avec les Editions du Seuil

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